Comment Donald Trump renifle la piste de l’argent

U.S. Republican presidential candidate Donald Trump speaks at a campaign rally in Sacramento, California, U.S. June 1, 2016. © Lucy Nicholson


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 18 juillet 2016 – Source Russia Today

Imaginez des hordes de théocrates américains, des suprématistes blancs, nativistes, adorateurs de la NRA [le lobby des armes à feu], le tout dans une orgie de revolvers à la ceinture, déboulant à la convention républicaine de Cleveland dans le sillage des massacres d’Orlando, Dallas, Nice et Bâton-Rouge.

Qu’est-ce qui pourrait aller mal ?

Imaginez le dangereux spectacle d’une foule armée jusqu’aux dents, regroupant, par exemple, le Parti ouvrier traditionaliste (TWP) – allié avec les Golden State Skinheads (ESG) – arrivant en petite troupe au show du Parti Républicain pour faire en sorte que les partisans de Donald Trump soient défendus contre les voyous gauchistes. Les tribunaux de Cleveland sont prêts à traiter jusqu’à mille arrestations par jour, en restant ouverts 20 heures sur 24. Les boîtes de strip-tease sont gonflées à bloc pour Trump. Le bordel global assuré donnera un nouveau sens au mantra du rock ‘n’ roll Cleveland Rocks.

Problème à la jonction Trump–Pence 1

Pour aggraver le chaos, il y a le fracas Trump-Pence. Donald Trump reste visiblement frustré par sa propre nomination du gouverneur de l’Indiana Mike Pence comme colistier. Il aurait passé sa soirée de jeudi dernier à essayer désespérément de rétropédaler. Il était furieux que sa décision ait fuité avant qu’il n’ait eu le temps de l’expliquer personnellement à la double calamité de ses deux favoris : le pompeux connard Newt Gingrich et le gargantuesque fanfaron Chris Christie.

Et même dans la première interview conjointe Trump–Pence dimanche dernier, le meilleur échange était en réalité celui-ci :

PENCE : − Donald Trump, cet homme bon […] sera un grand président des États-Unis.

TRUMP : − J’aime ce qu’il vient de dire.

Il était fascinant de voir Trump s’ennuyer visiblement à mourir avec son nouvel ami, terne comme un cheeseburger rassis, qu’il a lui-même qualifié de « chrétien, conservateur et républicain, dans cet ordre. »

Lil’ Mikey – Petit Mikey – comme on le nomme ici, n’est manifestement pas la plus brillante ampoule dans la salle – quelle que soit la salle. Le fait qu’il était membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre ne lui donne pas précisément une crédibilité en politique étrangère. Après tout, ce qui compte vraiment pour Lil ‘Mikey est d’installer la charia évangélique aux États-Unis d’Amérique.

Pence a été imposé à Trump par son Richelieu, Paul Manafort, ainsi que par la famille de Trump, pour des raisons de pure realpolitik. Le petit garçon de l’Indiana fera bien dans le décor des États du Rust Belt ; prétendument pour récupérer les électeurs Ted Cruz et apaiser les fanatiques de la droite républicaine qui voient The Donald comme un cajoleur dépravé des gays, pro-avortement, incurable hédoniste new-yorkais ; et si le ticket colle bien, renseigner The Donald au sujet des mœurs ultra-byzantines de Washington.

Mais Trump ne devait pas se soucier plus que ça de tous ces avantages allégués parce qu’il est activé par ses tripes et pas par la realpolitik.

Une nomination beaucoup plus juteuse au poste de colistier aurait été celle du lieutenant-général retraité Mike Flynn, qui a été congédié de son poste à la tête de la Defense Intelligence Agency (DIA) de 2012 à 2014, au motif qu’il avait – à juste titre – prédit que la guerre secrète d’Obama en Syrie fabriquerait le Frankenstein ISIS / ISIL / Daesh. Et puis il en a remis une couche en disant que l’épanouissement de Daesh était en fait une « décision délibérée » de la Maison Blanche.

Non seulement Flynn était contre l’obsession de l’équipe Obama de militariser le rebelles modérés en Syrie, mais il avait averti que se débarrasser de Kadhafi via l’OTAN ouvrirait une boîte de Pandore en Afrique du Nord.

Le problème avec Flynn est qu’il n’est pas partisan de la charia évangélique paléolithique, et que le Parti Républicain a cruellement besoin de ces millions de voix chrétiennes évangéliques. De plus, il est en faveur d’un partenariat d’intérêts avec la Russie – couvrant tous les points chauds de l’Ukraine et du Moyen-Orient. Ceci, bien sûr, est un anathème à Washington.

Début du rassemblement des participants à la convention du Parti Républicain à Cleveland – Ohio @mark naymik

Pourtant, Flynn ne s’est fait à lui-même aucune faveur, quand, faisant la promotion de son nouveau livre Le domaine de la lutte, il a insisté : « Nous sommes dans une guerre mondiale, face à une alliance ennemie qui va de Pyongyang en Corée du Nord, à La Havane à Cuba, et à Caracas au Venezuela. Sur le chemin, cette alliance récupère des pays et des organisations de musulmans radicaux telles que l’Iran, al-Qaïda, les talibans et État islamique. Il s’agit d’une formidable coalition, et personne ne devrait être choqué de découvrir que nous sommes en train de perdre la guerre. » Cet ahurissant non-sens a été écrit par son mentor et co-scénariste, la nullité néocon Michael Ledeen.

Pourtant, Flynn est maintenant sur la liste de Trump pour prendre la tête du Pentagone. Au moins, contrairement aux trois harpies (Clinton, Flournoy et Nuland), il ne dégainera pas, pour commencer, une guerre simultanée contre la Russie et la Chine.

Qu’est-ce-qui fait courir The Donald ?

Certains intérêts commerciaux puissants et bien connectés soutenant Trump de New York jusqu’au Midwest m’ont exposé leurs raisons, en aparté. Le fait que leurs motifs sont complètement à l’opposé du consensus washingtonien en dit long.

Pourquoi la Russie ? « Parce que la Russie ne trafique pas sa monnaie contre nous pour détruire nos industries, elle est donc un allié naturel plutôt que l’Allemagne ou le Japon, qui continuent à truquer leurs monnaies par rapport aux États-Unis et ont détruit une grande partie de notre puissance industrielle. »

Ces Américains, auto-déclarés patriotes, sont catégoriques : « Nous devons rapatrier les industries qui soutiennent les armes de notre complexe militaro-industriel et de toutes les autres industries perdues à cause du trucage de la monnaie. Ceci est doublement nécessaire car les sous-marins avancés russes et chinois peuvent perturber la production continentale de notre armement en bloquant l’expédition de nos composants produits en Asie. La production d’armes aux États-Unis pourrait, par conséquent, s’effondrer dans une guerre. » Pour ces intérêts commerciaux, l’immigration illégale, les devises truquées, et la guerre inutile contre la Russie sont les plus grands enjeux de la campagne présidentielle.

Ils font valoir que la machine Clinton « ne va pas arrêter le trafic de la monnaie car Wall Street veut utiliser le faible taux d’intérêt des dollars recyclés en dépit du fait que cela détruit Wall Street ». Ils ajoutent : « Jack Lew a mis en garde le Japon, l’Allemagne et d’autres que les États-Unis ne toléreront pas de nouvelles dépréciations de leurs monnaies, ce qui est un élément majeur pour Trump. »

Donc, en un mot, pourquoi le soutien à Trump ? « Nous avons besoin d’un nouveau regard sur ces problèmes que Donald J. Trump met sur la table. Notre problème avec Mitt Romney était qu’il a fait son argent en profitant du traitement fiscal pour les prises de contrôle d’entreprises et de la manipulation des monnaies qui a envoyé tant de nos industries à l’étranger. S’il y a quelque chose d’important, c’est un traitement fiscal favorable qui devrait encourager la construction de l’investissement productif en rapatriant nos industries bradées par le trucage des devises et non pas la création de nouvelles dettes pour financer des rachats spéculatifs ou la spéculation en général. Les profits spéculatifs doivent subir la plus haute forme de taxation. »

Cette foule d’hommes d’affaires est nettement anti-guerre : « Quand M. Trump dit que la guerre doit avoir une attente rationnelle de bénéfices ou de pertes, il raisonne comme un homme d’affaires logique. » Cette foule souligne également que « la guerre contre la Russie est aussi en train de détruire notre industrie des hydrocarbures lorsque les États-Unis ont ordonné aux États du Golfe de déverser sur le marché pétrolier leurs excès de capacité de production pour provoquer la faillite de la Russie ».

Il convient de noter ici que le pétrole se trouve être une composante importante de la richesse des multimilliardaires frères Koch ; Charles et David Koch contrôlent $115 milliards par an dans l’énergie et dans leur géant industriel Koch Industries. Cela nous ramène – et pas de façon inattendue – à Lil ‘Mikey.

Suivez l’argent

Ça fait un moment que les frères Koch ont promis de dépenser près de $1 milliard pour avoir à la Maison Blanche la bonne personne.

Maintenant que sa nomination est dans le sac, Trump l’homme d’affaires consommé renifle évidemment l’odeur du sang. Ce n’est pas par hasard que Lil’ Mikey, au cours de ce mois, sera un invité de marque à la réunion pour la collecte semestrielle monstre de fonds des donateurs, dans le Colorado, hébergée par – qui d’autre ? – les frères Koch.

Il l’a déjà fait auparavant. En 2014, à Palm Springs, Pence a expliqué avec effusion comment les États comme le sien, l’Indiana, peuvent être un laboratoire parfait pour le rêve du Parti républicain – et de Koch – de faible intervention de l’État fédéral – ou même aucune – d’impôts ultra-faibles et de déréglementation totale. On peut dire que c’est ce dont Trumplandia serait également le sujet.

S’ajoutant au front des multi-milliardaires, un autre copain proche de Lil ‘Mikey se trouve être l’intrigant nabab des casinos, Sheldon Adelson, qui soutenait New Gingrich comme colistier de Trump. Pourtant, dès que Lil ‘Mikey a été confirmé, la Coalition juive républicaine – financée par Adelson – l’a totalement approuvé, le décrivant comme « chef de file critique et voix importante en ce qui concerne Israël ». Adelson s’est mêlé à la partie en disant qu’il va débourser jusqu’à $100 millions pour voir Trump à la Maison blanche. Et il se trouve être en plus l’un de ces monstrueux donateurs des Koch.

Alors, voici comment le terrain de jeu se dessine : la candidate néo-con / néolibéral / Wall Street, Hillary Clinton, mettant en vedette la démangeaison des Trois Harpies pour une guerre totale, face au mur des Quatre Amigos multimilliardaires : Trump, Charles et David Koch, Adelson. Ceci s’appelle, aux États-Unis, une démocratie. Vous qui êtes sur le point de mourir de désespoir, nous vous saluons. Pendant ce temps, ça rocke à Cleveland.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone

 

  1. Mike Pence est le gouverneur de l’Indiana que Trump a choisi pour vice-président
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