Qu’est-ce-qui changerait vraiment avec une présidence Démocrate aux États-Unis ?


Par Moon of Alabama − Le 31 octobre 2020

Pepe Escobar est aussi pessimiste que moi à propos d’une administration Harris (Biden). La politique étrangère entrante de l’équipe serait le retour du Blob [le marais de l’État profond] qui a mené sept guerres sous l’administration Obama / Biden :

En nous inspirant du [Projet d’intégrité de la transition], jouons un retour des Democrates à la Maison Blanche - avec la perspective d’une présidente Kamala prenant le relais le plus tôt possible. Cela signifie, essentiellement, le retour du Blob.

Le président Trump l'appelle «le marais». L'ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale d'Obama, Ben Rhodes - un politicard médiocre - a au moins inventé le terme plus funk de «Blob», appliqué au gang incestueux de la politique étrangère de Washington DC, aux groupes de réflexion, aux universitaires, aux journaux - du Washington Post au New York Times , et à cette Bible non officielle, le magazine Foreign Affairs.

Une présidence Démocrate, tout de suite, devra faire face aux implications de deux guerres : Guerre froide 2.0 contre la Chine et l'interminable GWOT (Global War on Terror), rebaptisé OCO (Overseas Contingency Operations) par l'administration Obama-Biden.

L’équipe Démocrate de la Maison Blanche décrite par Escobar : Hillary Clinton, Blinken, Rice, Flournoy, serait une assemblée de bellicistes bien connus qui plaident tous pour des politiques agressives. Les principaux «ennemis», la Russie et la Chine, seraient les mêmes que sous Trump. La Syrie, le Venezuela, l’Iran et d’autres resteraient sur la liste des cibles américaines. La politique étrangère américaine ne changerait donc guère de la version Trump mais serait probablement gérée avec une compétence plus meurtrière.

Mais Escobar voit deux développements positifs potentiels :

En revanche, deux cas de retour en arrière presque certains seraient le retour des États-Unis dans le JCPOA, l'accord sur le nucléaire iranien, qui était la seule réalisation de politique étrangère d'Obama-Biden, et la relance des négociations sur le désarmement nucléaire avec la Russie. Cela impliquerait l'endiguement de la Russie, pas une nouvelle guerre froide totale, même si Biden a récemment souligné publiquement que la Russie est la «plus grande menace» pour les États-Unis.

Je crois que Harris (Biden) décevra sur ces deux questions. Les néocons ont déjà infesté le camp de Harris (Biden). Ils veilleront à ce que l’accord JCPOA ne revienne pas :

Hier soir, lors d'un webinaire officiel de la campagne Biden dirigé par “Jewish Americans for Biden” et modéré par Ann Lewis de la Democratic Majority for Israel, deux éminents républicains néocons ont approuvé Biden, principalement en raison du caractère de Trump qui représente un danger pour la démocratie. Mais les deux néocons ont souligné que Biden serait plus disposé à utiliser la force au Moyen-Orient et ont rassuré les téléspectateurs juifs sur le fait que Biden chercherait à dépolitiser le soutien à Israël, ne reviendrait pas nécessairement sur l'accord avec l'Iran et s'entourerait de conseillers qui soutiennent Israël et croient en une intervention militaire américaine.

Eric Edelman, ancien diplomate et conseiller de Dick Cheney, a déclaré que le plan de paix de Trump avait favorisé une division politique ouverte aux États-Unis au sujet d'Israël, ...

Eliot Cohen, un collaborateur de Bush, et universitaire, a fait écho à la crainte que la question d'Israël soit politisée. ...

Cohen et Edelman se sont opposés à l’accord d’Obama avec l’Iran et ont tous deux prédit que Biden serait belliciste envers l’Iran. ...

«Il y aura des voix» au sein de l’administration Biden qui cherchent un retour à l’accord avec l’Iran, mais le chrono tourne depuis quatre ans et nous sommes dans un moment différent, a-t-il déclaré. Et «il sera difficile [pour Biden] de ne pas utiliser l'effet de levier fourni par les sanctions, en partie parce que l'Iran ne respecte pas beaucoup les limites de l'accord nucléaire ... Ils sont à trois, peut-être quatre mois, d'avoir assez de matière fissile pour développer réellement une arme nucléaire.»

Pour la levée des sanctions contre l’Iran, l’administration Harris (Biden) exigera beaucoup plus que le retour de l’Iran aux limites du JCPOA. L’Iran rejettera toutes les nouvelles demandes, qu’il s’agisse de restreindre sa force de missiles ou de limiter son soutien à la Syrie. Le conflit continuera ainsi de s’aggraver.

L’autre problème est la maîtrise des armements. Alors qu’une administration Harris (Biden) peut accepter l’offre de Poutine de prolonger sans condition l’accord New-START pendant un an, elle voudra certainement plus de concessions de la part de la Russie que ce pays n’est disposé à en donner. Actuellement, c’est la Russie qui a le dessus en matière d’armes stratégiques avec des missiles hypersoniques déjà déployés et d’autres nouvelles plates-formes. Les États-Unis voudront combler le nouveau « différentiel de missiles » et le complexe militaro-industriel est prêt à en profiter. La prolongation du New-START prendra fin et je ne vois pas les États-Unis accepter de nouvelles conditions alors que la Russie a une supériorité technologique.

Les politiques nationales sous un président Démocrate ne verront pas non plus de différence substantielle. Comme l’a fait remarquer Krystal Ball, dans le résumé d’un podcast de Rolling Stone :

Mais même avec une victoire de Biden, Ball ne pense pas que cela signifiera grand-chose pour la politique domestique.

«Ma prédiction pour l'ère Biden est que très peu de choses se produiront réellement», dit Ball. "Les Démocrates sont très doués pour feindre l'impuissance. Nous l'avons également vu lors des audiences du SCOTUS [la Cour suprême]. Ils sont très bons pour venir avec des arguments tels que : oh ces méchants Républicains , nous voulons améliorer les soins de santé et nous voulons augmenter les salaires, mais oh mon Dieu !, Mitch McConnell [chef du parti Républicain au Sénat], est tellement retors que nous ne pouvons pas y arriver."

«Changer» était un slogan du marketing d’Obama pour vendre ses politiques républicaines allégées. Un vrai changement n’est jamais arrivé. L’administration Harris (Biden) doit être vue sous un angle similaire.

Je suis donc d’accord avec le sentiment sur lequel Escobar clôt son article :

En un mot, Biden-Harris signifierait le retour du Blob avec un esprit de vengeance. Biden-Harris serait Obama-Biden 3.0. Souvenez-vous de ces sept guerres. Souvenez-vous des attaques éclair. Rappelez-vous les listes d'exécution extra-judiciaire. Souvenez-vous de la Libye. Souvenez-vous de la Syrie. Souvenez-vous du «coup d'État» au Brésil. Souvenez-vous du Maidan. Vous avez tous été prévenus.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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