Comment faire aimer la guerre aux progressistes [3/3]

Préambule

Qui ne connaît pas Avaaz, au moins pour avoir signé une fois une pétition ? Mais qui connaît vraiment Avaaz ? En trois parties, une enquête fouillée sur l'organisation de défense en ligne américaine, qui revendique plus de 41 millions de membres dans le monde entier. Or Avaaz a poussé des progressistes à soutenir les guerres humanitaires étasuniennes en Libye et en Syrie par la propagation d'idées lénifiantes, par exemple sur les zones d'exclusion aériennes.

John Hanrahan

Par John Hanrahan – Le 14 avril 2016 – Source consortiumnews.com

Le rôle de George Soros dans les premières années d’Avaaz

Ces dernières années, divers blogueurs sur internet ont demandé si Avaaz faisait en quelque sorte le jeu du philanthrope George Soros et de ses fondations Open Society, ou du gouvernement des États-Unis (ou de parties de celui-ci).

Il n’y a aucun doute qu’il y a eu des liens étroits entre Avaaz et Soros et ses organisations, aux premiers jours de cette organisation, mais de quelle manière – si c’est le cas – cela se traduit-il aujourd’hui ? Comme noté plus haut, dans l’une de mes rares questions auxquelles Avaaz a répondu directement, elle reconnaissait une «aide financière au démarrage» de Soros, mais démentait toute implication persistante avec l’organisation.

Parmi tous les individus ou organisations extérieures à la structure d’Avaaz, cependant, ce sont les fondations de Soros qui ont joué le rôle le plus important, pour l’aider à décoller avec des subventions généreuses. En plus, l’Open Society Institute (l’ancien nom des Fondations Open Society) a servi de partenaire fondateur d’Avaaz dans des campagnes d’intérêt commun, et plus particulièrement en lien avec le Mouvement pour la démocratie en Birmanie.

Avaaz a toujours un lien avec Soros – notamment, comme indiqué dans la partie 2 de cet article, par Eli Pariser, qui siège dans un conseil consultatif d’Open Society. Et tous les deux, Avaaz et Soros, semblent partager une antipathie pour ce qu’ils qualifient d’agression russe, comme l’illustrent parfois les déclarations exagérées d’Avaaz sur la Russie en Syrie. (Par exemple, comme indiqué dans notre précédent article, Ricken Patel tient le gouvernement de Poutine pour responsable de complicité avec le gouvernement d’Assad, dans la «coordination des atrocités» et «les assassinats ciblés de journalistes» au début de 2012. Voir aussi cette publication d’Avaaz du 30 septembre 2015, qui utilise des preuves fragiles pour accuser les avions russes de bombarder délibérément des quartiers civils.)

Les dons des Fondations Soros

Sur une période de trois ans débutant en 2007, les fondations de Soros – soit directement, soit par Res publica – ont donné à Avaaz $1.2 million au total. En 2007, l’Open Society Institute a donné $150,000 à Res Publica pour le soutien général à Avaaz et $100,000 pour son travail sur le changement climatique.

En 2008, l’Open Society Institute a encore donné un total de $250,000 à Res Publica — dont $150,000 de nouveau pour le soutien général à Avaaz, et les $100,000 restants pour son travail sur le changement climatique. L’année suivante, Soros a même été plus généreux. Dans le Form 990 qu’il a rempli pour 2009, sa Fondation pour promouvoir une société ouverte (Foundation to Promote Open Society) indique (page 87) avoir donné au total $600 000 à Res Publica à l’usage d’Aavaz – $300 000 pour le soutien général et $300 000 pour sa campagne sur le climat.

Avaaz a renforcé ses liens avec l’organisation de Soros en 2008, en choisissant ce qui s’appelait alors l’Open Society Institute (OSI), comme son partenaire de fondation pour superviser les quelque $325 000 de dons qu’elle avait reçus de ses membres – en quatre jours seulement – pour soutenir le Mouvement pour la démocratie en Birmanie.

Avaaz a dit qu’elle se liait avec OSI – «l’une des fondations les plus importantes et les plus respectées dans le monde – dans le but qu’OSI surveille ses subventions et ses dépenses». OSI «ne prenant pas de frais généraux sur les fonds que nous allouons aux groupes birmans» pour la technologie, l’organisation, le soutien aux victimes du régime et aux familles des victimes, et pour la défense internationale.

En juin 2009, OSI a rapporté que les bénéficiaires de son projet birman – y compris Avaaz – avaient rallié le soutien mondial autour de la dirigeante démocratique Aung San Suu Kyi. À cette occasion, Avaaz a travaillé en partenariat avec la campagne de l’organisation Libérez les prisonniers politiques birmans maintenant  ! pour réunir plus de 670 000 signatures demandant au Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon de soutenir Aung San Suu Kyi et quelque 2000 autres prisonniers politiques.

D’après les informations disponibles, il ne semble pas que Soros ou ses fondations aient contribué financièrement à Avaaz, ou soient directement engagés dans des projets avec l’organisation ces cinq ou six dernières années. Avaaz elle-même dit que le lien financier avec Soros a pris fin en 2009. Quant à savoir si l’aide importante des fondations de Soros pendant les trois premières années de son existence ont exercé une influence durable sur Avaaz, c’est certainement difficile à démontrer.

L’impressionnant record d’Avaaz en matière de militantisme

Comme nous l’avons noté dans notre précédent article, même en tenant compte de l’auto-publicité organisationnelle, Avaaz affiche un record de militantisme impressionnant – un record qui apparaît la plupart du temps comme décalé, par rapport à sa promotion d’une zone d’exclusion aérienne en Libye et en Syrie. Voici, en exemple, quelques autres campagnes d’Avaaz non mentionnées auparavant  :

  • Avaaz a joué un rôle de premier plan dans un grand nombre d’actions dirigées contre le traitement des Palestiniens par Israël.
  • Avaaz a été un acteur clé dans la campagne couronnée de succès (incluant une pétition avec plus de 1.7 millions de signatures, couplée avec des occupations et des manifestations contre environ 15 succursales de la banque Barclay dans tout le Royaume-Uni) dans le but de faire pression sur Barclay pour qu’elle cède les $2.9 millions qu’elle détient chez un entrepreneur israélien d’armement, Elbit Systems.

Un pan du mur élevé par les dirigeants israéliens pour empêcher le passage des Palestiniens, avec le slogan de Kennedy : «Ich bin ein Berliner»

Avaaz a reçu des félicitations du mouvement Boycott, désinvestissements, sanctions (BDS) pour son rôle dans cette campagne. Elbit Systems est la plus grande entreprise d’armement et de sécurité basée en Israël, qui fabrique les drones utilisés pour surveiller et attaquer les Palestiniens à Gaza. Elle fournit aussi du matériel électronique pour le mur de l’apartheid construit en Cisjordanie.

  • Une pétition adressée au gouvernement d’Israël et au Congrès des États-Unis a rassemblé 185 000 signatures, en soutien à la partie du discours du président Obama au Caire en juin 2009, dans laquelle il disait  : «Les États-Unis n’acceptent pas la légitimité des colonies israéliennes continuelles. Cette construction viole les accords précédents et sape les efforts pour parvenir à la paix. Il est temps que ces implantations cessent.»
  • En 2011, environ 1.6 million de personnes – plus de 300 000 rien que pendant les deux premiers jours – ont signé la pétition d’Avaaz aux dirigeants européens et aux pays membres de l’ONU, les pressant «d’appuyer la demande légitime de reconnaissance de l’État de Palestine et la réaffirmation des droits du peuple palestinien. Il est temps de tourner la page après l’échec de décennies de pourparlers de paix, de mettre fin à l’occupation et de progresser vers une paix basée sur l’existence de deux États».
  • En mars 2013, au moment de la conférence annuelle de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et des jours de lobbying du Congrès à Washington, D.C., Avaaz s’est jointe à Jewish Voice for Peace, pour placarder des centaines d’affiches anti-AIPAC dans les stations de métro du centre de Washington. Les affiches clamaient  : «L’AIPAC ne parle pas en mon nom. La plupart des juifs américains sont pour la paix. L’AIPAC ne l’est pas.»
  • Dans ses pétitions, Avaaz s’est fortement opposée à la surveillance des citoyens par le gouvernement des États-Unis et a défendu Wikileaks et les dénonciateurs de la sécurité nationale Edward Snowden et Chelsea (auparavant Bradley) Manning.
  • En avril 2011, à l’occasion d’informations sur le traitement brutal infligé à Manning, alors qu’il était emprisonné à la base des Marines de Quantico en Virginie, avant d’affronter une court martiale pour avoir livré des documents classifiés à Wikileaks, presque 550 000 personnes ont signé une pétition d’Avaaz adressée au président Obama, à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et au secrétaire de la Défense Robert Gates. La pétition, intitulée «Stop à la torture de Wikileaks», appelait ces dirigeants à «mettre immédiatement fin à la torture, à l’isolement et à l’humiliation publique de Bradley Manning. C’est une violation de ses droits garantis par la Constitution, et un moyen de dissuasion effrayant contre d’autres lanceurs d’alerte attachés à l’intégrité publique».
  • Une pétition d’Avaaz de décembre 2010, qualifiant «la campagne d’intimidation vicieuse contre Wikileaks» par les États-Unis et d’autres gouvernements et entreprises d’«attaque dangereuse à la liberté d’expression et à la liberté de la presse» a obtenu 654 000 signatures — plus de 300 000 arrivées dans les premières 24 heures où la pétition a circulé en ligne.
  • En juin 2013, quelques jours après la parution des premiers rapports sur l’espionnage illégal mondial de l’Agence de sécurité nationale (NSA), environ 1.38 million de personnes ont signé une pétition, intitulée «Soutenons Edward Snowden» au président Obama. La pétition disait  : «Nous vous appelons à assurer que le lanceur d’alerte Edward Snowden soit traité équitablement, humainement et bénéficie d’une procédure régulière. Le programme PRISM est l’une des plus grandes violations de la vie privée jamais commises par un gouvernement. Nous vous demandons d’y mettre fin immédiatement, et que Edward Snowden soit reconnu comme un lanceur d’alerte agissant dans l’intérêt public – et non comme un dangereux criminel.»
  • En avril 2012, quelque 780 000 personnes ont signé une pétition d’Avaaz aux membres du Congrès, et une autre à Facebook, Microsoft et IBM (avec 626 000 signataires), pour qu’ils renoncent à soutenir le projet de loi sur la surveillance d’internet connue comme le Cyber Intelligence Sharing and Protection Act (CISPA). Le projet de loi, précisait la pétition, placerait «notre démocratie et nos libertés civiles [] sous la menace de pouvoirs de surveillance d’internet excessifs et inutiles», qu’il conférerait au gouvernement des États-Unis sans exiger de mandat.
  • Face aux grèves de la faim généralisées à la prison de Guantánamo Bay en 2013, Avaaz a récolté 690 000 signatures sur une pétition demandant de transférer les 86 hommes qui étaient déjà libérables et de désigner un responsable de la Maison Blanche, dont la responsabilité serait de fermer la prison. La pétition disait  : «Ce complexe honteux est un fléau pour l’humanité, il détruit des vies et alimente la haine dans le monde entier. Fermez-le  !»
  • Avaaz est aussi au premier rang sur diverses autres questions – la lutte contre le réchauffement climatique, pour mettre fin à la vente d’armes étasuniennes et européennes à l’Arabie saoudite, protéger les forêts tropicales, sauver les espèces menacées, promouvoir les énergies propres, contester la tentative de Rupert Murdoch d’avoir un plus grand monopole sur les médias au Royaume-Uni, défendre les droits humains dans un grand nombre de pays, etc.

Dans aucune de ces autres campagnes, nous ne voyons Avaaz proposer une action militaire quelconque. Pourquoi cette anomalie, quand il s’est agi de la Libye et maintenant de la Syrie ? Et cela, surtout lorsque les actions militaires ont ensuite si mal tourné en Libye, et lorsque même les grands généraux du pays disaient qu’une zone d’exclusion aérienne en Syrie serait une escalade de la guerre et mettrait en danger ces mêmes civils qu’Avaaz s’est donné pour but de protéger ?

John Hanrahan, actuellement membre de la rédaction en chef d’ExposeFacts, est un ancien directeur exécutif du Fonds pour le journalisme d’investigation et journaliste pour The Washington Post, The Washington Star, UPI et d’autres entreprises de presse. Il a aussi une vaste expérience d’enquêteur juridique. Hanrahan est l’auteur de Government by Contract et co-auteur de Lost Frontier : The Marketing of Alaska. Il a beaucoup écrit pour NiemanWatchdog.org, un projet de la Fondation Nieman pour le journalisme à l’Université de Harvard.

Partie 2

L’article original est paru sur ExposeFacts.org

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker francophone

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