Moment crucial, plus pour Poutine et la Russie que pour la Syrie et Assad
Par Damian Martinovich − Le 10 avril 2018 − Source Russia Insider
Vladimir Soloviev, l'animateur d'une émission de télévision politique diffusée aux heures de grande écoute, qui connaît Poutine personnellement, a tweeté : « La situation est maintenant comparable à la crise des missiles de Cuba. Une guerre nucléaire pourrait éclater en un clin d'œil. Et il est peu probable que l'humanité puisse y survivre. »
Nouvelles sanctions anti-russes, marchés financiers russes en fusion, rouble en dégringolade, menaces occidentales de bombardements en Syrie et sur ses alliés, coup monté Skripal − que se passe-t-il ?
Bienvenue pour votre quatrième mandat présidentiel, monsieur Poutine ! Toutes ces actions font partie de la campagne soigneusement planifiée qui sert de fanfare d’accueil pour votre probable dernier mandat de président russe.
Pour l’essentiel, l’Occident envoie un message clair au président russe. Vous aurez six années ininterrompues de crises infernales. Nous ferons en sorte que vous n’ayez pas une journée paisible. Désolé, il n’y a aucun moyen que vous puissiez vous concentrer sur les problèmes intérieurs de la Russie comme vous l’avez promis pendant votre campagne présidentielle.
Ce sera aussi une période difficile pour l’économie russe, bien que les Russes doivent se rendre compte qu’il vaut mieux avoir un salaire de 20 000 roubles (300 dollars) que 20 millions de morts comme au cours de la Seconde Guerre mondiale. C’est un petit prix à payer pour être l’une des dernières nations souveraines restant dans le monde. À long terme, il est préférable de réduire la dépendance de la Russie vis-à-vis de la technologie, des importations et des marchés occidentaux.
La Russie doit résolument prendre plusieurs mesures qui vont infliger des coûts importants à Washington et à ses vassaux occidentaux.
Mesures économiques
Bannir toutes les grandes entreprises américaines en Russie, qui peuvent être facilement remplacées par des équivalents russes.
- Tous les McDonald’s, Burger Kings, Pizza Hut et Starbucks devraient être interdits. Ces mesures ne nuiront pas à l’économie russe, car la Russie possède déjà ses propres franchises de restauration rapide.
- Bannir les sociétés de logiciels américaines en Russie. Il y a beaucoup de sociétés de logiciels russes qui peuvent remplacer les produits américains.
- Bloquer Google, Facebook, Instagram et Twitter. La Russie a déjà des équivalents forts qui suppriment la concurrence occidentale et sont dominants sur le marché russe − Yandex, Vkontakte, Odnoklassniki, etc. Fondamentalement, la Russie devrait créer un espace d’information indépendant de la même manière que la Chine.
- La Russie devrait également cesser d’acheter des avions Boeing ou toute autre technologie de fabrication américaine et cesser de vendre des moteurs de fusée russes à la NASA.
Mesures financières
Commencer à se débarrasser des dollars et de tout le commerce international en dollars. Demander aux partenaires commerciaux internationaux de faciliter les échanges dans toutes les devises sauf le dollar américain.
Mesures politiques et militaires
Le plus important, la Russie devrait commencer à mener des guerres par procuration contre l’Amérique, comme les États-Unis mènent une guerre par procuration contre la Russie en soutenant le régime anti-russe de Kiev et en armant les milices fascistes du Donbass qui tuent la population russe.
La Russie devrait envisager sérieusement d’armer les talibans en Afghanistan, le Hezbollah au Liban, d’aider l’Iran à moderniser son armée, de lui vendre des S-400 et de faciliter les projets technologiques militaires conjoints.
Fondamentalement, la Russie devrait soutenir toutes les nations et organisations considérées par les Américains comme leurs ennemis. Cela va vraiment faire mal à Washington. C’est la seule réaction appropriée et pertinente à la politique étrangère de Washington. L’ennemi de mon ennemi est mon ami − la Russie devrait adopter les bases d’une politique étrangère réaliste. Les néocons américains ne comprennent que le langage de la force, ce n’est pas le moment de présenter de bons arguments, de dialoguer ou de discuter.
Le ministre russe des Affaires étrangères, M. Lavrov, a déclaré que les négociations sur la péninsule coréenne devraient déboucher sur le désarmement nucléaire de la région. Pourquoi la Russie est-elle si désireuse de dénucléariser la péninsule coréenne ? Ce n’est pas d’un intérêt vital pour la Russie. Peut-être que la Russie devrait faire de la Corée du Nord un allié et commencer à l’armer plus sérieusement. Pourquoi aider l’Amérique à neutraliser la menace coréenne ? Peut-être qu’elle devrait aider la Corée du Nord à développer un missile encore plus meurtrier. De cette façon, les néocons y réfléchiront à deux fois avant de s’en prendre à la Russie.
Reconsidérer la relation avec Israël
La Russie doit reconsidérer sa relation actuelle avec Israël parce qu’elle se trompe pour de nombreuses raisons, notamment en envoyant des messages contradictoires aux alliés russes au Moyen-Orient.
Les premières étapes sont déjà engagées. L’ambassadeur d’Israël a été convoqué au ministère russe des Affaires étrangères. Mais ils devraient faire beaucoup plus que cela. L’ensemble des crises actuelles est la conséquence du désir d’Israël de maintenir un chaos contrôlé en Syrie pendant des décennies et la Russie reste silencieuse face aux attaques aériennes constantes de Tel-Aviv contre la Syrie.
Pourquoi la Russie reste-t-elle silencieuse quand Israël bombarde la Syrie, mais menace-t-elle les États-Unis quand ils disent vouloir faire de même ? Où est la logique ? Pourquoi Israël peut-il le faire et pas les États-Unis, en tant que première superpuissance mondiale ? Si la Russie n’est pas prête à riposter contre Israël, pourquoi prétend-elle qu’elle est prête à riposter contre les États-Unis ? Cela n’a aucun sens. Par conséquent, les Russes ne devraient pas donner à Israël un laissez-passer, mais lui imposer un ensemble de sanctions économiques et politiques similaires à celles contre les États-Unis.
En tout cas, la Russie devrait faire comprendre à Israël qu’en cas de guerre russo-américaine, Israël serait l’un des premiers à être éliminé à l’aide des bombes nucléaires russes. Cela les fera réfléchir à deux fois avant de provoquer un conflit mondial contre la Russie.
Conclusion
Au lieu de gémir et de pleurer sur des actions illégales et illégitimes de l’Occident qui ne sont pas conformes au droit international, la Russie et Poutine devraient prendre des mesures sérieuses et concrètes pour les arrêter.
Il est temps que les vieux dirigeants politiques russes se retirent. Le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov a déjà laissé entendre qu’il veut prendre sa retraite après des décennies d’infatigables et, dans certains cas, brillants services à la Russie. Je pense que Poutine devrait le laisser partir à la retraite et trouver un nouveau ministre des Affaires étrangères, jeune, énergique et nationaliste qui cessera tout d’abord de qualifier de « partenaires » les pays occidentaux comme le fait Lavrov à chaque occasion. Un tyran comprend seulement le langage de l’intimidation et de l’action.
Dmitry Medvedev, actuel Premier ministre russe, a été invisible pendant des années, essentiellement un zombie. Il restera dans l’histoire comme l’homme qui a permis à l’Occident de bombarder Kadhafi en ne mettant pas son veto à une résolution de l’ONU demandant une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye. D’autres libéraux russes devraient également partir et la politique économique et financière devrait être plus nationaliste et protectionniste.
Le président Poutine est actuellement trop souple sur trop de questions. Il parle encore de « partenaires occidentaux ». Même Yakov Kedmi, ancien patron israélien d’Intel, pense qu’il devrait être plus dur envers les bellicistes néocons. La Russie a besoin de quelqu’un avec un peu les manières de Jirinovski pour diriger la politique étrangère russe, surtout en ce moment particulier.
Donc, dans ce moment critique pour l’humanité, étant donné que tous les médias occidentaux ignorent complètement le danger de la troisième guerre mondiale, Poutine devrait aller à la TV en direct, faire une déclaration de rupture et expliquer aux citoyens russes et surtout au monde entier, que toute la planète est au bord de la troisième guerre mondiale.
Et enfin, la Russie doit comprendre que cela n’a rien à voir avec Assad, la Syrie ou même le Moyen-Orient. Cela a tout à voir avec la Russie. Israël et les États-Unis ont décidé qu’il était temps de lui infliger une défaite humiliante en Syrie et de la virer de cette équation complexe.
Si la Russie ne fait rien et se cache sous la table en protestant contre les frappes illégales américaines, britanniques, françaises et israéliennes contre le peuple syrien, ce sera la défaite et l’humiliation de la Russie et de Poutine. Personne ne voudra plus être un allié des Russes, même si beaucoup de pays ne sont pas candidats à le devenir, pour être honnête. Ce sera une défaite géopolitique d’intensité gigantesque et, dans ce cas, il vaut mieux que les Russes quittent la Syrie plutôt que de s’humilier davantage.
Battre en retraite évite seulement l’inévitable − finalement la paix mondiale dépendra des nations qui défient l’hégémonie américaine. La Russie, avant tout, résiste aux États-Unis et à Israël en Syrie depuis le début.
Président Poutine, c’est à vous d’agir. Soit vous entrerez dans l’histoire comme le plus grand homme d’État russe qui ait jamais vécu sous le soleil, ou comme Ivan le Terrible 2.0, dont la première partie prospère du règne a fini dans le chaos ultime, la désintégration et les temps troublés en Russie.
Bon vent Vladimir Vladimirovich ! Le destin de la Russie et de l’humanité est entre vos mains.
Damian Martinovich
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone