Pas prêt pour le Prime Time : La saga du F35 pour les nuls [2/3]

Lorsque l’idéologie du technologisme implose

Avant-Propos

Le projet US du F35, appelé aussi JSF [Joint Strike Fighter] auto-désigné avion de combat universel du XXIsiècle globalisé, par l'Empire du Bien et de la Vertu,  a été lancé en 1996. Soit presque 20 ans. Il est d'une furtivité extrême confinant au néant. Tellement furtif qu'il ne vole toujours pas et ne volera jamais.

Fruit de l'orgueil technologique post-moderne, il a dès l'origine été conçu pour ne pas avoir de prototype, étant entendu que la nation exceptionnelle ne pouvait produire que des objets exceptionnels, loin des tâtonnements et expérimentations vulgaires auxquels la réalité soumet les industriels des nations ordinaires.

Résumons, un projet qui a coûté pour l'instant $1 400 Mds au contribuable américain, un avion non certifié, qui ne vole pas mais qui est déjà produit à 125 exemplaires.

Cette aventure est typique du système politico-mafieux étasunien. Complicité entre les politiciens, le complexe militaro-industriel, les multinationales, bancaires et autres pour racketter le monde. À l'instar des banques trop grosses pour faire faillite, ce projet F35 ne peut être ni arrêté, ni amendé, ni aboutir. Il ne sert qu'à faire tourner la lessiveuse à essorer les contribuables étasuniens et européens qui ont décidé d'acheter cet avion. Et à l'instar d'une grande guerre globalisée contre la terreur qui n'a jamais fabriqué autant de terroristes.

L'important c'est la bottom-line.

Nous vous proposons, en plusieurs épisodes, un état des lieux extrêmement détaillé du projet, à partir des meilleures sources. Ces articles ne sont pas un inventaire des déboires vécus depuis vingt ans par le projet, dont vous pourrez certainement faire votre miel ailleurs, ici en français et depuis son origine.

Extrait du rapport:
"...Le programme F-35 est conçu de telle sorte qu'il n'a pas l'obligation de prouver sa capacité au combat avant d'avoir atteint un taux de production annuel de 57 avions, un taux sans précédent pour tout avion de chasse avec si peu d'essais opérationnels accomplis et tant de problèmes non résolus." 

Le Saker Francophone

Photograph of Mandy Smithberger

Par Mandy Smithberger – Le 12 mars 2015 – Source pogo.org

Première partie

Mandy Smithberger est Directrice du projet de réforme militaire Straus au Centre d’Information de la défense en charge de la surveillance du gouvernement.

Selon le dernier rapport de la Direction des tests opérationnels et des évaluations [DOT&E], le F-35 n’est pas prêt pour les Contrôles opérationnels initiaux [IOC] et ne le sera pas de sitôt

 

Problèmes de décrochage d’aile

L’année dernière DOT & E ont indiqué que toutes les variantes du F-35 ont rencontré des décrochages d’aile inopinés lors de manœuvres à des vitesses subsoniques et transsoniques élevées. Ceci est particulièrement dangereux parce que non sollicité, la chute incontrôlée de l’aile peut entraîner des accidents et une incapacité à déjouer l’attaque d’avions ou de missiles dans le combat. Le rapport de cette année note que les trois variantes nécessitaient des «modifications des systèmes de contrôle des effets des vol transsoniques [décrochement] et des vibrations[buffeting]». Malheureusement, les modifications nécessaires du système de contrôle vont réduire la manœuvrabilité du F-35, ne faisant qu’exacerber les problèmes de performance de l’avion dans ce domaine. Le problème du décrochage de l’aile du F-35C est «pire que pour les autres variantes» et les essais futurs intégreront des spoilers installés dans les ailes pour résoudre le problème. Lockheed Martin a signalé publiquement en 2009 qu’il concevait des spoilers additionnels, et le DOT & E décrit, dans son rapport de 2012, les moyens qu’il envisage pour intégrer ces nouveaux spoilers dans son planning de tests. Cependant, ces modifications de structure, comme celles ajoutés au F-18E / F pour résoudre un problème similaire, vont presque certainement affecter la furtivité d’ensemble de l’appareil, augmenter son poids et sa traînée, diminuant ainsi encore plus la maniabilité, l’accélération, et le rayon d’action. En outre, la plupart des tests extensifs de manœuvrabilité nécessaires pour valider des correctifs au problème du décrochage sont actuellement impossibles en raison des limites de vitesse et d’accélération imposées par la persistance du problème récurrent des frottements du ventilateur du moteur (décrit ci-dessous).

Les vibrations lourdes pendant les attaques avec un angle de manœuvre élevé (comme lors de combats aériens pour déjouer la menace des missiles, ou en appui rapproché) ont été relevées comme un problème permanent grave avec le F-35 depuis au moins 2009. Ces vibrations peuvent provoquer des fissures, suite à la fatigue des matériaux, et conduire à une défaillance structurale, elle  peut dégrader la précision des armes, la perte des missiles et des capacités de combat aérien.

Les tests étudiant l’impact des vibrations et des décrochages transsoniques sur l’écran intégré des casques, et les manœuvres offensives et défensives ont révélé que «les vibrations affectaient l’affichage des symboles, et auraient le plus de conséquences dans les scénarios où un pilote manœuvre pour éviter un tir de missile». Le tremblement dégrade également les gyroscopes dans les plates-formes d’inertie qui sont essentielles pour le contrôle de vol, de navigation, et les armes visantes. DOT & E a expliqué que c’était là un problème récurrent : «Dans des conditions de vibrations lourdes, qui se produisent entre 20 et 26 degrés d’angle d’attaque, des défaillances sont apparues dans les unités de mesure inertielle (IMU) de l’avion, qui dégradent le système de commande de vol (deux des trois canaux de contrôle de vol deviennent invalides), nécessitant une interruption de vol.» Cette limitation à la maniabilité est un obstacle qui doit être surmonté et toute correction doit être validée par des tests supplémentaires avant la validation du 2B [deuxième bloc].

Il est invraisemblable qu’un aéronef avec ces problèmes inhérents dans l’utilisation la plus élémentaire de ses armes et dans les manœuvres d’un duel puisse être approuvé pour la mise en service, et pourtant, le Corps des Marines et la Force aérienne insistent avec leur calendrier pour une homologation des capacités opérationnelles initiales en 2015 et 2016, respectivement. Si la surveillance interne et externe du Pentagone et du Congrès avait un quelconque effet opératoire, ces problèmes seraient des feux rouges.

L’ancien secrétaire à la Défense, Leon Panetta, à la présentation du moteur du  F-35.


Des problèmes de moteur continuent à bloquer le F-35 

Une défaillance majeure du moteur, causée par une flexion excessive de celui-ci, induit un frottement important, et pour finir la destruction catastrophique des lames du ventilateur qui a déclenché un incendie détruisant l’arrière du fuselage et la queue d’un F-35A en juin 2014. Pour cette raison, tous les F-35 ont été sévèrement restreints dans leur vitesse (moins de 0,9 Mach pour les avions en production et 1,6 Mach pour les avions d’essai), leur accélération (3,0 g et 3,2 g, respectivement), et les limites de manœuvrabilité (moins de la moitié du taux de roulis normal et moins de 18 degrés d’ angle d’attaque). Ces restrictions ont rendu impossibles les tests d’armement à pleine charge, des vibrations lors des manœuvres ainsi que les manœuvres limites de décrochage pour les différentes versions du F-35. Les restrictions ont également arrêté les tests sur le système au sol d’évitement de collisions qui avertit les pilotes lorsque qu’ils doivent tirer le manche vers le haut pour éviter le crash. Ce système de sécurité est l’une des exigences clés du Marine Corps lors des COI [tests finaux d’opérabilité] Dans l’ensemble, ces limites ont entraîné une diminution de 17% de la productivité des procédures de tests, bloquant 53% des étapes de tests restantes pour le Bloc 2B.

Certaines de ces restrictions peuvent rester en place pendant un temps considérable, car aucune solution à long terme pour la flexibilité excessive du moteur n’a été trouvée. Des restrictions supplémentaires ont été ajoutées depuis. Après la découverte d’une fissure dans la nacelle de la prise d’entrée d’un tube d’évent «à la suite d’un incident où les équipes au sol ont observé une fuite de carburant par le tube pendant un ravitaillement au sol à chaud», tous les aéronefs de production était limités à 3 g d’accélération et interdits de ravitaillement en vol. Cette restriction a été levée lorsque les tubes ont été remplacés sur l’appareil de test, mais reste en place pour tous les autres aéronefs produits.

En fin de compte les problèmes de moteur du F-35 créent tant de restrictions d’essais en vol qu’ils retardent considérablement les tests, ce qui pourrait empêcher de satisfaire aux exigences essentielles de sécurité et de capacités de combat pour la date de la COI du Marine Corps. Cela rend également d’autant plus évident que cet avion est inapte pour toute opération de combat jusqu’à ce que tous ces problèmes soient entièrement résolus.

Défaillances dangereuses des casques

Le système d’affichage monté sur casque du F-35 (HMDS) projette sur le viseur du pilote des informations sur les menaces, lecture des paramètres du vol , et quasi vidéo à 360 degrés avec des images infrarouges du monde autour du pilote. Cela fournit, soi-disant, au pilote «une conscience de la situation et des capacités tactiques sans précédent». La vidéo à 360 degrés et l’imagerie infrarouge proviennent de six caméras et d’un logiciel complexe de traitement du Système d’ouverture distribué fabriqué par Northrop Grumman. DOT & E a trouvé, cependant, que même après une refonte majeure et une mise à niveau du logiciel, le Système d’ouverture distribué «continue de présenter des taux élevés de fausses alarmes, de pistes de fausses cibles, et des performances de stabilité pauvres». Les essais du système de casque redessiné ont «découvert des lacunes, en particulier dans la stabilité du nouvel ordinateur de gestion d’affichage pour le casque, et un nouveau test a été suspendu jusqu’à ce qu’un logiciel qui corrige les lacunes dans le système de casque soit fourni à l’entrepreneur principal et inclus dans une mise à jour des logiciels du système de missions».

Tous ces problèmes signifient que le pilote ne peut pas compter sur le visuel du casque pour lui donner une vision adéquate de la situation au combat. Ceci est particulièrement une préoccupation pour les menaces par l’arrière, car le fuselage exceptionnellement large et la cloison solide directement derrière la tête du pilote l’empêchent de voir en dessous et derrière lui si son casque échoue. Comme nous l’avons indiqué précédemment, les pilotes ont trouvé «presque impossible de vérifier leur position à l’arrière en accélération» et se sont plaints que «sans la visibilité arrière le pilote sera abattu à chaque fois», se référant au combat rapproché.

A défaut de résoudre ces problèmes graves, et de démontrer l’efficacité des corrections dans des tests opérationnels, l’avion sera inapte au combat.

Les capacités de combat initiales pour le Corps de Marine Variant seront encore plus limitées que prévu

Le programme JSF avait révisé son planning d’essais, mettant même de côté certains tests en vol sur l’Air Force F-35A, afin de respecter la date de fin 2015, demandée par le Corps des Marines, pour valider le Bloc 2B du système avionique. La DOT & E a constaté que le Bloc 2B compte 1 151 rapports de carences ouvertes, y compris 151 qui étaient mission critique avec aucune solution acceptable de contournement, 572 qui affectent sérieusement les capacités du Bloc 2B et 579 reportées pour un examen correctif dans le Bloc 3. Ces lacunes critiques rendent totalement irréaliste la validation de la COI du Marine Corps.

Du fait que ce Bloc 2B est le premier bloc à avoir des capacité de combat, cette COI, quand elle sera validée – si elle l’est – n’aura pas «… les performances opérationnelles pertinentes» requises pour la capacité au combat, selon le rapport du DOT & E. Ces capacités et leurs essais en vol sont dorénavant reportés à plus tard avec les Blocs 3I et 3F, qui introduisent un ordinateur tout nouveau, mais n’aura pas une pleine capacité opérationnelle (FOC). Le premier système de FOC (complètement opérationnel) sera le Bloc 4, actuellement prévu pour être déclaré pleinement capable en 2022, en supposant qu’aucun glissement de calendrier n’intervienne en sept ans.

Le plan du Corps des Marines prétendant disposer d’une capacité opérationnelle initiale (COI) à la fin de cette année est une mascarade.

Défaillances du logiciel ALIS

Le logiciel du F-35 comprend plus de 30 millions de lignes de code de programmation informatique, entre ses diverses versions, dans son Système d’information logistique automatique basé au sol (ALIS), système de données et de la logistique de combat ordinateur. Pour mettre cela en perspective, le GAO (Cour des comptes US) a témoigné en 2012 que la quantité de code embarqué dans l’avion était environ trois fois supérieure que sur le F-22A et six fois plus que sur le F-18E / F Super Hornet. DOT & E a fait remarquer que le développement et les tests de cette quantité sans précédent de code fera apparaître des défaillances de performance significatives, entraînant des glissements de calendrier. Ces défaillances concernent des inexactitudes de navigation du système, des instabilités qui retardent les tests de précision des armes, des échecs dans la collecte par le logiciel des données en provenance de capteurs multiples qui créent de fausses alarmes et des fausses pistes sur les cibles, et une telle croissance de la taille et du poids du système multi-ordinateur ALIS que cela l’empêche d’être installé sur le F-35. La taille et le poids de ALIS sont si importants qu’ils nécessitent la conception et le développement d’un nouvel ensemble d’ordinateurs ALIS plus miniaturisé, ce qui nécessitera une toute nouvelle série de tests de validation.

En outre, le logiciel ALIS aggrave les problèmes de fiabilité et de maintenabilité du F-35. DOT & E conclut: «ALIS est encore lourd à utiliser et inefficace. Il nécessite l’utilisation de solutions de contournement pour les carences en attente de corrections.» Le solutions de contournement mentionnées dans le rapport incluent d’avoir à saisir manuellement les informations sur les consommables, comme l’utilisation d’huile, et la présentation fréquente de demandes de soutien formels à Lockheed Martin parce que «la fonctionnalité de dépannage est imparfaite». La capacité de diagnostic de ALIS, la gestion des erreurs et des anomalies du système, ont «démontré de faibles taux de détection, une faible précision, et les taux de fausses alarmes élevées». Pour compenser, «les opérations de mise en service sur le terrain ont dû compter sur des solutions de rechange manuelles, telles que des tests intégrés pratiqués par le responsable de la maintenance, des inspections planifiées supplémentaires et une dépendance au personnel de l’entrepreneur».

Comme l’avion lui-même, sa composante logicielle de soutien essentiel, ALIS, n’est pas prête pour l’emploi opérationnel.

Mandy Smithberger

À suivre Pas prêt pour le Prime Time : La Saga du F35 pour les nuls [3/3]

 

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

   Envoyer l'article en PDF