Une nouvelle alliance moyenne-orientale secoue les puissances mondiales


Par Yossef Bodansky – Le 28 mars 2019 – Source oilprice.com

Doha Qatar

Dans le grand Moyen-Orient, un nouveau bloc est en cours d’émergence. Son objectif déclaré est de dominer le monde arabe en entier, d’affronter et de contenir les États-Unis et leurs alliés, et aussi de tirer les bénéfices de toute l’économie des hydrocarbures en la contrôlant de la production au transport.

Les principaux dirigeants du nouveau bloc sont la Turquie, l’Iran et le Qatar. L’Irak, la Syrie, le Liban et la Jordanie s’y soumettent.

Les experts russes nomment ce nouveau bloc « l’Entente moyenne-orientale ».

Le succès de ce bloc s’explique par la convergence émergente de l’influence des grandes puissances au lendemain des guerres en Syrie et en Irak. La Russie et la République populaire de Chine s’apprêtent à faire des compromis avec les puissances régionales afin de sécuriser leurs intérêts vitaux et mondiaux, alors que les États-Unis, l’Arabie saoudite et, dans une moindre mesure, Israël, sont les opposants du bloc.

L’« Entente moyenne-orientale » prend ses racine à Doha. À l’été 2017, le Qatar a lancé une myriade de discussions bilatérales et trilatérales avec l’Iran et la Turquie après que l’Arabie saoudite et les pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe) aient imposé un blocus au Qatar en juin de la même année. Mais ce n’est pas avant le second semestre de 2018, alors que l’impact initial des mesures de blocus avait été grandement amélioré, que le remodelage du grand Moyen-Orient d’après-guerre sur le long terme est devenu une priorité majeure.

C’est alors que Doha, Téhéran et Ankara ont commencé à envisager de former un bloc stratégique cohérent.

Selon Iman Zayat, rédacteur en chef de The Arab Weekly, à la fin de novembre 2018, à Téhéran, les trois pays sont parvenus à un accord créant un « groupe de coopération pour faciliter le transit des marchandises entre les trois pays ». Ce fut le signal d’un réalignement en profondeur des trois puissances régionales. « Le Qatar a irrévocablement rejoint Ankara et Téhéran contre ses anciens alliés arabes. Il s’est définitivement positionné dans une alliance régionale qui poursuit des buts de domination géopolitique en provoquant l’instabilité », ajoute Zayat.

Ces trois puissances n’ont pas mis longtemps à réaliser que pour réussir, un tel bloc doit se concentrer sur les questions de sécurité en plus des questions économiques.

De fiévreuses négociations ont suivi. À la mi-décembre 2018, les trois ministres des affaires étrangères, Muhammad bin Ab-dulrahman al-Thani, Mohammad Javad Zarif, et Mevlut Çavusoglu ont signé les protocoles et les accords fondant le nouveau bloc en marge du XVIIIème Forum de Doha. Pendant le Forum, Doha avait officiellement appelé à « une nouvelle alliance pour remplacer un CCG vieux de quatre décennies ». Depuis lors, des négociations spécifiques et concrètes sur la consolidation du bloc ont eu lieu. Les modalités finales et les actions conjointes et les priorités communes, en particulier l’intégration des pays arabes, ont été formulées début mars 2019.

Au cours de cette phase, l’Iran a été la puissance dominante.

La dernière impulsion pour l‘intégration arabe a eu lieu pendant la visite de Bachar al-Assad à Téhéran le 25 février 2019. A cette occasion, il s’est soumis aux demandes des mollahs iraniens et à l’étroite surveillance de Téhéran. De manière significative, pendant son séjour à Téhéran, Assad fut escorté en permanence par Qassem Soleimani, Mahmoud Alavi, et Ali Akbar Velayati, qui assistèrent à toutes ses rencontres avec les dirigeants politiques iraniens. À Téhéran, el-Assad s’est engagé à soutenir le nouveau bloc et à donner son appui au grand Moyen-Orient que les membres tentaient de créer.

Les objectifs géo-stratégiques et géo-économiques de ce bloc sont immenses et largement à portée de main, telles que les choses se présentent à la fin du mois de mars 2019.

Le premier des objectifs de l’« Entente moyenne-orientale » était de consolider rapidement une influence forte, pour ne pas dire une hégémonie, sur l’Irak, la Syrie, le Liban et la Jordanie avant que le Croissant fertile des minorités puisse renaître comme une entité géostratégique et politique viable. Le rôle premier d’un Croissant fertile des minorités revitalisé était de constituer un tampon pour contenir le regain de l’ensemble arabe sunnite qui bloquait l’accès de l’Iran et de la Turquie au cœur d’al-Jazira [= la péninsule arabique, NdT].

La plus grande crainte des membres du bloc, cependant, était la possible ascension des Kurdes comme puissance régionale. Une fois acceptée la trahison américaine, ils pourraient être prêts à conclure des accords avec Moscou et Damas. La susceptibilité absolue des quatre pays arabes envers le nouveau remodelage régional était prouvée par leur mépris flagrant des sanctions américaines contre l’Iran. À la suite de quoi, cette région pourrait bientôt devenir la clé de voûte d’une nouvelle distribution stratégique et économique d’ensemble du grand Moyen-Orient.

Téhéran a émergé comme une puissance dominante dans la répartition des rôles de sécurité.

L’accélération du processus s’est faite sous le commandement du major-général Qassem Soleimani, commandant de la Force Al-Qods du Corps des gardiens de la révolution iranienne (dits aussi Pasdarans). Le 11 mars 2019, l’ayatollah Ali Khamenei, chef suprême de l’État, a décerné à Soleimani l’Ordre de Zolfaghar, une distinction unique et élevée de l’État. (De manière significative, cette distinction honorifique, établie en 1856 et nommée Décoration du commandeur des fidèles par l’empereur Naser al-Din Shah, fut décernée jusqu’en 1925 où elle fut rebaptisée Ordre de Zolfaghar par l’empereur Reza Shah I. Elle n’avait plus été remise depuis la chute du Shah en 1979 jusqu’à ce qu’elle soit décernée, probablement dans la plus haute des trois classes de l’Ordre, au major-général Soleimani).

Le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a déclaré à l’agence de presse Mehr que Soleimani avait reçu la distinction pour son leadership « dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme dans la région ». M. Zarif a souligné que les décisions de M. Soleimani « ont posé les bases d’une région forte et stable, exempte de violence et de radicalisation ».

Le 18 mars 2019, les commandants militaires de l’Iran, de la Syrie et de l’Irak se sont réunis à Damas pour discuter de la coopération stratégique et opérationnelle à long terme. Les délégations étaient dirigées par Mohammad Bagheri (chef d’état-major des forces armées iraniennes), Ali Abdullah Ayyoub (ministre syrien de la Défense), et Othman al-Ghanmi (chef d’état-major de l’armée irakienne). Officiellement, le sommet portait sur la coordination des opérations antiterroristes, la sécurisation et l’ouverture communes des frontières ainsi que le rétablissement du contrôle de Damas sur l’ensemble du territoire syrien.

En réalité, le sommet tripartite a discuté de la nouvelle distribution régionale, maintenant que la guerre en Syrie et en Irak touche à sa fin. Bachar al-Assad y a fait un discours et a insisté sur les questions de sécurité à long terme et de politique.

Bagheri a expliqué que l’objectif du « sommet tripartite entre l’Iran, la Syrie et l’Irak associant leurs responsables militaires [était] de coordonner les efforts de lutte antiterroriste dans la région. […] Ces dernières années, une excellente coordination s’est instaurée entre l’Iran, la Syrie, la Russie et l’Irak, et cette solidarité avec l’Axe de la Résistance a permis de remporter des victoires décisives dans le contre-terrorisme, et aujourd’hui, en se fondant sur ces victoires, le renforcement de la souveraineté et les progrès pour libérer le reste de la Syrie sont en cours. »

En même temps, on peut déjà observer les signes des événements à venir.

À la mi-mars 2019, le Premier ministre turc Muhterem Ince et son homologue iranien, Hussein Zulfiqari, ont trouvé un « accord pour lancer une opération simultanée contre les groupes terroristes qui menacent la sécurité des deux pays » pendant une rencontre à Ankara. En cas de réussite, ce serait la première d’une longue série. La première opération commune a été menée du 18 au 23 mars 2019, principalement dans le nord de l’Irak. En plus des bombardements à grande échelle par l’aviation et l’artillerie, environ 600 militaires des Forces spéciales turques et iraniennes ont lancé des opérations de raid conjointes contre les « camps terroristes » kurdes. Dans les derniers jours de l’offensive, des bombardements aériens ont été menés contre tous les opposants kurdes en Syrie, Irak, Turquie et Iran. Le 24 mars 2019, Ankara et Téhéran ont annoncé « leur détermination à poursuivre de telles opérations de contre-terrorisme ».

Dans le même temps, le Qatar a émergé comme la puissance dominante pour ce qui concerne les questions liées à l’économie régionale.

La première des priorités était de construire le nouveau pipe-line qatarien pour transporter pétrole et gaz vers la Méditerranée à travers l’Iran, l’Irak et la Syrie et de le connecter avec les pipe-lines en Turquie. Ces pipe-lines remplaceraient les « pipe-lines sunnites » initialement planifiés pour traverser le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Irak et la Syrie, et qui avaient au début poussé le Qatar a soutenir le Djihad en Syrie. Les nouveaux pipe-lines transféreraient le gaz et le pétrole du Qatar et de l’Iran vers les côtes de la Méditerranée, principalement le port syrien de Lattaquié. Ils suivraient des lignes électriques et une infrastructure de transport intégrée à l’échelle régionale.

Cette infrastructure stratégique à long terme qui est la vision de l’« Entente moyenne-orientale » reflète les aspirations stratégiques à grande échelle de l’Iran et de la Turquie.

Les artères principales courraient d’Iran aux côtes méditerranéennes, et de l’ouest de la Turquie à la Mer rouge et au Hedjaz. La dernière étape serait de remplacer les routes par des voies ferrées. L’Iran et l’Irak ont déjà commencé à construire la ligne ferroviaire entre le village frontalier de Shalamcheh et Bassora en Irak. C’est le premier segment d’une ligne qui aboutirait à Lattaquié. Téhéran négocie en ce moment avec Damas pour gérer le port civil de Lattaquié (les Russes contrôlent les installations militaires) dans les prochains mois comme un débouché majeur pour le commerce international de l’Iran.

L’ensemble des nouvelles voies ferrées offriraient un accès à la Nouvelle route de la soie vers la Méditerranée orientale et la mer Rouge, relieraient la route nord-sud entre la Russie et l’Iran et la Méditerranée et enfin constituerait une extension de la ligne Europe-Turquie. Elle ressemble beaucoup à l’ancien projet de ligne Berlin-Bagdad couplée au chemin de fer trans-iranien. Enfin, le réseau ferroviaire iranien actuel relie la voie ferrée nord-sud à la frontière pakistanaise et, par conséquent, à la Chine occidentale.

Beijing et Moscou sont très intéressés par l’achèvement rapide de ces lignes de chemin de fer pour étendre l’initiative Une ceinture, une route.

Pris dans sa globalité, l’accord de coopération sur les transports entre les trois pays membres du bloc (le Qatar, l’Iran et la Turquie) et l’accord sur les transports entre l’Iran, l’Irak et la Syrie prévoient un réseau routier et ferroviaire reliant tous ces États. Cela fait de l’Iran la plaque tournante des réseaux de transport régionaux et, par conséquent, un débouché crucial pour la République populaire de Chine. En effet, les hauts fonctionnaires de chinois considèrent l’Iran comme « une clé de voûte de l’initiative chinoise Une ceinture, une route dans la région ».

Le 19 mars 2019, le ministre du Commerce de la RPC, Zhong Shan, a souligné le rôle de l’Iran comme « partenaire stratégique » dans le grand Moyen-orient pour « développer des liens économiques et commerciaux supplémentaires » avec l’ensemble de la région. « L’Iran est le partenaire stratégique de la Chine au Moyen-Orient et la Chine est le principal partenaire commercial et importateur de pétrole iranien », a déclaré M. Zhong. En fin de compte, cela assurerait à l’Iran une place centrale dans les calculs stratégiques et économiques globaux de la RPC.

Le deuxième objectif de l’« Entente moyenne-orientale » était d’utiliser le bloc arabe, en particulier ses éléments sunnites, en conjonction avec l’escalade du conflit au Yémen et l’hostilité croissante d’Oman (non-sunnite, mais ibadite) afin d’étouffer puis de soumettre l’Arabie saoudite. Comme l’Arabie saoudite est déjà proche de l’implosion en raison du règne erratique du prince héritier Mohammed bin Salman al-Saud, les dirigeants à Doha, Téhéran, et Ankara semblent convaincus qu’il suffirait d’une pression minimale pour provoquer l’éclatement et le démembrement de l’Arabie saoudite.

La clé du succès probable du bloc consiste à tirer parti des tendances profondes qui se développent dans toute l’Arabie saoudite. L’impact cumulé de la subversion turco-jordanienne et islamiste-djihadiste dans le Hedjaz, l’influence croissante des mouvements tribaux et djihadistes anti-al-Saoud qui s’organisent dans les hauts-plateaux du Nejd, la radicalisation et le militantisme des communautés chiites facilitée par l’Iran dans l’est de l’Arabie saoudite, tout cela finirait par accélérer le démembrement de l’Arabie saoudite traditionnelle. Et même si la maison des Saouds conservait encore le pouvoir, la myriade de problèmes internes empêcherait l’Arabie saoudite de jouer un rôle régional contre le nouveau bloc et ses alliés.

Or, un grand nombre de responsables du renseignement et d’experts du Moyen-Orient soutiennent cette analyse.

La Russie a été placée devant un dilemme par l’émergence de l’« Entente moyen-orientale ».

À la fin de décembre 2018, les experts russes ont expliqué que « la Turquie, l’Iran et le Qatar se dirigent explicitement vers la création d’une alliance à part entière au Moyen-Orient, menaçant de modifier sérieusement l’équilibre régional ». Et même si le sommet tripartite de Damas ainsi que d’autres forums régionaux ont salué leur amitié avec la Russie, le Kremlin craint l’ascension du bloc. Les nombreux sommets tripartites et groupes de travail de la Russie ont révélé à de nombreuses reprises la profonde méfiance de l’Iran et de la Turquie. Les énormes ventes d’armes russes aux deux pays ne doivent pas nous tromper, car elles constituent principalement des instruments pour maintenir les deux pays redevables à la Russie et les mettre sur une trajectoire de collision avec les États-Unis.

De même, la Russie a un litige de longue date avec le Qatar en raison de son appui aux djihadistes du Nord-Caucase (à la fois au Qatar et en Syrie-Irak).

Plus important encore, le grand projet du Kremlin pour l’avenir du grand Moyen-orient repose sur l’ascension du Croissant fertile des minorités – où ils ont attribué un rôle-clé aux Kurdes – en tant que zone tampon permettant de contenir le regain du mouvement arabe sunnite, et de bloquer l’accès de l’Iran et de la Turquie aux terres centrales d’al-Jazira. La Russie est consciente que l’Iran et la Turquie sont des ennemis implacables des Kurdes et qu’ils ne permettraient jamais aux Kurdes de constituer une entité viable à leur frontière, malgré le soutien de la Russie. Les opérations conjointes turco-iraniennes contre les Kurdes dans le nord de l’Irak annoncent l’escalade anti-kurde à venir, une escalade que la Russie ne pourra empêcher.

En même temps, la Russie reste la principale puissance dans la région et le facilitateur des projets d’accès et de développement de la RPC.

Pour préserver ses intérêts vitaux dans le contexte de l’ascension du bloc, la Russie pourrait avoir à affronter des compromis substantiels. Les experts et les responsables russes reconnaissent l’existence d’un scénario du pire qui mettrait l’accent sur l’enclavement des Russes le long des côtes orientales de la Méditerranée, au-delà de l’autoroute Alep-Damas, pendant qu’ils sont occupés à bloquer l’intrusion américaine et occidentale. Pour s’en préserver, la Russie devrait resserrer son alliance avec les Alaouites, les Druzes et les élites urbaines de Syrie, et aussi protéger Israël et son immense population d’origine russe de l’Iran et de la Turquie. Cela dit, s’accrocher aux rives de la Méditerranée signifierait également bloquer les artères vitales du transport que l’Iran et la Turquie sont déterminés à établir.

Parce qu’alors, comme le Kremlin le concède, la confrontation serait inévitable.

C’est pourquoi, le 19 mars 2019, alors que le sommet militaire tripartite se réunissait à Damas, le président russe Vladimir Poutine y a envoyé le ministre de la Défense Sergei Shoigu. L’objectif premier de sa visite était de garantir les intérêts russes dans le cadre de la nouvelle distribution régionale.

Il a d’abord rencontré le président Bachar al-Assad et lui a transmis un message spécial de Poutine. Le ministre Shoigu a tenu des pourparlers avec Assad, l’ensemble des dirigeants de la défense syrienne, et des généraux russes. Assad et ses généraux ont reconnu qu’il n’y avait pas d’autre solution que l’aide militaire russe, et que sans la Russie, il serait impossible d’en finir avec les djihadistes et de libérer le territoire syrien.

Shoigu a répondu que la Russie « continuerait à soutenir les efforts du régime syrien pour reprendre le contrôle sur tout le pays » à la condition d’une véritable alliance. « Avec le soutien de la Russie,  la Syrie a sans aucun doute obtenu un succès substantiel dans la lutte contre le terrorisme international », a rappelé M. Shoigu à ses interlocuteurs. Il a aussi expliqué que le Kremlin s’intéressait surtout aux « questions liées à la lutte contre le terrorisme international ainsi qu’aux divers aspects de la sécurité au Moyen-Orient et du règlement post-conflit ».

Assad a été excessivement élogieux envers Poutine et l’aide russe, mais Shoigu n’a pas été convaincu.

Dans le même temps, les Qataris et leurs alliés ont clairement fait savoir qu’ils ne craignent pas une réaction des États-Unis à l’émergence de l’« Entente moyen-orientale ».

Les hauts fonctionnaires qataris appuient leur position sur les menaces répétées de Doha : si les États-Unis s’opposaient au nouveau bloc et son ambition à accéder au premier plan, Doha ordonnerait la fermeture immédiate de l’immense base américaine d’Al-Udeid au Qatar, et cesserait également d’intercéder auprès de Téhéran pour empêcher les djihadistes chiites commandités par l’Iran d’attaquer la base maritime américaine à Bahreïn. De même, la communauté américaine du renseignement est de plus en plus dépendante des services d’intelligence turcs (Millî İstihbarat Teşkilatı ou MIT) pour organiser les opérations clandestines en Asie centrale et soutenir les communautés sécessionnistes musulmanes de Russie et de Chine. Cela explique la faible réaction des États-Unis à l’égard de l’abandon turc de l’OTAN.

C’est donc la même logique qui neutraliserait la résistance des États-Unis à l’ascension du bloc. De même, l’empressement des États-Unis pour un sommet Trump-Rouhani (sur même modèle que le sommet Trump-Kim), où le Qatar et Oman étaient les principaux médiateurs limiterait également la sévérité d’une réaction au rôle régional croissant de l’Iran.

L’administration Trump est consciente des limites américaines au Moyen-Orient.

Dans le même temps, les États-Unis demeurent déterminés à empêcher la RPC et la Russie de consolider leur influence dans le grand Moyen-Orient et d’introduire la Nouvelle route de la soie dans la région. Des hauts responsables américains, principalement le conseiller à la sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d’État Mike Pompeo, ont maintes fois averti qu’il ne pourrait y avoir ni compromis avec la RPC, ni tolérance de l’ascension de la RPC, où que ce soit. « C’est un grand problème, comment se comporter envers la Chine dans ce siècle, probablement le plus grand problème international que nous ayons à affronter », a déclaré Bolton le 21 mars 2019.

Puisque l’influence des États-Unis au Moyen-Orient arabe s’est rapprochée de zéro en 2019, malgré la présence des forces américaines en Syrie-Irak-Jordanie et les relations spéciales avec l’Arabie saoudite, les États-Unis consacrent maintenant leurs efforts à bloquer les artères principales nord-sud et est-ouest entre la Russie, la RPC, et le grand Moyen-orient en frappant le maillon le plus faible : l’Azerbaïdjan.

Washington est convaincu qu’en exerçant une grande pression, Bakou couperait les artères vitales de transport qui passent par l’Azerbaïdjan et s’y connectent, au détriment de la Nouvelle route de la soie et du bloc qui la promeut. Mais cela ne ferait que galvaniser la Turquie et l’Iran pour d’autres actions anti-américaines au Moyen-Orient et dans les environs, ce qui propulserait davantage l’« Entente moyenne-orientale ».

En outre, la logique de Washington semble oublier le fait que si l’Azerbaïdjan se conformait à sa demande, il serait complètement isolé et perdrait ainsi tout moyen que ses exportations atteignent ses marchés.

Yossef Bodansky

Traduit par Michel pour le Saker Francophone

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