Les missiles lancés par l’Iran vers l’Irak au cours d’une frappe anti-terroriste portaient plusieurs messages importants


Andrew Korybko

Andrew Korybko

Par Andrew Korybko – le 25 septembre 2018 – source orientalreview.org

L’Iran a reconnu avoir procédé à une frappe de missiles contre des militants kurdes en Irak.

Cette frappe s’est produite il y a presque deux semaines, le 8 septembre, et s’était vue confirmée juste après par le corps des Gardiens de la révolution islamique (GRI), mais le général de division Mohammad Ali Jafari est revenu dessus jeudi dernier [le 20 septembre 2018, NdT], en faisant la remarque que « la revanche récente des GRI sur les terroristes porte un message lourd de sens aux ennemis, en particulier aux super-puissances pensant être en mesure de nous imposer leurs machinations diaboliques et de nous intimider ». Ces propos indiquent que Téhéran ne voulait pas uniquement décapiter le commandement des deux organisations militantes kurdes qu’elle considère comme terroristes pour leur participation aux attaques transfrontalières de ces dernières années, mais également signaler à ses adversaires que la République islamique est plus que capable de mener des attaques défensives de missiles sol-sol.

Quant à la première de ces intentions, il est clair que l’Iran considère l’hébergement au nord de l’Irak de groupes militants kurdes anti-gouvernementaux comme une menace pressante à sa sécurité, surtout dans le contexte d’aggravation de la situation économique du pays faisant suite à la réimposition de sanctions énergétiques par les USA dès novembre. L’Iran s’est donc senti obligé de lancer une action préventive contre ces organisations, sans leur laisser l’initiative de capitaliser encore plus sur les problèmes du pays, et possiblement d’aggraver la guerre hybride qui est menée contre lui pour le compte des USA et de leurs alliés. L’Iran sait qu’elle serait réduite en poussière si elle lançait une attaque conventionnelle contre n’importe lequel de ces derniers, mais espère que la démonstration de ses capacités militaires suffira à les dissuader, en apportant la preuve qu’elle est en mesure de leur infliger des dégâts significatifs si ce scénario devait se réaliser.

L’Iran frappe les kurdes en Irak

Cette dernière frappe de missiles portait donc une signification au sens des guerres conventionnelle et non conventionnelle, qui restent inséparables dans le contexte géostratégique dans lequel ces frappes s’inscrivent. L’Irak est au cœur d’une crise intérieure multi-facette, qui ne fait qu’empirer, qui porte à faux les réflexions « conventionnelles » sur ses lignes de fracture habituelles, et il est tout à fait envisageable que ce pays se transforme en « nouvelle Syrie » si ses nombreux problèmes ne trouvent pas de solution rapidement. Cette situation serait cauchemardesque pour l’Iran, les dynamiques d’instabilité pouvant se propager assez facilement entre les deux pays, ce qui explique pourquoi Téhéran a pris la décision d’une approche musclée face à ces menaces latentes à ce moment précis. Au risque de le répéter, la bonne lecture de cette frappe de missiles iranienne est plutôt une dissuasion qu’une agression.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 21 septembre 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

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