Par Moon of Alabama – Le 1er août 2018
La campagne de l’armée arabe syrienne dans le sud-ouest de la Syrie touche à sa fin. L’ensemble de la zone (vert/noir) détenue par les « rebelles » et l’EI il y a six semaines est maintenant libérée. Leur résistance initiale ayant été vaincue par une force importante, de nombreux groupes de « rebelles » ont abandonné le combat et accepté de remettre leurs armes lourdes aux forces gouvernementales. Ceux qui ont accepté les accords de réconciliation ont été amnistiés, quelques autres ont préféré être évacués vers le gouvernorat d’Idlib.
On n’a pas trouvé trace du quart de million de personnes déplacées que l’ONU affirmait se trouver dans la région.
Gouvernorat de Deraa, 18 juin 2018 – Pour agrandir
Après le nettoyage de la moitié orientale et la défaite des « rebelles » dans la ville de Deraa, la lutte s’est poursuivie dans la région de Quneitra le long de la ligne de cessez-le-feu jusqu’au plateau du Golan occupé par Israël. Là, la résistance a été très forte au début, mais elle s’est rapidement effondrée. Les « rebelles » se sont vu offrir une nouvelle alternative : rattacher leurs unités à l’armée syrienne. Plus de 400 d’entre eux servent actuellement au sein de la 4e Division blindée dirigée par Maher Assad, le frère du président syrien. D’autres ont été formés pour intégrer la brigade Ahmed. Beaucoup de ces anciens « rebelles » ont contribué à vaincre la résistance des derniers combattants de l’EI à la frontière sud-ouest de la Jordanie. Quelques fanatiques de l’EI ont survécu et ont été mis en prison (vidéo).
La formule consistant à convertir des « rebelles modérés » en soldats du gouvernement pour combattre al-Qaïda, EI et d’autres islamistes radicaux jouera, un rôle important dans la prochaine opération de libération d’Idlib.
Lors de la dernière phase de l’attaque contre les bastions de EI à Kuneitra, quelque 150 combattants de EI, qui s’étaient auparavant dispersés dans le désert du sud-est, ont lancé une attaque surprise contre la ville de Suweida, qui abrite de nombreux Druzes. La négligence de la garde ajoutée à une probable aide intérieure ont permis cet assaut nocturne. Les combattants de EI sont allés de maison en maison et ont massacré plus de 250 civils avant de s’enfuir. À peu près autant de personnes ont été blessées.
Les forces qui faisaient partie de l’opération Deraa dans le sud-ouest ont été envoyées passer au peigne fin le semi-désert où se cachent ces combattants de EI. La situation est comparable au désert d’Anbar en Irak. La taille de ces régions et leur relief vallonné font qu’il est difficile de trouver un ennemi dispersé. Il va falloir patrouiller continuellement le désert sur de longues distances, et plusieurs opérations de nettoyage de grande envergure pour mettre la main sur ces fauves.
Une partie des forces militaires qui ont pris part à la bataille du sud-ouest s’est déjà déplacée vers le nord. D’autres suivront. La province d’Idlib est principalement sous le contrôle de Hay’at Tahrir al-Sham, l’ancien Jabhat al-Nusra et d’une partie d’al-Qaïda. La force totale de l’opposition dans le gouvernorat d’Idlib est estimée à 80-120 000 personnes, dont 15 000 sont des étrangers, avec d’importants contingents d’Ouïghours, de Turkmènes et de Tchétchènes. De nombreux dirigeants « rebelles » à Idlib sont des Saoudiens et des Égyptiens. Au total, il y a moins de 2 millions de personnes dans la zone (verte) tenue par les rebelles. Le gouvernement syrien a ouvert plusieurs couloirs pour permettre aux civils de fuir vers son territoire.
Gouvernorat d’Idlib, 1er août 2018 – Pour agrandir
La grande campagne gouvernementale de libération du gouvernorat d’Idlib ne commencera qu’en septembre. Des opérations préliminaires de repérage et de mise en forme par l’artillerie et l’aviation prépareront le champ de bataille.
Il faudra récupérer la zone occidentale « rebelle » de Lattaquié près de la frontière turque avant de se diriger vers Jisr al-Shughur où se trouvent de nombreux combattants étrangers. La première grande phase consistera à récupérer les zones situées au sud de la route qui dessert (Latakia) – Jisr al-Shughur – Saraqib – Alep. Il y aura probablement plusieurs axes d’opérations à partir de l’est, du sud et de l’ouest. Cela éviterait pour l’instant de se battre pour la ville d’Idlib. La résistance des « rebelles » syriens locaux sera probablement faible. Ils sont démoralisés et ne pensent qu’à échapper à un combat supplémentaire. La campagne d’Idlib ne durera probablement pas plus de trois à quatre mois.
La Turquie est responsable de la « zone de désescalade » du gouvernorat d’Idlib. Elle était censée séparer les « rebelles modérés » d’al-Qaïda d’autres combattants radicaux mais elle n’y est pas arrivée. Les forces turques tiennent une douzaine d’avant-postes le long de la ligne de démarcation actuelle entre le gouvernement et les rebelles. On ne s’attend pas à ce que ces unités isolées, de la taille d’un peloton, prennent part aux combats.
Le président turc Erdogan avait espéré conserver des pans de la Syrie. Il est peu probable qu’il y parvienne. La Turquie a d’énormes problèmes. Aujourd’hui, l’administration Trump a sanctionné les ministres turcs de la Justice et de l’Intérieur pour avoir mis le pasteur américain Andrew Brunson en résidence surveillée. Le Congrès menace de sanctionner la Turquie si elle achète le système de défense aérienne russe S-400. La livre turque vient de franchir la barre des 5 lires par dollar US et continue de chuter. Beaucoup d’entreprises et de banques turques ont contracté des prêts en dollars américains et en euros et auront du mal à les rembourser. L’armée américaine soutient les milices anti-turques du PKK/YPG dans le nord-est de la Syrie. La Turquie est coincée. L’OTAN ne viendra pas à son secours. L’Organisation ne peut pas déclencher une guerre contre des forces syriennes soutenues par la Russie sans un puissant appui des États-Unis.
Au cours des deux derniers jours, il y a eu un nouveau round des pourparlers d’Astana entre la Russie, la Turquie et l’Iran, à Sotchi, en Russie. La déclaration finale met à nouveau l’accent sur l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie. Avec l’arrivée de l’armée syrienne dans le nord, la Turquie n’a plus aucune justification pour s’accrocher au territoire syrien.
Après les récents entretiens de Sotchi, Alexander Lavrentiev, l’envoyé spécial du président Vladimir Poutine en Syrie, a parlé (Ru, traduction automatique) à l’agence de presse TASS de la campagne d’Idlib. Il espère qu’une grande bataille pour Idlib pourra être évitée. L’idée est de pousser les « rebelles modérés » à rejoindre l’armée syrienne dans la lutte contre les islamistes comme cela s’est fait récemment à Deraa. Les agents de réconciliation russes sont prêts à négocier avec eux.
La semaine dernière, le gouvernement syrien a tenu des pourparlers avec l’organisation kurde YPG/PKKK, les supplétifs des États-Unis dans le nord-est de la Syrie. Les Kurdes veulent une forte autonomie ou même un État fédéré avec ses propres sources de revenus, mais il est peu probable qu’ils l’obtiennent. Les États-Unis ne se battront pas contre le gouvernement syrien pour l’empêcher de reprendre ses territoires du nord-est. Les autres Syriens n’oublieront pas que les Kurdes ont permis aux États-Unis d’occuper une partie de leur territoire et ont laissé les Turcs prendre Afrin au lieu de remettre la ville au gouvernement syrien. Les Kurdes des YPG/PKKK peuvent servir à la Syrie de menace contre la Turquie, mais c’est à peu près tout.
La Russie a entamé des pourparlers avec les gouvernements allemand et français sur le retour des réfugiés en Syrie et une aide financière à la Syrie pour lui permettre de se remettre de la guerre. C’est au titre d’une première tranche des indemnités que la France a accepté de donner à la Syrie en réparation, qu’elle a envoyé une cargaison de fournitures médicales à Damas. D’autres gestes de ce genre suivront.
Traduction : Dominique Muselet