Robert Kagan et ses amis néoconservateurs soutiennent Hillary Clinton.
Par Rania Khalek – Le 26 juillet 2016 – Source The Intercept
Pendant qu’Hillary Clinton rassemble ce qu’elle espère devenir la coalition gagnante pour novembre, de nombreux progressistes restent sur leurs gardes – mais elle bénéficie du ferme soutien des va-t-en-guerre politiques.
« Je dirais que tous les républicains professionnels en politique étrangère sont anti-Trump » a déclaré Robert Kagan à un groupe rassemblé autour de lui, genre groupies, pendant une collecte de fonds intitulée les professionnels de la politique étrangère pour Hillary, à laquelle j’ai assisté la semaine dernière. « Je dirais qu’une majorité de gens dans mon cercle vont voter pour Hillary. »
En tant que co-fondateur du centre de réflexion néoconservateur Project for a new american century, Kagan a joué un rôle de premier plan dans la promotion d’une invasion unilatérale de l’Irak par les États-Unis et a insisté pendant des années pour dire que tout s’était très bien passé.
Malgré les effets catastrophiques de cette guerre, Kagan a insisté, pendant cette collecte de fonds de la semaine dernière, pour dire que la politique étrangère des États-Unis au cours des 25 dernières années a été « un succès extraordinaire ».
La politique isolationniste affichée par le candidat présidentiel républicain Donald Trump a conduit de nombreux néoconservateurs à fuir le ticket républicain. Et certains, comme Kagan, aident activement Clinton, dont l’agressivité ressemble beaucoup à la leur.
L’événement a recueilli 25 000 dollars pour Clinton. Deux étoiles montantes dans la direction démocratique en politique étrangère, Amanda Sloat et Julianne Smith, ont également parlé.
La façon dont elles ont décrit la vision de politique étrangère de Clinton a suggéré que, si elle est élue présidente en novembre, elle va exacerber les tensions avec la Russie, augmenter la belligérance militaire au Moyen-Orient, et généralement ignorer l’hostilité croissante de l’opinion publique américaine envers ces interventions à l’étranger.
Sloat, l’ex-secrétaire d’État adjointe au Bureau des affaires européennes et eurasiennes, racontait que Clinton sera « plus interventionniste et plus encline aux risques que Barack Obama ne l’a été » en Syrie. Elle a également applaudi Clinton pour intervenir de la bonne façon, en créant des coalitions au lieu de l’agression unilatérale qui a défini les années Bush.
« Rien de ce que [Clinton] a fait n’a été plus judicieux que la coalition de l’OTAN qu’elle a formée pour défendre les civils en Libye » a déclaré Sloat, faisant référence à la destitution du dictateur libyen Mouammar Kadhafi par l’administration Obama. Cette politique, menée par Clinton, a transformé un État autrefois stable en un havre de non-droit pour les groupes extrémistes de toute la région, y compris État islamique.
Kagan a plaidé en faveur d’une intervention américaine musclée en Syrie. Le choix probable de Clinton comme chef du Pentagone, Michelle Flournoy, a elle aussi insisté pour reprendre les frappes aériennes américaines en Syrie, afin de renverser le président syrien Bachar al-Assad.
Smith a dit à l’auditoire que, contrairement à Trump, Clinton « comprend l’importance de dissuader l’agression russe », qui est la raison pour laquelle « je vais mieux dormir si c’est elle à la présidence ». Smith est une ancienne conseillère en sécurité nationale du vice-président Joe Biden.
Smith a quitté le gouvernement pour devenir vice-présidente senior de la Beacon Global Strategies, un groupe de conseil bipartisan de haut vol, fondé par d’anciens hauts fonctionnaires de la sécurité nationale.
Lorsque Robbie Martin, un cinéaste qui a récemment produit un documentaire en trois parties sur le mouvement néo-conservateur, a demandé comment Clinton envisage de traiter avec l’Ukraine, Kagan a répondu avec enthousiasme.
« Je sais qu’Hillary se soucie plus de l’Ukraine que ne le fait l’actuel président », a répondu Kagan. « [Obama] m’a dit [qu’il ne voulait pas armer l’Ukraine parce qu’] il ne veut pas d’une guerre nucléaire avec la Russie », a-t-il ajouté en roulant des yeux dédaigneux. « Je pense qu’Obama ne se soucie plus du tout de Poutine. Je pense qu’il est dépassé. »
Kagan est marié à Victoria Nuland, l’extrémiste secrétaire d’État adjointe de l’administration Obama pour les affaires européennes et eurasiennes. Nuland, qui serait susceptible de servir à un poste de direction dans une administration Clinton, est pour la possibilité d’envoyer des armes létales en Ukraine, malgré une forte opposition des pays européens et une inquiétude au sujet des éléments néo-nazis que ces armes pourraient renforcer.
Une autre chose que les néoconservateurs et les faucons libéraux ont en commun, est la confiance que la politique étrangère actuelle est bonne et juste, et que l’hostilité populaire croissante contre ces interventions militaires est naïve et mal informée.
Kagan se plaignait que les Américains sont « tellement concentrés sur les choses qui ont mal tourné ces dernières années, qu’ils ne perçoivent pas l’inhabituelle qualité sous-jacente de l’ordre international dans lequel nous vivons ».
« Ce n’est pas que Donald Trump, a déclaré Kagan. Je pense que vous pouvez trouver dans les deux partis un sentiment très fort contre le besoin de rester là-bas. »
« Si, comme je l’espère, Hillary Clinton est élue, elle sera confrontée immédiatement à un pays qui n’est pas celui dans lequel elle se trouve, a-t-il-dit. C’est une croyante en cet ordre mondial. Mais une grande partie du pays ne l’est pas et cela va nécessiter de la persuasion et de l’éducation. »
Sloat a acquiescé, en faisant valoir qu’il est dangereux pour les gens de tirer des conclusions anti-interventionnistes de l’expérience en Libye et en Irak.
Le partenariat Clinton-néoconservateur a pris forme quand Trump est devenu le candidat républicain. Mais leur affinité l’un pour l’autre n’a cessé de croître au fil du temps.
Le journal néoconservateur Weekly Standard a célébré en 2008 la nomination de Clinton au poste de secrétaire d’État comme une victoire pour la droite, saluant sa transformation du statut de « première féministe » à celui de « Reine de la guerre, plus Margaret Thatcher que Gloria Steinem ».
Mais la collecte de fonds était peut-être la manifestation la plus visible de la convergence entre la mise en place de la politique étrangère démocratique et le mouvement néoconservateur.
Hannah Morris, du groupe de lobbying pro-israélien libéral J Street, a célébré ce bipartisme comme une « occasion mémorable ».
« Nous ne pourrions être plus fiers d’avoir [Kagan] ici aujourd’hui » a-t-elle déclaré.
Rania Khalek
Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone.
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