La Chine va se joindre à l’action militaire de la Russie en Syrie. Alors que l’Irak pactise avec Moscou et Téhéran pour partager les renseignements
Par Tyler Durden – Le 27 septembre 2015 – Source zerohedge
Jeudi dernier, nous nous sommes demandés si la Chine était en passe de rejoindre la Russie et l’Iran dans le soutien au régime Assad en Syrie.
Notre intérêt a été ravivé lorsque le pro-Assad Al-Masdar (citant un officier supérieur anonyme), a dit que «le personnel et les moyens aériens» chinois arriveront dans quelques semaines. Pour les non-initiés, cela peut sembler étrange et sorti, pour ainsi dire, de nulle part. Mais toute personne qui a suivi le conflit et qui en sait un peu plus sur l’équilibre du pouvoir mondial est consciente que Pékin a depuis un certain temps exprimé son soutien à Damas, notamment en mettant son veto, avec la Russie, à une résolution du Conseil de sécurité qui aurait vu le conflit en Syrie finir à La Haye [au Tribunal pénal international, NdT]. Voici ce que la Chine avait à dire à la réunion du 22 mai 2014 :
Depuis quelque temps déjà, le Conseil de sécurité a maintenu l'unité et la coordination sur la question de la Syrie, grâce aux efforts des membres du Conseil, dont la Chine, pour accueillir les principales préoccupations de toutes les parties. À une époque où existent des vues sérieusement divergentes entre les parties concernant le projet de résolution, nous pensons que le Conseil devrait continuer à tenir des consultations, plutôt que de forcer un vote sur le projet de résolution, afin d'éviter de nuire à l'unité du Conseil ou d'entraver la coordination et la coopération sur les questions comme la Syrie et d'autres graves problèmes majeurs. Malheureusement, l'approche de la Chine n'a pas été prise en compt; la Chine a donc voté contre le projet de résolution.
En d’autres termes, la Chine pourrait voir l’écriture sur le mur [l’avenir, NdT] et, comme la Russie, n’a pas été satisfaite de la tournure que prenait la chose. Un peu plus d’un an après, Moscou a effectivement mis un terme à la stratégie d’utilisation de groupes extrémistes sunnites pour déstabiliser Assad et, étant donné ce que nous savons des efforts de Pékin pour projeter la puissance militaire croissante de la Chine, il ne serait pas exactement surprenant de voir l’APL [Armée populaire de libération] se présenter à Lattaquié aussi.
Effectivement, les médias russes affirment maintenant que selon le sénateur russe Igor Morozov, Pékin a décidé de se joindre au combat. Voir La Pravda (en anglais) :
Selon le sénateur russe Igor Morozov, Pékin a pris la décision de participer à la lutte contre Daesh et a envoyé ses navires le long des côtes syriennes.
Igor Morozov, membre du Comité de la Fédération de Russie sur les affaires internationales a déclaré au sujet du début de l'opération militaire de la Chine contre les terroristes de Daesh. «Il est connu que la Chine a rejoint notre opération militaire en Syrie, le croiseur chinois est déjà entré dans la Méditerranée, le porte-avions suit.»
Selon lui, l'Iran pourrait bientôt rejoindre l'opération menée par la Russie contre les terroristes par l'intermédiaire du Hezbollah. Ainsi, la coalition de la Russie dans la région s'enracine, et l'action la plus raisonnable pour les États-Unis serait de la rejoindre. Bien que les positions de Moscou et Washington sur les moyens de régler le conflit syrien diffèrent, on peut néanmoins constater l'évidence de la faible efficacité de la coalition américaine contre les terroristes. Les islamistes ont simplement renforcé leurs positions.
Comme Leonid Krutakov l'a dit à Pravda.ru dans une interview, le conflit le plus grave se déroule actuellement entre la Chine et les États-Unis. Moscou peut soutenir n'importe quel parti, estime l'expert, et cela va changer l'ordre du monde pendant de nombreuses années.
De toute évidence, il faut considérer la source ici, mais comme noté ci-dessus, si Pékin est en effet décidé à entrer dans la mêlée, il serait tout à fait conforme à la position de la Chine sur la Syrie et aussi au désir de l’APL de jouer un rôle plus affirmé dans les affaires internationales .
En attendant, il semble maintenant que la même connexion Iran-Russie qui joue les gêneurs en Syrie se met également à prendre en charge la lutte contre ISIS en Irak, car Bagdad a conclu un accord pour partager officiellement les renseignements avec Moscou et Téhéran. Selon CNN :
L'Irak affirme qu'il a conclu un accord d'échange de renseignements avec la Russie, l'Iran et la Syrie dans la lutte contre les militants d'ISIS.
L'annonce, samedi, de l'armée irakienne a cité «la préoccupation croissante de la Russie concernant les milliers de terroristes russes qui commettent des actes criminels dans ISIS».
Les nouvelles viennent au milieu des préoccupations des États-Unis au sujet de la récente accumulation de forces et de matériel militaire russes en Syrie et semblent confirmer les soupçons américains d'une sorte de coopération entre Bagdad et Moscou.
Nous serions négligents si nous manquions de noter l’importance de ce fait. Le narratif US tout entier tombe en lambeaux, la Russie et l’Iran se bougent maintenant pour transformer l’effort occidental en demi-teinte pour contenir ISIS en un effort très sérieux pour éradiquer le groupe. Rappelons qu’il y a juste un peu plus d’une semaine, le commandant de la Force Qods Qassem Soleimani a essentiellement accusé les Etats-Unis de maintenir intentionnellement État islamique dans la région pour que le groupe puisse continuer à faire avancer l’ordre du jour géopolitique de Washington en servant d’élément déstabilisateur en Syrie. Selon le Pentagone, la visite de Soleimani en Russie (qui, vous vous en souvenez, a violé une interdiction de voyage de l’ONU et rendu furieux les adversaires de l’accord nucléaire avec l’Iran) était «très importante» en termes d’accélération du calendrier sur l’implication inévitable de la Russie en Syrie. C’est, bien sûr, Soleimani qui commande les milices chiites en Irak luttant contre ISIS. Maintenant, il semble que, en plus de la coopération en Syrie, il a réussi à obtenir aussi un partenariat Russie-Iran pour des opérations de Téhéran en Irak. Voici Fox News, le porte-voix des néocons US :
Les commandants militaires russes, syriens et iraniens ont mis en place une cellule de coordination à Bagdad ces derniers jours pour commencer à travailler avec les milices chiites soutenues par l'Iran qui combattent État islamique.
Les sources de renseignement occidentales disent que la cellule de coordination comprend des généraux russes de faible grade. Les responsables américains disent qu'il est difficile de savoir si le gouvernement irakien est impliqué pour le moment.
Décrivant l'arrivée du personnel militaire russe à Bagdad, un haut fonctionnaire américain a déclaré: «Ils éclosent un peu partout.»
Alors que les États-Unis se battent également contre État islamique, l'administration Obama a exprimé son inquiétude que la participation de la Russie, au moins en Syrie, pourrait avoir un effet déstabilisateur.
Moscou, cependant, a encouragé les liens entre les gouvernements de la Syrie et de l'Irak. En mai, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi est allé à Moscou en visite officielle pour discuter d'un éventuel transfert d'armes russes et du partage du renseignement, ainsi que du renforcement des capacités de sécurité et militaires, selon une déclaration faite, à ce moment-là, par le bureau du Premier ministre irakien.
Le Commandant de la Force Qods iranienne, Qassem Soleimani, a également été repéré à Bagdad le 22 septembre. Il a rencontré des milices chiites soutenues par l'Iran; les responsables du renseignement pensent qu'il a rencontré les Russes aussi.
Et voici ISW [Institute for the Study of War] :
Ce qui semble s’être passé ici est la chose suivante : Vladimir Poutine a exploité à la fois la lutte contre ISIS, et le besoin de l’Iran de préserver l’équilibre régional du pouvoir, pour renforcer son influence dans les affaires du Moyen-Orient, ce qui contribue à assurer que les intérêts de Gazprom seront protégés et peuvent aller de l’avant.
De par leur attitude maladroite, les États-Unis se sont mis en mauvaise posture en s’alliant secrètement avec divers groupes extrémistes sunnites, Washington est, quoi qu’il arrive, impuissant à arrêter Poutine, de peur que le public ne prenne soudain conscience du fait que la lutte contre la résurgence de la Russie et la volonté d’entraver l’expansion de l’Iran sont plus importants que la lutte contre la terreur.
En bref, Washington a entamé un dangereux jeu d’échecs géopolitique, a perdu, et fait maintenant face à deux issues plutôt désastreuses :
1) la Chine établit une présence dans le Moyen-Orient de concert avec la Russie et l’Iran
2) l’Irak cède effectivement devant la Force Qods et, finalement, devant l’armée russe.
Tyler Durden
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone