Par Tyler Durden – Le 30 avril 2019 – Source ZeroHedge
Il y a moins d’un mois, le fondateur de Bridgewater Ray Dalio prévenait le monde qu’il fallait s’attendre à une « révolution » si les États-Unis ne parvenaient pas à résoudre leur problème d’inégalité des revenus. Il prétend également sans trêve que le capitalisme ne fonctionne plus. « Ne fonctionne plus », c’est-à-dire pour tout autre que Ray Dalio, qui a été l’année dernière le gestionnaire de hedge fund le mieux payé, selon DealBook, et comme les gestionnaires de hedge funds génèrent en général le plus fort revenu parmi les « travailleurs », il était logiquement l’Américain le mieux payé en 2018. Ceci exclut naturellement les plus-values et d’autres revenus extraordinaires. On estime donc que Dalio a gagné 2 milliards de dollars au cours des douze derniers mois, à comparer au 1,3 milliard de 2017.
À ce jeu, Dalio a battu d’autres célébrités comme Jim Simons de Renaissance Technologies, qui a gagné 1,5 milliard de dollars, Ken Griffin de Citadel, qui a gagné 870 millions, David Shaw de D.E. Shaw, qui a gagné 500 millions, Chase Coleman de Tiger Global Management, qui a gagné 465 millions, et Steve Cohen de Point72, qui a gagné un tout petit 70 millions (selon ses propres critères).
Bien sûr, cela soulève la question évidente de savoir si Dalio en fait assez pour réformer un système auquel il s’oppose.
« Comme la plupart d’entre vous le savent, je suis capitaliste, et pourtant je pense que le capitalisme ne fonctionne plus », a-t-il écrit sur Tweeter au début du mois d’avril. Puis il a défendu le modèle des hedge funds à NPR 1 la semaine dernière, déclarant : « Si vous deviez poser la question aux retraités et que vous demandiez à nos clients, qui sont des enseignants ou des pompiers, si nous avons contribué à leur bien-être, ils vous répondraient qu’ils contribuent plus – que nous y contribuons. »
Andrew Ross Sorkin 2 a demandé si Dalio fait de son argent ce qu’il prétend : « […] L’ampleur de la rémunération des gestionnaires de hedge funds soulève la question absolument fondamentale de savoir si le capitalisme ‘ne fonctionne plus’. Même si M. Dalio gardait pour lui 500 millions de dollars, le reste de son revenu pourrait offrir 150 000 dollars à 10 000 familles. »
Depuis un peu plus d’un an, Dalio avertit tous les journalistes qui veulent bien l’entendre que l’effondrement imminent du marché et le ralentissement économique, qui semblent toujours être à l’échéance d’un ou deux ans, accentueront l’effritement de notre système capitaliste qui se délitera au point où il se désagrégera, tout simplement. Les Banques centrales, déjà à court de munitions en raison de leurs programmes de stimulation d’avant-crise, seront impuissantes à nous sortir du précipice, et à cause de notre dette fédérale qui est déjà si lourde, le Congrès aura une marge de manœuvre minime pour nous sortir du pétrin (du moins, s’ils ne cèdent finalement pas aux sirènes de la MMT 3).
Mais dans son dernier essai de 18 pages intitulé « Pourquoi et comment nous devons réformer le capitalisme (Partie 1) », publié comme d’habitude sur LinkedIn, Dalio propulse son analyse catastrophiste jusqu’à la page 11, dépasse la rhétorique de justice redistributive de Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez et met le cap sur Lénine.
Selon Dalio, les failles du capitalisme nourrissent de telles inégalités entre riches et pauvres qu’à un certain point d’un avenir proche, le seul recours sensé pour les masses de pouilleux sera une révolution sanglante.
Pour étayer cette théorie, Dalio désigne des statistiques qui indiquent que les 60% d’Américains du bas de l’échelle sont progressivement distancés par les 40% du sommet en termes d’éducation, de mobilité sociale, de propriété, de revenu et, c’est fondamental, de santé. Les Américains qui gagnent le moins vivront probablement dix ans de moins que ceux qui gagnent le plus.
Dans ses précédents essais, Dalio avait mis en garde contre la menace du populisme économique, cette tendance contestataire qui a amené le Brexit et la stupéfiante victoire-surprise du Président Trump contre Hillary Clinton. Lui, il semble davantage s’identifier avec les populistes d’une autre origine : ceux de gauche, pour être précis. Toutes ces sources d’inégalité, affirme Dalio, constituent une « menace existentielle » pour l’économie américaine, qui ne pourra que s’envenimer à cause de la baisse de compétitivité vis-à-vis des autres nations et du « risque élevé de grave conflit ».
Il en profite pour s’absoudre, ainsi que ses potes milliardaires, de tout blâme pour cet état de choses et prétend que ce triste constat est simplement la conséquence d’un système mal conçu qu’on peut corriger, avec un peu d’effort. Ainsi, « ces résultats inacceptables ne sont pas dus à a. de méchants riches qui font de mauvaises choses aux pauvres ou bien à des pauvres paresseux et des inefficacités bureaucratiques. Ils sont dus à la façon dont le système capitaliste fonctionne actuellement », écrit-il.
Peut-être sommes-nous de petits conservateurs démodés et pragmatiques, mais n’y a-t-il pas une légère hypocrisie, par ailleurs extrêmement commode, à appeler au socialisme l’année où le capitalisme a fait de vous la personne la mieux payée aux États-Unis ? Et, si nous nous trompons, pourquoi Dalio ne déverse-t-il pas ses milliards pour la cause qu’il plaide si bruyamment ?
Tyler Durden
Note du Saker Francophone Si vous voulez en savoir plus sur l'idéologie néo-libérale
Traduit par Stünzi pour le Saker francophone
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