Par Moon of Alabama – Le 23 novembre 2017
Les États-Unis occupent maintenant le nord-est de la Syrie. Ils veulent faire chanter le gouvernement syrien pour un « changement de régime ». L’occupation est intenable, son objectif est inaccessible. Les généraux qui ont conçu ces plans manquent de vision stratégique. Ils écoutent les mauvaises personnes.
L’État islamique ne détient plus de terrain significatif en Syrie et en Irak. Ce qui subsiste dans quelques villes de la vallée de l’Euphrate disparaîtra bientôt. Il ne restera plus que quelques bandes terroristes dans la région. Les forces locales peuvent les maîtriser et elles le feront. L’État islamique (EI) est fini. C’est pourquoi le Hezbollah libanais a annoncé qu’il retirerait tous ses conseillers et toutes ses unités d’Irak. C’est la raison pour laquelle la Russie a commencé à rapatrier certaines de ses unités de Syrie. Les forces étrangères ne sont plus nécessaires pour éliminer les restes d’EI.
Dans sa résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies pour la lutte contre EI, le Conseil de sécurité des Nations unies déclarait :
« Réaffirme qu’il respecte la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de tous les États conformément aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,
(…)
Invite les États-membres qui en ont la capacité à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies […] sur le territoire placé sous le contrôle d’EI, également connu sous le nom de Daesh, en Syrie et en Irak, à redoubler d’efforts et à coordonner leurs efforts pour prévenir et réprimer les actes terroristes commis spécifiquement par EI […] et les entités associées à al-QaÏda […] et à éliminer le refuge qu’ils ont créé. »
Il n’y a plus de « territoire sous le contrôle d’EI ». Ses « refuges » ont été « éradiqués ». La tâche énoncée et légitimée dans la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies est terminée. C’est fini. Il n’ y a plus aucune justification, en vertu de la résolution 2249 du CSNU, pour que les troupes étasuniennes restent en Syrie ou en Irak.
D’autres justifications juridiques, comme une invitation des gouvernements légitimes de Syrie et d’Irak, pourraient s’appliquer. Mais alors que la Syrie a invité les forces russes, iraniennes et libanaises à rester dans son pays, elle n’ a pas invité les forces étasuniennes. Elles occupent maintenant illégalement des terres syriennes dans le nord-est du pays. Le gouvernement syrien l’a explicitement qualifié de la sorte.
(On peut se demander combien de temps il faudra à l’Union européenne pour sanctionner les États-Unis pour sa violation flagrante du droit international et pour avoir violé la souveraineté de la Syrie).
Les troupes étasuniennes en Syrie sont alliées au YPG kurde. Le YPG est la branche syrienne de l’organisation terroriste kurde internationale PKK. Seuls 2% à 5 % de la population syrienne est d’origine kurde-syrienne. Sous le commandement des États-Unis, ils contrôlent maintenant plus de 20 % du territoire de l’État syrien et environ 40 % de ses réserves d’hydrocarbures. C’est du vol à grande échelle.
Pour dissimuler sa coopération avec les terroristes kurdes, les États-Unis ont rebaptisé le groupe Forces démocratiques syriennes (FDS). Quelques combattants arabes des tribus syriennes de l’est y ont été ajoutés. Il s’agit surtout d’anciens fantassins d’EI qui ont changé de camp car les États-Unis offraient un meilleur salaire. D’autres combattants ont été forcés d’y participer. La population de la ville syro-arabe Manbij, occupée par le YPG et les forces étasuniennes, a protesté lorsque le YPG a commencé à enrôler violemment sa jeunesse.
De nouvelles troupes ont été ajoutées aux FDS au cours des derniers jours, lorsque les combattants d’EI ont échappé aux attaques des forces syriennes et irakiennes à Abu Kamal (alias Albu Kamla alias Bukamal). Ils se sont enfuis vers le nord en direction du groupe YPG soutenu par les États-Unis dans les zones tenues par ces derniers. Comme d’autres combattants d’EI, les États-Unis les ont aidés à échapper à une punition méritée, ces forces seront renommées et réutilisées.
Le ministère russe de la Défense a accusé les États-Unis de bloquer l’espace aérien au-dessus d’Abu Kamal pendant que les Syriens tentaient de libérer la ville. Pendant huit jours, des bombardiers russes à long rayon d’action ont dû venir de Russie pour soutenir les troupes sur le terrain. Dans un récent discours télévisé, le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, a accusé les troupes étasuniennes en Syrie de fournir des renseignements obtenus par drones à EI à Abu Kamal. EI les a utilisés pour bombarder les forces syriennes et alliées. Plusieurs hauts gradés du Corps des gardes révolutionnaires iraniens (CGRI) ont été tués dans de telles attaques. Nasrallah a également déclaré que les États-Unis ont utilisé des mesures de guerre électronique pour désactiver les radios de la force d’attaque. Il a déclaré qu’ils ont protégé les troupes d’EI en fuite. Les accusations de Nasrallah sont cohérentes avec les rapports sur le terrain. (Les États-Unis et leurs alliés continuent également d’approvisionner d’autres groupes terroristes dans le nord-ouest et le sud-ouest de la Syrie).
Ni Nasrallah ni les CGRI n’oublieront ces méfaits. Le commandant de l’opération du CGRI, le général Quasem Soleimani, a récemment fait le rapport suivant au guide suprême iranien Khamenei :
« Tous ces crimes ont été conçus et mis en œuvre par les dirigeants et les organisations étasuniens, selon les aveux mêmes du plus haut responsable étasunien qui est actuellement président des États-Unis ; de plus, ce plan est encore en cours de modification et d’application par les dirigeants étasuniens actuels. »
Les États-Unis ont modifié leur règle d’engagement et déclaré officieusement une zone d’interdiction de vol pour les avions russes et syriens du côté est de l’Euphrate. Ils ont déclaré qu’ils attaqueront toute force qui traverserait la rivière pour poursuivre EI. Ils protègent ouvertement leurs terroristes.
Il y a dix jours, le secrétaire d’État US à la Défense, le général Mattis, a annoncé l’intention des États-Unis d’occuper illégalement la Syrie :
« L’armée étasunienne va combattre État islamique en Syrie ‘tant qu’ils voudront combattre’ » a déclaré lundi le secrétaire à la Défense Jim Mattis, décrivant un rôle à plus long terme pour les troupes étasuniennes, longtemps après que les insurgés ont perdu tout le territoire qu’ils contrôlaient.
(…)
« Nous n’allons pas nous en aller tout de suite, pas avant que le processus de Genève ne tire à sa fin » a-t-il ajouté.
(…)
La Turquie a déclaré lundi que les États-Unis avaient 13 bases en Syrie et que la Russie en avait 5. La milice kurde du YPG syrien soutenue par les États-Unis a déclaré que Washington avait établi sept bases militaires dans les régions du nord de la Syrie.
Un rapport publié aujourd’hui dans le Washington Post est plus précis. Avec le gros titre : U.S. moves toward open-ended presence in Syria after Islamic State is routed (Les États-Unis s’orientent vers une présence illimitée en Syrie après la déroute d’État islamique) :
L’administration Trump étend ses objectifs en Syrie au-delà du fait d’avoir chassé État islamique, pour inclure un règlement politique de la guerre civile du pays…
(…)
Avec des forces loyales au président Bachar al-Assad et à ses alliés russes et iraniens qui s’en prennent maintenant aux dernières villes contrôlées par les militants, la défaite d’État islamique en Syrie pourrait être imminente – avec la fin de la justification de la présence étasunienne.
Les responsables étasuniens affirment qu’ils espèrent utiliser la présence continue de troupes étasuniennes dans le nord de la Syrie pour appuyer les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes, afin de faire pression sur Assad pour qu’il fasse des concessions lors des pourparlers de paix à Genève.
(…)
Un retrait abrupt des États-Unis pourrait achever le ratissage du territoire syrien par Assad et contribuer à garantir sa survie politique – un résultat qui constituerait une victoire pour l’Iran, son allié proche.
Pour éviter ce résultat, les responsables étasuniens déclarent qu’ils ont l’intention de maintenir une présence militaire étasunienne dans le nord de la Syrie – où les Américains ont formé et aidé les FDS contre État islamique – et d’établir une nouvelle gouvernance locale, en dehors du gouvernement Assad, dans ces régions.
(…)
« En n’inscrivant aucun calendrier à la fin de la mission étasunienne (…) le Pentagone est en train de créer un cadre pour maintenir l’engagement des États-Unis en Syrie pour les années à venir » [a déclaré Nicholas Heras du Center for a New American Security, basé à Washington].
Même les auteurs de propagande du Washington Post admettent que la présence étasunienne en Syrie n’est plus justifiée. L’intention des États-Unis est de faire du chantage : « faire pression sur Assad pour qu’il fasse des concessions ». La méthode pour ce faire est la « présence » militaire. Il est impossible que le gouvernement syrien et son peuple cèdent à un tel chantage. Ils ne se sont pas battus pendant plus de six ans pour abandonner leur souveraineté aux intrigues étasuniennes. Ils ne vont pas rentrer dans le bluff étasunien.
La « présence » militaire étasunienne en Syrie est également condamnée.
L’alliance des États-Unis avec les YPG/PKK pousse la Turquie vers une alliance avec la Russie, l’Iran et la Syrie. Plusieurs milliers de soldats et de civils turcs sont morts des suites des attaques du PKK. La semaine dernière, des avions de transport russes ont traversé l’espace aérien turc pendant leurs vols de Russie vers la Syrie. C’était une première. Les États-Unis avaient exhorté leurs alliés de l’OTAN, y compris la Turquie, à empêcher de tels vols et les avions russes devaient emprunter la route plus longue à travers l’espace aérien iranien et irakien. En raison de l’alliance des États-Unis avec les YPG et pour de nombreuses autres raisons, la Turquie se sent rejetée par les États-Unis et l’OTAN. et s’installe dans le camp de la « résistance ».
La frontière nord entre la Turquie et la Syrie est donc fermée pour l’approvisionnement des forces étasuniennes dans le nord-est de la Syrie. Vers l’ouest et le sud, les forces syriennes et leurs alliés interdisent tout ravitaillement étasunien. Le territoire kurde irakien à l’est est pour le moment la seule voie d’accès terrestre. Mais le gouvernement de Bagdad est allié à l’Iran et à la Syrie et il fait pression pour reprendre le contrôle de tous les postes frontaliers de l’Irak, y compris ceux qui sont encore détenus par les Kurdes et utilisés par les forces étasuniennes. Plusieurs milices irakiennes qui ont combattu EI sous le commandement du gouvernement irakien ont annoncé leur hostilité aux forces étasuniennes. Le gouvernement irakien arrivera peut-être à les canaliser, mais ne les fera pas disparaitre. La voie d’approvisionnement terrestre des États-Unis à travers les zones irakiennes et kurdes peut donc être fermée à tout moment. Il en va de même pour n’importe quel espace aérien autour du nord-est de la Syrie.
Le nord-est de la Syrie est entouré de forces hostiles aux États-Unis. En plus de cela, de nombreux Syriens continuent d’être fidèles à l’État syrien dans le nord-est de la Syrie, qui est maintenant occupé. Les services de renseignement syriens, turcs, iraniens et du Hezbollah travaillent sur le terrain. Il y a beaucoup d’Arabes locaux hostiles à la présence kurde. Les bases étasuniennes, les avant-postes et tous les transports dans la région pourraient bientôt faire l’objet de tirs soutenus. Alors que la Russie a déclaré qu’elle n’interviendrait pas contre les forces alliées des FDS, de nombreuses autres entités ont des motifs et des moyens de le faire.
La mission des 1700 soldats étasuniens basés dans le nord-est de la Syrie n’est pas définie. Leurs voies d’approvisionnement ne sont pas sécurisées et peuvent être bloquées par les ennemis à tout moment. La population locale leur est en grande partie hostile. Tous les pays et entités environnants ont de bonnes raisons de mettre fin à toute présence étasunienne dans la région dès que possible. Il faudrait une force terrestre au moins dix à vingt fois plus importante pour sécuriser la présence étasunienne et ses voies de communication et d’approvisionnement.
Cette présence est aussi inutile et intenable que la présence des États-Unis au sud, à al-Tanaf.
Trump s’était prononcé contre cette occupation et cette ingérence au Moyen-Orient :
Le président étasunien […] a fait campagne en promettant d’éviter de se laisser entraîner dans des conflits insolubles.
La junte militaire qui contrôle Trump et la Maison-Blanche, les (anciens) généraux McMaster, Kelly et Mattis, n’agissent pas dans l’intérêt des États-Unis, de ses citoyens et de leurs troupes.
Ils suivent l’appel de l’Institut juif sioniste pour la sécurité nationale de l’Amérique (JINSA) qui milite pour une guerre contre toutes les entités et tous les intérêts iraniens au Moyen-Orient. JINSA publicise son énorme influence sur le corps supérieur d’officiers étasuniens. Ce n’est pas par hasard qu’un récent discours prononcé au Jewish Policy Center de Washington a décrit l’armée étasunienne comme une organisation sioniste. Mais comme d’autres, il n’explique pas pourquoi un soutien inconditionnel à une colonie de racistes est-européens en Asie occidentale est d’« intérêt étasunien ».
La mission militaire de la force d’occupation étasunienne dans le nord-est de la Syrie n’est pas définie. Ses positions ne sont pas durables. L’objectif pour lequel cette « présence » est mise en place est irréalisable. Il ne s’insère dans aucun plan plus vaste.
Les généraux qui gouvernent la Maison-Blanche sont peut-être des génies tactiques dans leurs domaines. Ce sont des néophytes en matière de stratégie. Ils suivent aveuglément l’appel des sirènes du lobby uniquement pour, encore une fois, échouer le navire Étasunien sur les falaises de la réalité moyen-orientale.
Moon of Alabama
Traduit par Sam-la-Touche, relu par Cat pour le Saker francophone
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