Par Andrew Korybko − Le 23 août 2019 − Source eurasiafuture.com
Macron tire profit des problèmes politiques et physiques de Merkel dans son effort pour que la France prenne la place de l’Allemagne comme pays le plus important de l’UE : l’opposition de principe de Paris à une renégociation du Brexit ainsi que ses tentatives pour instituer une « Nouvelle Détente » entre l’Occident et la Russie constituent des exemples importants de ce positionnement.
L’article « La France : nouveau « partenaire particulier » américain pour l’Europe et peut-être au niveau mondial« , du même auteur, a été mis en ligne il y a bientôt 18 mois, et les éléments accumulés sur cette période n’ont fait que confirmer cette affirmation hardie. Macron utilise les problèmes politiques — et à présent physiques — de Merkel dans ses efforts pour que la France ravisse la première place à l’Allemagne en Union Européenne, et deux exemples de premier plan illustrent cette affirmation. Le premier réside dans l’opposition de principe de Paris à une renégociation de l’accord du Brexit, qui contredit les signaux envoyés par Berlin récemment, qui au contraire exprimaient la possibilité de modérer sa position jusqu’alors récalcitrante. Macron, dans son entêtement [dogmatique, européiste et punitif, NdT], est allé jusqu’à se moquer d’un Royaume-Uni devenant un vassal étasunien si le pays sort de l’UE sans accord et signe un accord commercial avec les USA en remplacement.
Ce positionnement énergique visant à défendre les intérêts de l’UE positionne la France comme rivale de l’Allemagne à la direction du bloc, comme le fait également Macron en essayant de jouer le médiateur d’une « Nouvelle Détente« entre l’Occident et la Russie. Il a reçu récemment le président Poutine, lors d’un sommet très fructueux, quelques jours à peine avant le G7 qui aura lieu à Biarritz ; à l’issue de cette rencontre, le Kremlin a exprimé son optimisme quant à l’avenir des relations internationales. C’est jusqu’à Trump qui a résonné avec l’événement, en exprimant son soutien à un retour de la Russie dans le G8, ce qui indique que de sérieux progrès ont dû être réalisés dans les coulisses lors de cette visite ; il n’était pas couru d’avance que le dirigeant étasunien s’exprime si positivement quant à une perspective de rapprochement Est-Ouest aussi tangible.
Ces deux exemples appuient les anticipations qu’avait réalisées l’auteur, qui affirmait que la présence géostratégique française en Afrique, dans l’Océan afro-asiatique (« indien »), et dans le Pacifique faisait de l’hexagone l’un des principaux partenaires mondiaux des USA. Non seulement Paris a-t-elle démontré constituer un joueur d’importance dans le « Grand Sud », mais elle se révèle à présent comme précieux à l’Ouest également. Bien que les USA et la France présentent des positions évidemment différentes quant à l’avenir des relations du Royaume-Uni avec l’Europe, le positionnement de blocage de Macron, empêchant la renégociation de l’accord du Brexit, joue le jeu des intérêts étasuniens en rendant un Brexit sans accord bien plus probable, que telle soit son intention ou non. En tout cas, Macron s’emploie à montrer au Monde qu’il veut que ce soit la France qui parle au nom de l’Europe et pas l’Allemagne.
Ce développement est extrêmement intéressant : il suggère que la vieille rivalité franco-allemande pourrait être sur le retour, après la décision de Macron de tirer parti des problèmes politiques et physiques de Merkel. Les deux grandes puissances voisines présentent également des vues différentes quant à l’avenir de l’arrangement interne de l’UE, et ces différences pourraient encore s’accentuer dans l’avenir proche, si la France tient sa position comme alternative à l’Allemagne à la direction du bloc. Cela ne signifie pas qu’une division ouverte entre la France et l’Allemagne sera prochainement visible [Que nos éditorialistes français de la « grande » presse soient rassurés, ils pourront continuer de vanter le « couple franco-allemand« , NdT], mais seulement que l’UE devient vraiment de plus en plus divisée de nos jours. Le rôle montant de la France dans les affaires de l’UE réaffirme son importance comme nouveau « partenaire particulier » des USA dans l’hémisphère.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Note du Saker Francophone Ce développement ne signifie pas non plus que les traités européens seront révisés, ni qu'une quelconque promesse de "changer d'Europe" aboutira jamais. Irréformables sont, et resteront, les traités néolibéraux constituant le cadre de fonctionnement de l'Union Européenne.
Traduit par Vincent relu par Hervé pour le Saker Francophone