Options pour demain…


… un vrai New Deal et un  Jubilé de la dette ou un Green New Deal et une dictature globalisée ?


Par Matthew Ehret − Le 21 avril 2020 − Source Strategic Culture

Ehert03-175x230Aussi effrayant que cela soit pour certains, même à ce stade du jeu, le système financier actuel se trouve en équilibre instable au bord d’une crise au-delà de tout ce qui a été enregistré dans l’histoire de l’humanité. Normalement, un tel effondrement systémique engendrerait une panique et des turbulences telles que les masses de sujets complaisants seraient incitées à agir pour la défense de leurs familles et de leurs nations, mais dans les circonstances actuelles, la pandémie du coronavirus a fait en sorte qu’aucun mouvement de masse ou combat politique ne puisse prendre forme.

Comme je l’ai écrit dans un éditorial du 27 février, “Pourquoi l’effondrement économique à venir ne sera pas provoqué par le coronavirus”, l’inéluctabilité de l’effondrement est bien connue de tous les principaux banquiers centraux, et des hauts fonctionnaires «en mesure de savoir» depuis très longtemps. Ce fait était connu avant le début de la nouvelle vague de renflouement d’urgence commencée en septembre 2019, de 50 milliards de dollars par nuit pour les prêts repo au jour le jour. Il était même connu avant que le sauvetage des banques ne soit mis en place en 2008-2009, pour reporter l’effondrement du système sous la menace de la loi martiale. Il était connu avant l’abrogation du Glass-Steagall en 1999 et la déréglementation des dérivés de gré à gré en 2001. Disons simplement que cela fait partie d’un plan très moche depuis très longtemps.

Mais ne vous y trompez pas, vous n’aviez pas besoin d’être un banquier «haut placé» ou un spécialiste de l’ingénierie sociale technocratique pour savoir que cet effondrement allait se produire. Aucune boule de cristal n’a jamais été nécessaire.

Tout ce qu’une personne qui pense devait faire était d’évaluer les fondements observables de l’ordre financier post-1971 [fin de l’étalon-or] et de regarder avec un œil impartial l’effondrement régulier de la plateforme économique physique [agriculture, industrie, commerce, infrastructures de transport, etc.] qui soutient la vie, tout en prenant note de l’augmentation hyperbolique paradoxale des actifs monétaires, et des opérations spéculatives dans le système, d’année en année, suite au moment où la «déréglementation» a été inaugurée, jetant à la poubelle le paradigme post-Seconde Guerre mondiale de la croissance industrielle de l’économie.

L’externalisation de la production des biens manufacturés, la détérioration et le non renouvellement des infrastructures, la privatisation des biens publics et la perte du monopole de la fabrication des machines-outils ont simplement entraîné l’accumulation de la richesse entre les mains d’une petite élite, et le retrait aux États-nations de la souveraineté économique dont ils jouissaient auparavant.

Là où la croissance monétaire était liée à la croissance mesurable des variables économiques physiques sous-jacentes mentionnées ci-dessus, l’ordre mondial d’après 1971 a exigé que l’origine de la croissance réside dans des dettes de plus en plus dissociées de la réalité. Au lieu de se justifier par la croissance des infrastructures et l’amélioration des capacités productives du travail, les dettes ont été liées à de simples activités spéculatives mettant en place une bombe à retardement sous la forme d’une nouvelle économie de bulles.

Qu’elles soient artificiellement provoquées ou laissées à elles-mêmes, les bulles par leur nature éclatent toujours.

L’effondrement des bulles transatlantiques n’ayant pas encore eu lieu, nous avons encore le choix avant le chaos annoncé.

L’hyperinflation pour les nuls : comment “ne pas” gérer une économie

Soit nous pouvons briser les banques avec un Glass-Steagall Act comme en 1933  [incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement] ressorti de son placard, et une réorganisation totale par la banqueroute, c’est à dire un effacement de toutes les dettes – un Jubilé, soit nous pouvons injecter encore plus d’argent dans les banques zombies afin d’accélérer l’hyperinflation et la venue du fascisme selon le modèle allemand de 1923.

Malheureusement, jusqu’à présent, le script du scénario a été publié en 1923.

En réponse à l’effondrement, et dans la précipitation de la pandémie Covid-19 comme justification pour la mise à l’arrêt de  l’économie mondiale, la Réserve fédérale de New-York a été convertie en fonds de couverture géant conçu pour acheter des milliards de dollars de dettes pourries des banques privées amenant son bilan à la hauteur de 6 130 milliards de dollars au 13 avril. Cela représente une augmentation de 42% de son bilan en seulement un mois par rapport aux 4 310 milliards du 11 mars. La plupart de ces actifs prennent la forme de véhicules d’achat spéciaux autorisés à acheter plus de 4 500 milliards de dollars de dettes toxiques, sous la supervision secrète de Blackrock, ainsi que des tranches d’obligations de prêts garanties (CLO), qui sont des dérivés à effet de levier très toxiques liés aux dettes pourries des entreprises, au niveau de 2 200 milliards de dollars.

Ancien banquier et auteur de Planet Ponzi, Mitchell Feierstein a écrit un éditorial sur Russia Today, le 10 avril qui résumait la question très succinctement :

La Fed socialise les investissements des fonds spéculatifs qui ont mal tourné, mettant les contribuables en danger.

Contrairement aux trop nombreux analystes qui préfèrent se contenter de commentaires sur la crise, Feierstein enfonce heureusement le clou dans le crâne en se concentrant sur la question conceptuelle des bons ou mauvais standards de la valeur des dettes. Toute dette est-elle mauvaise ? Bien sûr que non. Si un agriculteur souhaite contracter une dette pour acheter un tracteur plus puissant qui améliorera sa productivité, la dette s’éteindra avec le temps. Si un héroïnomane souhaite contracter une dette pour nourrir sa dépendance, cette dette sera évidemment destructrice.

Dans cet esprit, Feierstein déclare :

La dette n’est jamais une mauvaise chose si elle est utilisée pour créer une croissance organique [dans l’économie réelle des biens et services], ou financer des infrastructures qui engendrent des opportunités et des emplois. La dette est dangereuse lorsqu’elle est utilisée pour développer des armes financière grotesques de destruction massive par la création de produits dérivés synthétiques qui utilisent un effet de levier de 1 à 300, voir plus, ce qui signifie qu’un million de dollars peut être à l’origine de la création de 300 millions de dollars d’actifs financiers.

Le système de produits dérivés et de l’effet de levier auquel fait référence Feierstein a maintenant atteint des niveaux qui s’élèvent “officiellement” à 700 000 milliards de dollars, mais qui, selon la plupart des économistes experts, s’élèvent quasiment au double à $1,5 quadrillion 1 de capital fictif. Le PIB annuel mondial ne dépasse pas 80 000 milliards de dollars. C’est la bulle qui menace de déchirer les nations du monde maintenant.

L’importance d’un jubilé des dettes

Feierstein est rejoint par une vague de voix ibéro-américaines qui ont bruyamment commencé à exiger un jubilé des dettes face à l’effondrement imminent. Fondé par des dirigeants latino-américains, dont l’actuel président argentin Alberto Fernandez en juillet 2019, le groupe Pueblo a maintenant lancé un appel pour une annulation totale des dettes irrécupérables auprès du FMI et de la Banque mondiale qui ont tenu l’Amérique latine en otage pendant des décennies sous le poids des conditions associées aux prêts et de l’usure. Après une conférence téléphonique de 3 heures entre ses 40 membres, le groupe a publié une déclaration disant que :

«les priorités du modèle mondial [existant] ont conduit à l’abandon des politiques sociales, en particulier celles liées aux systèmes de santé» et que «la santé, la recherche, et l’ordre public ne peuvent être subordonnés aux intérêts du marché.»

Les autres fondateurs du groupe Pueblo sont les anciens présidents Fernando Lugo (Paraguay), Rafael Correa (Équateur), Dilma Rousseff (Brésil) et d’anciens ministres, diplomates et sénateurs.

Cela concorde avec l’appel lancé le 20 mars par le Centre latino-américain de géopolitique (CELAG) pour soutenir un nouveau système multipolaire et l’annulation de toutes les dettes ibéro-américaines usuraires. Un directeur du CELAG nommé Alfredo Serrano a écrit :

«Après le tsunami», espérons-le, «une sorte de New Deal, un nouveau contrat social et économique émergera, dans lequel la santé et d’autres droits fondamentaux seront au cœur de l’économie et que l’économie financière sera au service de l’économie réelle et non l’inverse.»

Sans aller aussi loin que le groupe Pueblo ou le CELAG, le président mexicain Lopez Obrador a fait la une des journaux le 8 avril en affirmant que la crise nécessitera un nouveau système et que ce système doit être basé sur le rejet total du néolibéralisme. Dans son discours, Obrador a déclaré :

«… le modèle néolibéral s’effondre. Voilà ce qui se passe, le coronavirus a précipité la chute d’un modèle défaillant… Comment est-il possible que la pandémie ait un effet aussi énorme, économiquement et socialement ?… Entre autres choses, l’investissement social a été stoppé ; les soins de santé ont été privatisés. Il y a aujourd’hui des pays qui n’ont pas de services publics pour la population. Ce sont eux les plus touchés.»

Bien qu’il n’ait pas déclaré explicitement qu’une annulation de la dette était nécessaire, Obrador a appelé à une solution du type New Deal à la crise en demandant :

“Qu’a fait le président Roosevelt dans une situation comme celle-ci ? Il a réactivé l’économie grâce à l’investissement, à l’emploi pour tous, à un salaire minimum pour tout le monde, en particulier les jeunes. Il a réactivé les travaux publics. C’est ainsi qu’il a relevé les États-Unis et rendu la tranquillité et le bonheur à son peuple… Alors, pourquoi ne pas faire la même chose aujourd’hui ?”

Un vrai New Deal pas un Green New Deal

Comme je l’ai écrit dans mon précédent article Comment écraser la dictature des banquiers : une leçon de 1933, le New Deal de Franklin Roosevelt n’avait rien à voir avec le Green New Deal, que de nombreux grands banquiers centraux ont promu en remplacement de l’ordre néolibéral agonisant. Lorsque Sir Michael Bloomberg – oui, il a été fait chevalier de l’Empire britannique en 2014 – ou Mark Carney de la Banque d’Angleterre, ou un autre technocrate malthusien appellent à un Global Green New Deal, il est important de reconnaître qu’il s’agit d’un piège et n’a du New Deal original que le nom. Ce fait n’étant pas encore largement connu, il convient de dire quelques mots à ce sujet.

Les taxes sur le carbone, les systèmes de plafonnement et d’échange, les biocarburants – en brûlant les denrées alimentaires – ou les éoliennes et les infrastructures d’énergie solaire inefficaces peuvent créer un pic momentané d’emplois qui satisferait les économistes keynésiens qui pensent que le progrès économique provient du pouvoir d’achat individuel “du bas vers le haut”, mais l’effet à plus long terme sera à l’opposé de celui atteint lors du New Deal des années 30 et n’apportera en rien les remèdes nécessaires pour soutenir près de 8 milliards de personnes aujourd’hui.

Plutôt que d’augmenter l’activité industrielle, les infrastructures à grande échelle et, en fin de compte, de maintenir les filets de sécurité sociale comme F.D. Roosevelt l’a fait, le Green New Deal supprimera la capacité des nations à produire pour elles-mêmes, à soutenir leurs citoyens ou même à maintenir la population mondiale aux niveaux actuels. L’auteur de cet article a développé ces thèmes dans une conférence de 2014 intitulée «La fraude impériale de l’entropie» présentée dans la vidéo ci-dessous. Aussi terrible qu’elle soit, la dépopulation est considérée comme une «nécessité utilitaire» par certains ingénieurs sociaux malthusiens oligarchiques qui tentent de gérer l’humanité par en haut comme un système.

Le véritable New Deal, comme le désire le président mexicain Obrador, ou comme l’exigent la Chine, la Russie et d’autres nations favorables aux Routes de la soiel’initiative BRI – doit être à la fois anti-malthusien et anti-néolibéral. Il doit être basé sur des activités qui améliorent la vie humaine, à la fois quantitativement et qualitativement, à tous les niveaux : matériel, intellectuel et spirituel. Les projets d’infrastructure à long terme financés par des prêts à faible taux d’intérêt, sans conditions associées, ont fait fonctionner le New Deal original et auraient mis fin au colonialisme si FDR n’était pas mort prématurément, quelques mois après le début de son quatrième mandat, dans des conditions telles que Staline a déclaré, dans une interview avec le fils de FDR Elliot, qu’il avait été empoisonné par le «gang de Churchill».

Ces principes ont fonctionné à l’époque, et ils continuent de fonctionner aujourd’hui, comme la Chine et 135 pays, travaillant ensemble dans le cadre du projet des Nouvelles Routes de la Soie, l’ont magnifiquement démontré.

Cette croissance de l’humanité en tant qu’espèce faite à l’image d’un Créateur est ce que les technocrates malthusiens détestent et craignent le plus, et c’est pourquoi l’engagement Trump-Poutine-Xi dans la défense contre les astéroïdes, l’exploitation lunaire et martienne, la coopération dans l’exploration spatiale en général, est si nécessaire pour alimenter les discussions ouvertes et anti-malthusienne sur un véritable New Deal mondial qui doit régir la transition de l’ère de la mondialisation et de l’empire parasitaire vers un nouvel âge multipolaire de coopération et de raison créative.

Note du Saker Francophone

Dans ce contexte, il faut saluer les efforts du président Poutine pour remettre au goût du jour les recherches sur la fusion nucléaire [énergie à partir de l'hydrogène] qui ont connu un engouement dans les années 1970-80, et sont maintenant quasiment au point mort faute de financements, le Big Oil préférant probablement protéger ses rentes ou d'autres se garder le monopole du développement.

Après avoir stigmatisé le comportement malthusien des occidentaux,sur ce dossier, Poutine a regretté le frein mis au développement de cette source d'énergie pratiquement inépuisable, et annoncé un investissement important de son pays dans cette voie de recherche.

Matthews Ehret

Traduit par jj, relu par Marcel pour le Saker Francophone

Notes

  1. Allez voir vous-mêmes sur le lien car, pour paraphraser Pascal, “le silence éternel de ces montants infinis m’effraie”, NdT
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1 réflexion sur « Options pour demain… »

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