Macédoine : l’échec cuisant de Soros


Le parti au pouvoir est en voie de gagner contre les mercenaires occidentaux. Pour la première fois, une révolution de couleur échoue. Voici pourquoi et comment

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2 décembre 2016 – Bank Arena, Cincinnati, Ohio –

Trump promet de mettre un terme à la politique de «changements de régimes» dans le reste du monde.

andrew-korybkoPar Andrew Korybko – Le 24 novembre 2016 – Source Oriental Review

Nous publions la source anglaise exclusive de l’interview donnée par l’analyste politique américain Andrew Korybko à l’agence macédonienne NetPress. Il parle des prochaines élections parlementaires anticipées qui auront lieu en Macédoine le 11 décembre 2016 et seront probablement remportées par le parti VMRO de Nikola Gruevski, marquant ainsi la défaite effective et la démoralisation des agents globalistes dans les Balkans et des implications géo-économiques du nouveau paysage politique dans la région.


NetPress : 

– Moins d’un mois avant les prochaines élections législatives en Macédoine, les sondages indiquent une victoire claire pour le parti au pouvoir du VMRO-DPMNE dirigé par Nikola Gruevski. Cela représente un échec majeur pour les éléments occidentaux et leurs ONG/médias qui, au cours des deux dernières années, ont tenté de renverser le gouvernement macédonien démocratiquement élu, avec une opposition menée par le SDSM de Zoran Zaev. Cela en utilisant la méthode des révolutions de couleur, radiodiffusion publique de conversations illégalement espionnées, violentes manifestations d’opposition, attentats terroristes, engagement de poursuites judiciaires dites «spéciales», fabrication de faux scandales avec des électeurs fantômes et des identités falsifiées, etc. Que pouvons-nous attendre de la Macédoine avant les élections du 11 décembre ?

Andrew Korybko :

– Il est clair que le peuple va donner au VMRO une victoire retentissante, mais les électeurs ont encore besoin d’aller aux urnes afin de rendre ce succès le plus grand possible et donner à Gruevski le mandat incontestable dont il aura besoin pour régenter un pays post-crise. Tous les sondages indiquent que ce sera le cas, mais les gens ne doivent pas devenir apathiques et supposer que ce sera un tsunami juste parce que tout le monde est censé aller voter, et au lieu de cela, rester à la maison. Tout le monde a besoin d’aller aux urnes et de faire de cette élection la plus grande réussite du mouvement patriotique de contre-révolution de couleur. Si VMRO peut obtenir une majorité écrasante des voix, le reste du monde verra une fois pour toutes que les gens ont parlé et démocratiquement exprimé leur soutien au gouvernement légitime et rejeté la révolution de couleur orchestrée par l’Occident.

Nikola Gruevski

Nikola Gruevski

À l’approche du vote, il y a des signes clairs que des efforts ont été faits par SDSM pour unir l’opposition en un bloc solide, mais cela a échoué parce que personne ne fait vraiment confiance à Zaev. Si un homme peut trahir le pays tout entier en devenant la figure de proue d’une opération occidentale de changement de régime, alors il va certainement se vendre à l’un de ses alliés politiques si on lui donne l’occasion de le faire. La plupart des membres de l’opposition patriotique reconnaissent cela et ne veulent donc pas contaminer leur capital politique, c’est pourquoi l’effort a été jusqu’à présent un échec. De même, l’égarement de Zaev auprès des électeurs albanais a été un échec. La démographie rend ces derniers conscients qu’ils sont exploités et, bien que certains en soient flattés, bon nombre d’entre eux ne veulent pas participer à ces jeux politiques internationaux dont ils savent qu’ils n’ont pas vraiment leurs intérêts à cœur.

Dans l’ensemble, il n’y a aucune raison de remettre en cause que VMRO et Gruevski se dirigent vers une victoire historique dans cette élection. Si cela se produit comme prévu, les Macédoniens peuvent espérer une nouvelle ère de stabilité et de prospérité, leur pays travaillant de manière équilibrée avec l’Ouest et l’Est (Russie, Chine, BRICS) afin de maximiser sa position géostratégique en tant que principale porte d’entrée pour les infrastructures vers l’Europe. La Russie va de l’avant avec le gazoduc Balkan Stream, alors que la Chine progresse sur le système ferroviaire à grande vitesse de la Route de la soie des Balkans qui reliera finalement Budapest au Pirée, en Grèce. Les investissements de l’Ouest, bien que probablement affectés dans une certaine mesure par la fabrication de la crise politique, n’ont pas fui le pays comme ils l’auraient ordinairement fait dans de nombreux autres cas. Les hommes d’affaires comprennent que la Macédoine est en croissance et représente un endroit attrayant pour s’installer en raison de son endroit irremplaçable au croisement civilisationnel de l’Afrique et de l’Eurasie.

Tout cela est en effet possible, pour autant que les États-Unis oublient leurs habitudes récentes de déstabilisation de la République de Macédoine. Washington et ses conspirateurs ont déjà été battus deux fois – quelque chose qu’aucun autre pays n’a réussi à faire – et se dirigent vers une troisième défaite lors des élections de décembre. Le comportement des États-Unis pendant cette période sera subordonné à la façon dont l’État profond – l’armée, les renseignements et les bureaucraties diplomatiques – décide de réagir. Les États-Unis subissent l’avènement d’un changement de régime progressif, le plus radical qu’il aient jamais connu dans leur histoire, avec le gouvernement d’Obama cédant la place au président élu Trump. Il reste à voir si le calcul coût-avantage, déterminé subjectivement par l’État profond, penchera en faveur d’une déstabilisation asymétrique.

Un argument raisonnablement confiant peut porter à penser que ce ne sera pas le cas.

Recommencer une autre vague d’échecs de révolutions de couleur serait une perte de temps, d’argent et de ressources si Trump décide simplement de l’arrêter une fois qu’il sera en fonction. D’un autre côté, Obama et ses partisans néoconservateurs de l’État profond pourraient conspirer, par rancune, pour saboter la nouvelle présidence de Trump en le forçant à hériter d’un conflit. Même si tel est le cas, il ne semble pas probable que ce sera un succès, car il est évident pour tous les observateurs que le peuple macédonien a prouvé à maintes reprises que tous les complots concoctés par l’étranger contre sa souveraineté sont déterminés à échouer. Pour cette raison, les États-Unis n’accepteront probablement plus de poursuivre ce plan défaillant et tenteront de sauver la face en reconnaissant VMRO et la victoire imminente de Gruevski, espérant que cela leur permettra de regagner un peu du crédit qu’ils ont inutilement gaspillé au fil du temps.

Dans cette perspective, on peut certainement conclure que la faction parrainée par l’Ouest, ainsi que ses sponsors, a échoué dans les grandes largeurs en Macédoine. Quels sont les principaux facteurs qui, selon vous, ont aidé la Macédoine à faire face à ces crises parrainées par l’étranger, qui peuvent servir d’exemple pour d’autres pays qui luttent ou vont combattre ce genre de crises ?

Les Macédoniens ont réussi à résister et à repousser la pression des États-Unis en matière de guerre hybride, car ils ont maîtrisé l’art de ce que j’appelle le cercle de résistance, qui est une innovation contre la révolution de couleur. Celle-ci doit absolument s’appliquer à tous les pays qui connaissent cette forme d’agression. Voici une illustration de ce concept, puis je vais expliquer ce que chaque partie de cela signifie dans la pratique :

mace011. Média

Les Macédoniens étaient déjà éduqués et conscients avant même la guerre hybride, ce qui peut être attribué à la prévalence des médias patriotiques dans le pays, à la fois traditionnels et alternatifs. Ils ont tenu le public informé des diverses machinations de changement de régime fourbies par les Américains à travers le monde avant que Washington ne vienne inévitablement victimiser leur patrie. Une fois que la déstabilisation a commencé, les médias ont tenu les gens informés de ce qui se passait réellement et des vastes intentions occultes, ce qui a eu pour effet de renforcer le sentiment patriotique, déjà fort, ressenti par la plupart des Macédoniens.

2. Patriotisme

Les patriotes macédoniens ont formé le noyau du mouvement de la contre-révolution de couleur. Ils ont été inspirés par les médias et par ce qu’ils ont vu se produire tout autour d’eux et ont informé leurs concitoyens de l’ampleur du complot. Ils savaient que ce n’était pas seulement une opération visant personnellement Gruevski, mais un plan de grande envergure qui affecte tous les Macédoniens par ses objectifs de changer la Constitution, de fédéraliser le pays et d’avancer ainsi un scénario dangereux et traître qui pourrait aboutir au démantèlement de l’État macédonien.

3. Organisation

Les patriotes ont utilisé la technologie de révolution de couleur inversée en appliquant certains modèles traditionnels d’organisation de foule à grande échelle grâce à leur emploi habile des médias sociaux et des ONG alliées. Cela a produit des manifestations attirant l’attention à l’appui du gouvernement et a culminé de façon spectaculaire dans les manifestations de mai 2015 qui ont infligé un coup mortel à la première révolution de couleur qui  a échoué. La manifestation extérieure du patriotisme du peuple macédonien et son soutien au gouvernement démocratiquement élu et légitime ont envoyé un puissant message, partout dans le monde, d’autant plus qu’il est venu après le rassemblement comparativement beaucoup plus limité de Zaev.

4. Réseaux internationaux

Les patriotes macédoniens ont mis en réseau des amis étrangers et des journalistes pour diffuser la vérité sur l’opération de changement de régime en cours dans leur pays, en s’appuyant notamment sur la puissante influence des médias russes, des experts et des think tanks pour soutenir leur résistance.

Cela a amplifié la lourde couverture des événements par les médias alternatifs  en mettant la pression sur les comploteurs et en exposant leurs liens avec les États-Unis et l’infâme Soros, discréditant ainsi le faux récit selon lequel il s’agissait d’un «soulèvement démocratique local» en le révélant comme une révolution de couleur menée par l’Occident, depuis l’origine.

À ce stade, la couverture médiatique internationale, l’analyse et les enquêtes sur les troubles ont été réintégrées dans les médias traditionnels et les médias alternatifs macédoniens pour la consommation intérieure, ce qui a alimenté le patriotisme et encouragé encore plus les manifestations de contre-révolution de couleur et les activités connexes.

donald_trump_august_19_2015_croppedIl est assez intéressant de voir le choc produit sur la cinquième colonne en Macédoine, après que Donald Trump a remporté les élections aux États-Unis, qui était tout à fait similaire à leur réaction lors du Brexit. Pourquoi y a-t-il un tel désespoir parmi les mercenaires occidentaux en Macédoine et qu’est-ce que la victoire de Trump signifie pour les crises parrainées par l’Occident et les révolutions de couleur ailleurs ?

 

La raison pour laquelle ils sont si bouleversés est qu’ils se rendent compte que l’élection de Trump annonce probablement un changement radical de la politique américaine dans certains secteurs opérationnels, notamment ce qui se rapporte à Soros et à ses révolutions de couleur.

L’équipe de campagne de Trump et les médias alternatifs associés, tels que Breitbart, ont souligné le rôle perturbateur que Soros a joué aux États-Unis, en dévoilant son soutien aux super PACs [collectes de fonds de campagne électorale, NdT] pro-Clinton, en finançant le groupe urbain extrémiste connu sous le nom de Black Lives Matter, et même indirectement sa connexion à certaines sociétés de vote électronique. En fait, l’un des aspects les moins discutés mais les plus importants de l’élection de Trump, est la façon dont elle affecte Soros et son réseau mondial, maintenant que le principal opposant au financier milliardaire des révolutions de couleur va occuper le Bureau ovale. Trump et sa base sont antipathiques à Soros de toutes les manières, encore plus aujourd’hui, en raison du rôle de la silhouette occulte dans l’organisation des émeutes nationales contre le président élu. Pour le dire franchement, Soros a déclaré la guerre à Trump, et l’on s’attend à ce que le président entrant se défende par tous les moyens, afin de sauvegarder sa présidence.

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Soros

On peut écrire beaucoup sur la dynamique de cette lutte et sur l’influence que Soros exerce dans l’establishment et sur ses universités, la culture pop, les médias et les élites sociales, mais expliquer tout cela exigerait beaucoup plus de temps et un panorama plus vaste que celui qui est actuellement disponible. La façon dont tout cela se rapporte aux Balkans, et plus précisément à la Macédoine, est assez simple, en fait. Soros, préoccupé par l’attaque de Trump, va probablement dépenser beaucoup moins de temps et d’énergie sur son champ de bataille traditionnel, surtout compte tenu qu’il a déjà échoué deux fois en essayant de renverser le gouvernement macédonien. De plus, Soros n’aura pas le soutien caché de la politique étrangère de la nouvelle administration Trump.

Rappelez-vous, Trump méprise Soros, et le sentiment est mutuel. Ils ne vont pas coopérer sur quoi que ce soit d’important, mais voici où les scénarios possibles deviennent assez intéressants. Trump et Soros veulent se détruire mutuellement, mais il est possible qu’ils puissent conclure un accord de cessez-le-feu en mettant de côté leurs différences et en se concentrant sur des domaines d’intérêt commun.

Ce que cela signifie dans la pratique, c’est que les éléments néo-conservateurs de l’État américain profond – l’armée, les renseignements et les bureaucraties diplomatiques – pourraient influencer Trump et son équipe jusqu’au point de lui faire apprécier l’utilité de la politique étrangère secrète du réseau mondial Soros. Si cela se produit, et si Soros se met en retrait en raison de l’acharnement implacable de l’administration Trump, il est possible pour le président de parvenir à un accord avec l’architecte des révolutions de couleur. Accord par lequel Soros arrêterait ou diminuerait ses attaques anti-Trump en échange, pour le nouveau gouvernement américain, de pouvoir utiliser à nouveau ses services de changement de régime au niveau mondial. D’autre part, il est également possible que Trump défasse Soros et reprenne son organisation, en investissant du temps et des ressources pour le transformer d’un groupe d’extrême-gauche/hyper-libéral en quelque chose de plus aligné avec le conservatisme mondial et le Zeitgeist [air du temps, NdT] de droite afin de le rendre plus attrayant et efficace à notre époque. Il est encore trop tôt pour dire de quelle façon les choses peuvent se passer, mais ce sont des idées raisonnables à envisager, compte tenu de l’état actuel des choses.

Le but de tout cela est de souligner la séparation très réelle entre Soros et ses facilitateurs criminels armés du gouvernement. L’administration de Trump sera la première aux États-Unis qui n’appuiera pas aveuglément Soros dans toutes ses démarches et qui, ironiquement, fait de lui cette fois-ci le cerveau cible numéro un.

Ce conflit asymétrique primordial ne peut s’empêcher d’interférer avec les autres opérations de Soros dans le monde entier, ce qui, pour répondre à la partie principale de la question, explique pourquoi la cinquième colonne est si bouleversée par la victoire de Trump. Ils savent aussi que le président élu politiquement incorrect n’appuie pas leurs vues libérales postmodernes sauvages, telles que l’attaque des sociétés conservatrices par le truchement de l’homosexualité, et la déstabilisation de leurs systèmes de valeurs séculaires. Il est en effet possible que Trump puisse être convaincu par la CIA, et d’autres acteurs de l’État profond, de tolérer une modeste continuation de cette campagne dans certains États géostratégiques clés, mais vu que son échec est tellement spectaculaire en Macédoine, ce ne sera pas une priorité absolue pour lui comme c’était le cas pour Obama.

L’Iran, cependant, sera concerné. En effet, plusieurs voix de haut niveau autour de Trump, et quelques-unes des personnes dont il envisage la nomination à des positions cruciales dans son cabinet, ont ouvertement déclaré que les États-Unis doivent favoriser un changement de régime en République islamique. Les détails de cette question pourront être discutés à un autre moment. Il est juste important de savoir que les révolutions de couleur ne deviendront pas une arme désuète à cause de la guerre Trump-Soros et que tout le monde devrait toujours se rappeler que le président des États-Unis est encore le chef de file mondial des déstabilisations non conventionnelles. Les États-Unis veulent encore conserver et renforcer leur hégémonie, mais Trump et son équipe estiment que certains ajustements fondamentaux doivent être apportés au système afin qu’il devienne beaucoup plus efficace. La substance restera la même, mais le style va changer. J’ai exploré certains des détails se rapportant à cela dans mon article sur Sputnik intitulé Voici à quoi ressemblera la politique étrangère de Trump, et je souhaite la bienvenue à tous les lecteurs intéressés, qui voudront bien vérifier, afin d’avoir une vision plus complète sur la nature future du comportement de l’Amérique à l’étranger.

Cependant, je dois dire que personne ne devrait espérer que le règne de Trump annonce la retraite des États-Unis de l’étranger – il a été très clair dès le départ que son slogan est «l’Amérique d’abord» et, bien qu’opposé à certains programmes de politique étrangère d’Obama, il finira probablement par en conserver une partie, même s’il la modèle à son propre style. C’est un homme d’affaires pragmatique qui sait comment faire des affaires, c’est pourquoi les grandes puissances que sont la Russie et la Chine ont l’espoir, prudemment optimiste, de voir s’ouvrir une période – quoique brève – de Nouvelle Détente dans la Nouvelle Guerre froide. Mais ce n’est pas parce que Trump pourrait atténuer la pression des États-Unis sur l’un ou l’autre des ancrages eurasiens que cela signifie qu’il ne mettra pas en péril l’Iran, le Pakistan et peut-être d’autres cibles imprévues de la colère de Washington.

Des sources diplomatiques en Grèce ont informé les médias de ce pays que la mise en œuvre du gazoduc Turkish Stream avançait maintenant plus vite que prévu et que la construction commencerait cette année pour se terminer en 2019. Certaines informations indiquent que Gazprom et la Commission européenne s’approchent maintenant d’un accord. Que disent vos informations ?

Je n’ai pas d’informations exclusives sur ce projet, mais mon analyse de ces progrès est que les choses se déroulaient assez bien depuis le rapprochement russo-turc qui a changé la donne au cours de l’été, ce qui, pour le rappeler à tout le monde, était la raison pour laquelle les États-Unis se sont empressés d’organiser maladroitement une tentative de coup d’État contre le président Erdogan. J’ai discuté des détails de cela plus en profondeur dans un article publié sur le réseau des Saker intitulé Réévaluer les raisons pour lesquelles la tentative de coup turc a échoué. J’évoque la tentative de coup d’État pro-américain qui a échoué en Turquie parce qu’elle est née de la motivation de revenir sur les acquis stratégiques que la Russie et la Turquie étaient prêtes à négocier, dont l’un est évidemment le gazoduc Balkan Stream.

Avec l’adhésion d’Ankara à ce méga-projet russe, le seul autre acteur qui reste à convaincre est l’UE, qui – indépendamment de sa rhétorique imposée par les États-Unis et politiquement motivée – a désespérément besoin d’obtenir des sources d’énergie fiables à l’avenir. Il est plus que probable qu’un accord finisse par se conclure avec la Russie, au moment où la première partie du pipeline sera terminée. Le régime anti-russe des sanctions a été fissuré cette année et de nombreux pays d’Europe de l’Est veulent alléger les restrictions et travailler avec leurs partenaires russes afin de lancer des projets créatifs qui seraient mutuellement bénéfiques. Tôt ou tard, l’UE va probablement céder à son désir naturel et intéressé de rétablir les relations avec la Russie et de conclure un accord pour le Balkan Stream. L’obstacle majeur à cela restera toutefois le Troisième paquet énergétique de l’UE, que la Bulgarie a retenu comme excuse il y a deux ans, en prétendant pathétiquement qu’elle ne faisait que respecter la loi et qu’elle n’était soumise à aucune pression américaine pour saboter le South Stream.

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Cette réglementation dogmatique de l’UE décide qu’une entreprise ne peut posséder le pipeline et le gaz qui transite par celui-ci. Gazprom a soutenu que cette loi est entrée en vigueur après la conclusion des négociations sur le projet et devrait donc être exemptée de ses restrictions, mais l’UE ne l’a pas accepté et a déclaré que la société russe doit respecter les règles [même rétroactivement, NdT].

Étant donné que la Bulgarie était censée être le point terminal du projet et le premier pays de l’UE à travers lequel South Stream devait passer, elle a pris le rôle d’avant-garde pour arrêter le pipeline et a ainsi sacrifié des milliards de dollars en revenus de transit. Le même problème pourrait se répéter de façon prévisible avec la Grèce, mais je pense que la Russie prépare un ensemble de solutions possibles pour y faire face. La plus réaliste serait de s’associer avec des sociétés de confiance et de posséder conjointement l’ensemble du pipeline ou chaque section nationale qu’il est censé traverser, même si Gazprom obtient 49 % et son allié 51 % du contrôle.

Puisque le gazoduc Balkan Stream passera par plusieurs pays, il est plus réaliste que chaque étape soit détenue conjointement par un partenaire national différent. Par exemple, il pourrait s’agir du DEPA en Grèce, tout comme de Botas pour la Turquie. Le modèle de collaboration avec les entreprises partenaires individuelles dans chaque État de transit pourrait être reproduit tout au long du trajet prévu, mais le risque est que des différends inattendus avec l’un ou l’autre partenaire peuvent conduire à des perturbations en aval, si un acteur national décidait de se «la jouer à l’ukrainienne», bien qu’il n’y ait rien en ce moment pour suggérer qu’un tel scénario se produira. De même, une dépendance excessive vis-à-vis d’une ou de deux grandes entreprises régionales qui pourraient exploiter conjointement la ligne entière avec la Russie, pourrait créer une situation dans laquelle ladite entreprise se sentirait trop puissante et essaierait de mettre un jour la Russie de côté – de sa propre initiative ou sous la pression de les États-Unis. Par conséquent, avoir des parties prenantes multiples tout au long de la route pourrait, paradoxalement, être une alternative beaucoup plus stable, car cela signifie que tout le monde mettrait la pression sur l’acteur perturbateur, dans le cas où il la jouerait voyou pour faire monter les enchères géostratégiques au bénéfice des États-Unis.

Ce dont nous devons nous occuper est la diplomatie des affaires, qui commencera inévitablement dans le futur, et la gérer au mieux de nos capacités afin de bien comprendre les aspects techniques et administratifs du Balkan Stream. Gazprom cherchera évidemment à conclure des accords avec ses partenaires afin de contourner le Troisième paquet énergétique, mais connaissant le géant russe, il tiendra probablement beaucoup de ces accords secrets, afin de garder les détails sous enveloppe pour rendre plus difficile la compréhension de ce qui se passe réellement. C’est pourquoi il est si utile d’utiliser des modèles tels que la copropriété, que je viens d’expliquer, afin d’avoir un cadre initial pour tester les hypothèses et voir à quel point elles sont en corrélation avec la réalité telle qu’elle se présente. Je n’ai aucune idée du calendrier de ces négociations, mais il est sûr que celles avec la Grèce seront définitivement conclues au moment où la première partie du pipeline sera achevée avec la Turquie, et la Russie pourrait aussi, à ce moment-là, conclure des accords avec la Macédoine, la Serbie et la Hongrie, afin de se déplacer aussi rapidement que possible, en associant l’expansion logique vers le nord du Balkan Stream avec le projet ferroviaire à grande vitesse de la Route de la soie des Balkans promu par la Chine.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Spoutnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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