Par Moon of Alabama – Le 28 janvier 2023
Les fichiers Twitter continuent de confirmer nos vieux soupçons concernant l’influence néfaste anti-russe dans les médias grand public.
En critiquant les récentes fakenews, diffusées par le New York Times, sur les lettres piégées en Espagne j’affirmais :
Le New York Times, ainsi que les médias britanniques avec leurs affirmations tout aussi stupides sur l’affaire Skripal, peuvent être crédités d’avoir offert une couverture à la campagne de propagande anti-russe. Celle-ci a été déclenchée après qu’en 2014 la Russie a réintégré la Crimée et fait échouer les projets britanniques et américains de stationner leurs forces navales dans la mer d’Azov et la mer Noire.
Le Times et d’autres médias devraient être tenus responsables des conséquences mortelles que leurs reportages erronés et leurs mensonges ont provoquées.
Il y a six jours, le New York Times attribuait la paternité des lettres piégées en Espagne aux services secrets russes sur la base de déclarations de « responsables américains« . Hier, le juge d’instruction espagnol a réfuté ces affirmations :
Les preuves suggèrent que Gonzalez a agi seul, a écrit le juge. Il a déclaré que les actions présumées du suspect démontraient son intention d’altérer la paix publique et de donner l’impression qu’elles étaient le fait de personnes ayant des liens avec la Russie, en représailles au soutien apporté par l’Espagne et les États-Unis à l’Ukraine lors de l’invasion du pays par la Russie.
« Rien n’indique que la personne faisant l’objet de l’enquête appartient ou collabore avec une bande terroriste ou un groupe organisé« , précise le communiqué.
La campagne de lettres piégées, ainsi que les fausses affirmations du New York Times à leur sujet, faisaient toutes deux parties de la campagne publique anti-Russie.
Cette campagne, lancée en 2014, a été renforcée après l’élection de 2016, lorsque la candidate perdante, Hillary Clinton, a imputé sa défaite à « l’influence russe sur les élections » au lieu de sa propre inaptitude à occuper tout poste gouvernemental supérieur.
Rapidement, une horde d’instituts et de lobbies de « désinformation et de démystification » a vu le jour. Ils ont tous prétendu avoir une idée de la « campagne d’influence menée par la Russie » qui aurait été conçue pour tromper les électeurs américains. Le « Russiagate« , l’opération du MI6 à l’origine du dossier Steele et des faux récits qui l’entourent, a pris de l’ampleur. Des acteurs partisans du FBI et de la CIA se sont lancés dans l’amplification de cette affaire tout en sachant pertinemment qu’elle était absurde. Des médias irresponsables ont aspiré tout cela et l’ont propagé sans vérification des faits ni réflexion logique. Pour les soi-disant journalistes traditionnels, c’était un travail facile qui rapportait beaucoup d’argent.
L’une des organisations impliquées dans cette affaire est l’Alliance for Securing Democracy (ASD), qui fait partie du German Marshall Fund (qui, soit dit en passant, n’a pas grand-chose à voir avec l’Allemagne). Elle a créé le « Hamilton 68 Dashboard« , qui répertorie les hashtags les plus courants utilisés par quelque 600 comptes Twitter qui seraient des « robots russes« .
Sur la base de ce travail, les médias grand public ont produit des centaines d’histoires sur les hashtags tendances qui auraient favorisé l’influence russe.
Mais, comme je l’ai exposé en février 2018, ce n’était que du vent. Tout comme le « Russiagate« , ce n’était qu’une autre grande arnaque.
Comme je l’ai écrit à l’époque :
L’ » Alliance for Securing Democracy » est dirigée par des lobbyistes militaires, des larbins de la CIA et des propagandistes néoconservateurs. Sa prétendue tâche est :
… de documenter et d’exposer publiquement les efforts continus de Vladimir Poutine pour subvertir la démocratie aux États-Unis et en Europe.
Il n’y a aucune preuve que Vladimir Poutine ait fait ou fasse de tels efforts.
Le site Web d’ASD « Hamilton 68 » montre des graphiques avec des classements des « top items » et des « trending items » prétendument utilisés par des bots ou des agents d’influence russes. Il n’y a rien de compliqué derrière cela. Il suit simplement les tweets de 600 utilisateurs de Twitter et agrège les hashtags qu’ils utilisent. Mais il ne dit pas quels comptes Twitter ses algorithmes suivent. Il affirme que les 600 ont été sélectionnés selon l’un des trois critères suivants : 1. Les personnes qui tweetent souvent des informations qui apparaissent également sur RT (Russia Today) et Sputnik News, deux sites d’information générale parrainés par le gouvernement russe ; 2. Les personnes qui « professent ouvertement être pro-russes » ; 3. Les comptes qui « semblent utiliser l’automatisation » pour stimuler les mêmes thèmes que ceux sur lesquels les personnes des groupes 1 et 2 tweetent.
Le groupe ne dit nulle part combien des 600 comptes qu’il prétend suivre appartiennent à quel groupe. Y a-t-il 10 robots présumés ou 590 sur les 600 comptes étudiés ? Et, s’il vous plaît, comment peut-on « professer ouvertement » être pro-russe ? Nous ne le savons pas et l’ASD ne veut pas l’expliquer.
Le 25 décembre 2017, les agents d' »influence russe » ou bots qui – selon le NYT – veulent semer la discorde et subvertir la démocratie, ont souhaité à tous un #MerryChristmas.
La véritable méthode utilisée par le groupe Hamilton 68 pour sélectionner les 600 comptes qu’il suit est inconnue. Le groupe ne dit ni ne montre comment il l’a fait. Malgré cela, les journalistes du NYT, Sheera Frenkel et Daisuke Wakabayashi, poursuivent leurs fausses hypothèses selon lesquelles la plupart ou la totalité de ces comptes sont automatisés, ont un rapport avec la Russie et sont vraisemblablement malfaisants :
Les bots liés à la Russie se sont ralliés à d’autres sujets de discorde, souvent ceux sur lesquels le président Trump a tweeté. Ils ont promu des hashtags Twitter tels que #boycottnfl, #standforouranthem et #takeaknee après que certains joueurs de la National Football League ont commencé à s’agenouiller pendant l’hymne national pour protester contre l’injustice raciale.
Les comptes Twitter automatisés ont aidé à populariser le hashtag #releasethememo, …
Le Daily Beast a rapporté plus tôt que la dernière affirmation est définitivement fausse :
L’analyse interne de Twitter a jusqu’à présent révélé que ce sont des comptes américains authentiques, et non des imposteurs russes ou des bots automatisés, qui sont à l’origine de #ReleaseTheMemo. Rien n’indique, à première vue, que l’activité Twitter qui alimente le hashtag ou qui y participe est majoritairement russe.
On peut supposer qu’il en va de même pour les autres hashtags.
Matt Taibbi, qui a récemment eu accès aux archives internes de Twitter, a récupéré et analysé des courriels et des conversations internes à Twitter concernant l’escroquerie « Hamilton 68« . Son fil de discussion sur ses découvertes est ici. Son article complet se trouve ici.
Mr Tweet @elonmusk – 19:48 UTC – 27 janvier 2023
Un groupe américain a fait de fausses déclarations sur l’interférence russe visant les élections américaines.
Matt Taibbi @mtaibbi – 19:44 UTC – Jan 27, 2023
L’équipe fondatrice bleu-rouge de Hamilton 68, Jamie Fly et Laura Rosenberger, a déclaré à Politico qu’elle ne pouvait pas révéler les comptes du « Dashboard » parce que « les Russes les fermeraient tout simplement. » La vraie raison ? C’était des conneries :
Pousse-toi, Jayson Blair : Voici Hamilton 68, le nouveau roi de la fraude médiatique
Les fichiers Twitter révèlent que l’une des sources d’information les plus courantes de l’ère Trump était une escroquerie, faisant passer des conversations politiques américaines ordinaires pour des activités d’espionnage russe.
Dans les Twitter Files, Taibbi a trouvé :
L’entreprise était suffisamment préoccupée par la prolifération des nouvelles liées à Hamilton 68 pour commander également une analyse médico-légale. [Twitter vérifiait combien de comptes d’Hamilton étaient des spams, des faux ou des robots. Il est à noter que sur les 644 comptes, seuls 36 étaient enregistrés en Russie, et beaucoup d’entre eux étaient associés à RT.
En examinant de plus près, les dirigeants de Twitter ont été choqués. Les comptes qui, selon Hamilton 68, étaient liés à des « activités d’influence russes en ligne » étaient non seulement majoritairement de langue anglaise (86 %), mais aussi des « personnes légitimes« , principalement aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Saisissant immédiatement que Twitter pourrait être impliqué dans un outrage moral, ils ont écrit que ces titulaires de comptes « doivent savoir qu’ils ont été unilatéralement qualifiés de suppôts de la Russie sans preuve ni recours« .
…
« La sélection des comptes est… bizarre et semble assez arbitraire« , a écrit [Yoel] Roth, responsable de la confiance et de la sécurité chez Twitter. « Ils semblent préférer fortement les comptes pro-Trump (qu’ils utilisent pour affirmer que la Russie exprime une préférence pour Trump… même s’il n’y a pas de preuves qu’aucun d’entre eux soit russe). »
Mais par crainte d’une réaction négative, Twitter s’est abstenu de rendre publique la fraude qu’il avait découvert. Sur le fond, il a informé plusieurs journalistes que tout cela était faux. Cela a conduit à l’article du Daily Beast cité plus haut. Mais la plupart des médias ont simplement ignoré les informations de fond de Twitter et ont continué à diffuser les absurdités du « Dashboard ».
Moon of Alabama a été l’une des rares parties à creuser cette affaire et à interpeller les médias :
Les fraudeurs qui ont créé la connerie Hamilton 68 semblent avoir rempli leur base de données avec des personnes plutôt normales, venant du monde entier, dont les opinions leur déplaisent personnellement. Ce sont donc eux ces « robots russes » qui répandent l' »influence russe » et la discorde.
De plus, quelle est la valeur de ses informations lorsque six personnes normales sur des millions d’utilisateurs actifs de Twitter peuvent faire passer un hashtag avec une poignée de tweets en tête du Dashboard ?
Mais les médias américains écrivent de longs articles élogieux sur ce Dashboard et sur la façon dont il montre en quelque sorte une propagande russe automatisée. Ils expliquent longuement que cela montre une « influence russe » et une tentative « russe » de semer la « discorde » dans l’esprit des gens.
C’est insensé.
En août dernier, lorsque le projet Hamilton 68 a été publié pour la première fois, The Nation a été le seul site à le critiquer. Il a prédit :
L’importance du projet de GMF est claire : rapporter tout ce qui pourrait mettre les États-Unis sous un mauvais jour équivaut désormais à diffuser de la propagande russe.
C’est même pire que cela. Le classement en tête du hashtag #merrychristmas montre que l’algorithme ne se soucie même pas des bonnes ou des mauvaises nouvelles. Les comptes Twitter suivis sont des personnes normales.
L’ensemble du projet n’est qu’un moyen de pousser dans les médias américains de fausses histoires sur une prétendue « influence russe« . Chaque fois qu’un problème apparaît sur son dashboard et qu’il correspond d’une manière ou d’une autre à son récit mensonger sur les « robots russes » et la « division« , l’Alliance pour la sécurité de la démocratie contacte les médias pour répandre son poison. Les médias américains – CNN, Wired, le New York Times – sont désormais manifestement dépourvus de journalistes réfléchis et de vérificateurs de faits. Ils se contentent de reconditionner le venin et de le répandre dans le public.
Combien de temps faudra-t-il avant que des gens en meurent ?
Il a fallu quatre ans. Le sentiment public créé par la campagne anti-Russie a été l’une des conditions favorisant la guerre en Ukraine. Quelque 150 000 soldats ukrainiens, environ 20 000 hommes combattants du côté russe (source Col. Doug Macgregor) et environ 10 000 civils (ONU) y ont trouvé la mort à ce jour.
Mais les médias et les politiciens qui sont volontairement tombés dans l’escroquerie et ont favorisé la désinformation anti-russe ne reconnaîtront jamais qu’ils se sont trompés et sont coupables d’avoir causé autant de morts.
Comme l’écrit Taibbi :
J’ai demandé des commentaires à un très grand nombre d’acteurs – de l’Alliance pour la sécurisation de la démocratie à Watts et McFaul et Podesta et Kristol, en passant par les rédacteurs en chef et les directeurs de l’information de MSNBC, Politico, Mother Jones, le Washington Post, Politifact et d’autres. Pas un seul n’a répondu. Ils vont tous prétendre que cela n’a pas eu lieu. Les quelques journalistes qui ont eu raison au même moment, de Glenn Greenwald à Max Blumenthal en passant par Miriam Elder et Charlie Wurzel de Buzzfeed et des sites comme Moon of Alabama, peuvent faire un tour d’honneur. Presque toutes les autres organisations d’information ont publié ces fakes news et doivent être honnêtes à ce sujet.
Honnêtement, je n’ai pas envie de faire un tour d’honneur. Le dashboard Hamilton, comme le dossier Steele, était si manifestement faux et dangereux qu’il n’a pas fallu beaucoup d’efforts pour le démentir.
Je suis simplement triste que si peu l’aient dénoncé et qu’en fin de compte, tout cela ait atteint les résultats néfastes escomptés.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Ping : Sur le médiatique « Russiagate » et les fausses histoires connexes | Le Saker Francophone