Par Franco Vielma – Le 20 mars 2015 – Source misionverdad
Les questions juridiques sur le décret d’Obama déclarant que le Venezuela représente une menace inhabituelle et extraordinaire sont l’expression de l’impérialisme colonial le plus pur, qui caractérise la politique étrangère des États-Unis.
Suivant la pratique usuelle des vieux empires (et en décomposition), Barack Obama a demandé au Congrès d’approuver un décret – comme si c’était une question de politique intérieure – déclarant que le Venezuela représente une menace pour la sécurité intérieure des États-Unis. Ce décret vient soutenir une série d’actions en justice prétendant juger le Venezuela, comme la Loi sur la protection des droits humains et de la société civile proposée par Robert Menéndez et approuvée par le Congrès états-unien avec le soutien de Marco Rubio et Ileana Ross-Lehtinen, deux des plus vaillants lobbyistes en faveur du fascisme en Amérique latine.
Dans le but d’appliquer le décret-loi de 2014, Obama reconfigure des décrets édictés dans des circonstances totalement différentes, comme celles de la Syrie. L’un de ceux-ci était la fameuse Alliance contre le financement du terrorisme, proposée par Obama dans un discours de politique étrangère tenu en juin 2014 à West Point. A cette occasion, il avait demandé au Congrès de consacrer un milliard et demi de dollars à une initiative de stabilisation régionale au Moyen-Orient, qui procurerait des ressources à l’opposition syrienne qui lutte contre la tyrannie d’al-Assad.
En désignant le Venezuela comme une menace qui constitue un danger imminent pour la sécurité de la région et, par conséquent, pour les États-Unis, Obama, formulant son discours en termes de guerre de quatrième génération, affirme déceler un ennemi visible et une menace crédible. C’est une formulation favorite du gouvernement états-unien lorsqu’il recherche un soutien public à ses actions.
La campagne contre le Venezuela, avec sa manipulation démoniaque des opinions états-unienne et mondiale, a atteint cette extrémité: la criminalisation du pays, la déclaration qu’il est une menace, le sujet d’une sécurité nationale maximum pour les États-Unis, justifiant d’autres actions que les États-Unis vont sûrement entreprendre.
Pourquoi un décret urgent?
Dans le cadre du droit international et de la législation états-unienne, un décret urgent pris par le pouvoir exécutif est en effet un chèque en blanc qui permet à l’exécutif de faire ce qu’il veut dans le but d’éliminer le danger censé être à l’origine du décret. Dans la conduite normale, quotidienne, de la politique étrangère, les décisions de l’exécutif sont toujours soumises à l’approbation du Congrès; ce n’est pas le cas pour une urgence qui requiert une action immédiate.
Un exemple de ce type de législation est une loi signée par Obama en septembre 2014, qui autorisait le Pentagone à entraîner et à armer les rebelles syriens dans la bataille contre l’État islamique, et qui était aussi comprise comme une tentative de renverser le gouvernement de Bachar al-Assad, considéré comme une menace pour les États-Unis. Le cadre financier de cette décision se trouve dans un décret-loi de 2011, par lequel le Congrès a autorisé Obama à agir dans l’intérêt de la préservation de la paix au Moyen-Orient au moment où la situation en Syrie commençait à chauffer alors que la Libye était déjà en flammes. Cette loi faisait partie du prétendu Plan global pour la sécurité au Moyen-Orient, qui est fondamentalement une stratégie US pour assurer la stabilité politique dans des régions riches en énergies, renverser les régimes autoritaires et poursuivre la guerre contre le terrorisme.
Thomas Sparrow, correspondant pour la BBC à Washington, a affirmé ce qui suit: «Lorsque le président signe un décret qui déclare qu’un état d’urgence existe, il obtient des pouvoirs spéciaux qui lui permettent, par exemple, d’imposer des sanctions ou de geler certains actifs.» Le gouvernement états-unien reconnaît qu’il y a entre vingt et trente programmes de sanctions de ce genre basés sur des déclarations d’urgence et formulés dans un langage similaire à celui employé à l’égard du Venezuela. Ces dernières années, les États-Unis ont déclaré l’état d’urgence dans plusieurs pays, dont l’Ukraine, le Sud-Soudan, la République centrafricaine, le Yémen, la Libye et la Somalie; des pays avec lesquels Washington a ou a eu de mauvaises relations.
En Libye et en Syrie, les sanctions ont commencé contre des responsables de ces gouvernements et des parents de Kadhafi et Assad, respectivement. Mais les sanctions ont tendance à être progressives et elles sont maintenues jusqu’à ce que l’intervention ait atteint ses objectifs. Les sanctions initiales sont habituellement suivies par de nouvelles sanctions qui sont appliquées pour «consolider les objectifs définis dans les sanctions initiales». Le régime de sanctions évolue souvent vers un embargo économique et militaire total débouchant sur de nouvelles actions judiciaires dans lesquelles les États-Unis soutiennent ouvertement des groupes paramilitaires et mercenaires qui ont engendré (et engendrent encore) des guerres civiles prolongées dans ces pays.
La question des droits humains est soulevée dans une tentative de justifier les actions contre le Venezuela, comme cela a été précédemment utilisé pour justifier les bombardements humanitaires de la Libye et l’armement de al-Nusra, la branche d’al-Qaida en Syrie, qui attaquait le gouvernement de Bachar al-Assad.
Quel est le scénario le plus viable au Venezuela?
Les différences entre le Venezuela, la Syrie et la Libye sont énormes, mais un facteur est toujours le même: le bellicisme des Américains qui, depuis deux cents ans, ont développé et affiné toutes leurs recettes pour mener des guerres ouvertes ou cachées dans le but de produire ce qu’ils appellent par euphémisme un changement de régime. La législation états-unienne prévoit que le pouvoir exécutif ne peut pas demander au Congrès l’autorisation d’intervenir ouvertement, à moins qu’il n’y ait une déclaration de guerre ou d’intervention formelle. Nous pouvons donc exclure la possibilité d’une invasion du Venezuela par des forces US régulières. Le consensus régional qui validerait une telle action n’existe pas: le Venezuela n’est pas seul.
Ce que nous pouvons voir dans le cas du Venezuela, ce sont de nouvelles sanctions diplomatiques et économiques unilatérales, qui ne sont pas dirigées seulement contre des responsables officiels, mais sont étendues à tout le spectre économique et politique, dans une tentative de faire imploser l’économie et les institutions du Venezuela. Les sanctions des États-Unis tendent à être progressives: lorsque celles contre les responsables ne produisent pas le changement de régime désiré, elles sont considérées comme inefficaces et sont suivies par de nouvelles sanctions, plus sévères, jusqu’à l’asphyxie totale de la nation et la concrétisation du changement de régime consécutif.
Un autre développement probable serait l’adaptation au Venezuela de la stratégie employée à l’égard de la Syrie: provoquer une guerre civile prolongée et violente pour parvenir au changement de régime. Cela a en fait déjà commencé, le conflit de basse intensité des paramilitaires guarimberos a débuté en 2014. Le précédent pour ce genre d’intervention est la guerre camouflée contre la révolution sandiniste au Nicaragua, menée par les paramilitaires de la «Contra» dans les années 1980.
Ce ne serait que dans les conditions d’une guerre fratricide au Venezuela que les États-Unis seraient en mesure de hisser leur intervention à un niveau supérieur, qui leur permettrait de justifier toute action visant à préserver la paix dans la région.
Afin de parvenir à une véritable confrontation, les États-Unis devraient aussi approuver des décrets-lois autorisant la Maison Blanche à agir en faveur de la contre-révolution au Venezuela, soutenant le fascisme vénézuélien, comme ils l’ont fait avec les forces salafistes qui tentent de prendre Damas. En raison de la perméabilité de la frontière entre le Venezuela et la Colombie, des paramilitaires ont déjà infiltré le Venezuela, provoquant une situation favorable aux activités des mercenaires. Il est probable que les États-Unis sont déjà en train d’envisager sérieusement quelque provocation qui pourrait déclencher un conflit à grande échelle. Malheureusement, pour le paisible Venezuela et l’Amérique latine, tous les indicateurs journalistiques, économiques, politiques et militaires pointent vers cette éventualité.
Les facteurs politiques qui provoqueraient une intervention au Venezuela atteignent leur apogée, à la fois interne et externe au Venezuela. Les facteurs internationaux pourraient avoir une influence considérable sur le style et la stratégie du comportement de l’Empire.
La scène politique intérieure au Venezuela commence à changer. Depuis 2014, des sénateurs démocrates ont prévenu que les sanctions à l’encontre du Venezuela seraient contre-productives pour l’opposition vénézuélienne, entraînant de nombreux retards dans l’application de celles-ci. Mais cela a changé. La droite vénézuélienne a perdu encore plus de sa faible influence politique au cours de l’année électorale, incitant le Département d’État US à jeter la direction de l’opposition dans la fosse aux lions, sachant que 90% de la population vénézuélienne (selon une étude de Hinterlace publiée début mars 2015) rejette une intervention états-unienne.
Nous devons nous poser la question: serait-il logique de croire que les services de renseignement états-uniens ont négligé ce détail? Ce serait absurde. Donc pourquoi la Maison Blanche a-t-elle décidé de détruire la base politique de l’opposition vénézuélienne? La réponse pourrait être évidente: ils ne croient plus que le scénario électoral démocratique soit une manière viable de provoquer un changement de gouvernement au Venezuela.
Ce qu’ils envisagent très probablement est une intervention états-unienne camouflée au Venezuela, conduisant à une guerre civile prolongée. La question de savoir si une telle approche au Venezuela obtient du soutien ou pas n’est pas pertinente. Des enquêtes en Irak en 2003 ont montré que 87% de la population irakienne (y compris les opposants à Saddam Hussein) refusaient une intervention US, mais elle a eu lieu malgré tout, sous des prétextes variés. La deuxième raison importante – après les prétendues armes de destruction massive – était la libération d’un peuple opprimé. Donc, savoir si la population qui constitue l’opposition vénézuélienne manifestera son refus de l’intervention des États-Unis, comme les chavistes l’ont fait depuis quinze ans, est sans objet; le prétexte de restaurer la démocratie au Venezuela n’est plus aux mains de l’opposition, mais dans celles d’Obama.
Les États-Unis ont franchi le seuil de l’intervention ouverte contre la révolution bolivarienne, ou, comme le dit le président Nicolas Maduro: «Obama a personnellement entrepris la tâche d’intervenir au Venezuela et de me renverser.»
L’heure décisive a sonné.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone