Par Fabrizio Marchi – Le 4 mars 2015 – Source Sinistra in Rete
Nains, danseuses et domestiques acclamés. Je parle naturellement de la quasi-totalité de l’actuelle classe politique qui gouverne (pour le compte de tiers…), directement ou indirectement, ce pays. Nous le savions déjà, mais le vote d’hier à la Chambre sur la reconnaissance manquée de l’État de Palestine le confirme encore une fois, si toutefois il en était encore besoin.
Unique exception – nous le notons scrupuleusement –, celle du M5S [le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo], c’est-à-dire la seule force politique qui, malgré toutes ses contradictions structurelles, a demandé la reconnaissance immédiate de l’État palestinien, sans conditions et sans réserves, comme on dit.
Le parti unique qui nous gouverne (y compris la Ligue du Nord et le maquis rose fuchsia à la gauche du PD [le parti de Renzi], c’est-à-dire le SEL [Gauche Ecologie Liberté]), dont les membres feignent de se disputer dans les divers talk-shows [débats télévisés], n’a même pas été capable de voter ce qui n’aurait été guère plus qu’une motion d’intentions (mais avec une certaine valeur symbolique), et qui n’aurait de toutes façons entraîné aucune retombée concrète sur la réalité de ce qu’on appelle la crise israélo-palestin
Il ne vaudrait même pas la peine de commenter la ridicule pantomime qui s’est produite hier (on était aux limites du comique démentiel avec le vote sur les deux motions, celle du PD, soutenue aussi par le SEL, et celle d’Area Popolare, regroupant NCD et UDC [nouveau parti de centre-droit, sur le modèle du PP espagnol]), si ce n’était pour souligner qu’il y a peut-être des manières relativement plus dignes de servir ses maîtres, par exemple en faisant semblant d’avoir une certaine autonomie politique. Au fond, c’est à cela que servait ou aurait pu servir hier un vote en faveur de l’État de Palestine.
Mais même pour cela, il faut un brin de dignité et de stature (c’est incroyable d’avoir à le dire, mais c’est ainsi…), que cette classe politique ne possède pas.
Certes, nous ne nous attendions à rien d’autre, mais il ne peut échapper à personne qu’au moins la classe politique de ce qu’on appelle la Première République [le régime instauré après la Libération] cherchait à s’acquitter du rôle qui lui avait été attribué à l’intérieur de l’alliance politico-militai
Je crois pouvoir dire, sans aucune nostalgie passéiste, que cette classe politique, formée par ces forces politiques (je veux parler en particulier de la DC, du PSI et du PCI, globalement réunis en ce qui concerne la position politique de l’Italie dans l’aire méditerranéenne et moyen-orientale), se serait comportée avec plus de dignité et de sens de l’État. Par honnêteté intellectuelle, on ne peut pas ne pas rappeler le célèbre discours à la Chambre du 6 novembre 1985 par lequel celui qui était alors secrétaire du PSI en même temps que Président du Conseil, Bettino Craxi, défendit le droit légitime des Palestiniens à la lutte armée pour libérer leur terre de la puissance occupante, se livrant même à une comparaison audacieuse entre le mouvement de libération nationale palestinien et celui du Risorgimento mazzinien.
Pour ne pas parler du célèbre épisode de Sigonella en octobre de la même année, où le même Craxi interdit aux marines US de capturer un commando palestinien du FPLP qui avait séquestré un bateau de croisière italien – l’Achille Lauro – et tué un passager américain de confession juive. L’avion sur lequel voyageaient les membres du commando palestinien fut encerclé par les carabiniers (qui empêchèrent, arme au poing, les marines de les faire prisonniers), puis fut autorisé à repartir pour l’ex-Yougoslavie
Ceci ne fait évidemment pas de Craxi, ni d’Andreotti et en général de la classe politique qu’ils représentaient, des héros de la lutte des peuples du monde contre l’impérialisme, mais nous offre un témoignage concret du niveau de l’actuelle classe politique. Si Craxi fut le protagoniste de ce qui fut objectivement un grand sursaut d’autonomie nationale (dans les limites de l’appartenance de l’Italie à l’Otan, dont Craxi ne rêvait même pas de sortir), de dignité et de sens de l’État, capable même d’aller jusqu’à pointer les fusils contre des soldats américains, nos gouvernants, Renzi en tête, (mais cela vaut pour tous ses prédécesseurs, de Berlusconi à D’Alema et les autres), ne sont même pas capables d’empêcher un groupe de voyous ivres de profaner la Barcaccia (1), comme ils ne seraient pas en état d’aligner une patrouille de la police urbaine pour empêcher un groupe de touristes américains de prendre un bain dans la fontaine de Trevi…
Une dernière réflexion politique, mais absolument pas marginale. La Ligue du Nord de Salvini a voté contre l’État de Palestine en faisant une déclaration explicitement pro-israélienne. Cela en dit long, s’il en était besoin, sur la nature réelle de cette force politique néo-fasciste ou néo-droitière. Une force de feinte opposition au système, alignée en réalité sur des positions pro-atlantistes – au-delà des sympathies manifestées à la Russie de Poutine et même à la Corée du Nord (façon de jeter de la poussière aux yeux de la partie culturellement la plus faible de son électorat) – même si elle se vante d’un supposé anti-américanis
Il convient de ne pas se laisser tromper par ces gens, très habiles dans ces opérations de maquillage par lesquelles beaucoup de personnes de bonne foi tendent hélas à se laisser conditionner, surtout en l’absence d’une alternative politique solide, crédible et authentiquement socialiste dans l’actuel état de choses.
Note
(1) Fontaine du Bernin, en forme de barque, récemment dégradée par des
hooligans hollandais du Feyenoord.
Traduit par Rosa Llorens