Les Déplorables,
en français dans le texte !

Democratic presidential candidate Hillary Clinton (L) and Republican presidential candidate Donald Trump are seen in a combination of file photos

«... Il sera très difficile pour Hillary de battre Trump dans un débat car son jeu de jambe est vif et il ne fera pas de prisonniers. Permettez-moi de dire ceci. Si Hillary devait gagner, ce que nous ne pensons pas, elle fera ce qu'on lui dira et suivra les mêmes politiques que Trump suivrait.»

Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 23 septembre 2016 – Source sputniknews

Perplexe, l’opinion publique mondiale retient son souffle devant le meilleur cirque que la «démocratie» américaine est capable de mettre en scène.

Le premier round aura lieu lundi prochain entre une Reine de la Guerre bénéficiant d’un puissant distributeur automatique de billets (Fondation Clinton) et un milliardaire ultra-narcissique adoré par un «tas de déplorables».

Ceci est un cirque tout à fait approprié pour l’auto-glorifiée «nation indispensable» où le «mal» a été intronisé – sérieusement – comme catégorie philosophique.

Pour le «tas de déplorables», et même au-delà de ce cercle, la tentation est grande d’assimiler le vote pour Donald Trump à un doigt levé contre l’établissement.

Ultra-malin à jouer des médias grand public pour obtenir une publicité gratuite inestimable, élevant la démesure à une forme d’art, tout en étant imperméable à l’ironie et à la dérision, Trump a été maître dans l’art de tarauder, par vagues de colère successives, la nouvelle élite libérale – y compris la nomenklatura crypto- intellectuelle des «experts» instruits de l’Ivy League [le gratin académico-universitaire US, NdT] – qui n’en avait rien à cirer de tenter le moindre effort pour comprendre – dans le monde réel – les conséquences des politiques du gouvernement des États-Unis.

La colère se manifeste chez les cols bleus déclassifiés, les chômeurs, les analphabètes fonctionnels, les rebuts blancs. Quelle que soit la façon de les nommer, ils sont la partie exclue du banquet néolibéral, non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan culturel.

Mais Trump étant ce qu’il est, un maître de l’auto-promotion, la bataille est plus celle d’un Ego contre l’Establishment.

Et cela devient plus savoureux en apprenant par la bouche de puissants, et discrets, intérêts basés à New York – partisans de la plate-forme de Trump – qui est vraiment en train de gagner :

«La campagne Trump dépense peu d’argent, elle le garde en réserve. Ils pourront l’utiliser pendant le dernier mois, après les débats, si Hillary récupère de ce qui semble être une attaque de la maladie de Parkinson. Il a un coup à jouer, bien qu’il importe peu de savoir qui va gagner, je prédis qu’il y aura la paix avec la Russie ; le prix du pétrole va augmenter ; les importations en provenance d’Asie de pièces militaires seront rapatriées et le trucage des monnaies va cesser ; il y aura des mesures de compensation pour arrêter le flot d’immigrants et de produits par une réévaluation des devises. Les maîtres ne perdent pas.»

Les «maîtres» sont bien sûr les maîtres de l’univers qui dirigent vraiment le gouvernement des États-Unis.

Et voici l’explication définitive sur la façon dont ce dernier est contrôlé :

«Les deux parties sont contrôlées et cela explique tout. Lénine a dit que la façon de vaincre son adversaires consiste à corrompre prendre en charge son leadership. Regardez la Majorité Morale que Jerry Falwell a dissoute quand elle est devenue trop puissante. Regardez Ross Perot qui s’est retiré quand il a commencé à faire une vraie différence. Tous deux ont été pris en charge et Ross a même fait de l’argent avec ça.»

«Leur jargon interne pour ce concept se nomme «silence dynamique». Il s’agit d’une technique des maîtres consistant à bloquer toute diffusion concernant, disons par exemple un nazi, pour qu’il ne puisse entraîner personne à sa suite. C’est ce qu’ils auraient pu faire pour Trump s’il n’avait pas été un des leurs. Qui aurait pu se plaindre ? C’était juste un opérateur immobilier apolitique qui n’intéressait personne.»

«Alors qu’est-ce que nous avons au bout du compte ? Un concours de gladiateurs divertissant contrôlé des deux côtés par les maîtres et le gagnant emporte tout l’argent – comme avec la Fondation Clinton. Et le public n’est pas plus avancé.»

Le Circus Maximus 24/7

Il y a des gradations subtiles dans ce scénario. Les intérêts Rothschild ne soutiennent pas Trump – selon ces sources bien connectées – parce que Trump n’a pas été oint par le club, il est donc peu fiable. Ils rappellent, par exemple, comment «Greenspan était si incompétent que les dirigeants de Wall Street ont dû lui apporter du business, afin qu’il puisse faire de l’argent, avant de le mettre à la tête de la Réserve fédérale. Puis il était tellement nul qu’il fallait diriger chacun de ses mouvement car il ne comprenait rien à ce qu’ils faisaient.»

«Ils», bien sûr, désigne les intérêts des Rothschild.

Sur le front de la Guerre froide 2.0, les choses sont encore plus floues. Depuis 2010, quand il a été ordonné à Obama de conserver la stratégie de première frappe nucléaire américaine, la Russie et la Chine savaient vers qui cela se dirigeait. Pas étonnant que Trump soit sans cesse attaqué comme cheval de Troie de Poutine – parce qu’il est contre la Guerre froide 2.0 et la diabolisation de la Russie.

Le strident Ash Carter, du Pentagone, bientôt chômeur, est une chose, mais une chose tout à fait différente est ce que veulent vraiment les Maîtres de l’Univers, toujours selon cette source de partisans de Trump : «Hillary devrait suivre les lignes directrices de Trump si elle gagne, car l’armée américaine va lui expliquer qu’elle n’a pas d’autre option, compte tenu de la supériorité militaire russe dans les sous-marins et les missiles défensifs et offensifs. Les politiques de Trump sont avisées.»

Il y a même un mouvement de relations publiques qui pourrait littéralement dévaster la campagne d’Hillary, déjà bancale :

«Les menaces inconsidérées d’Hillary contre la Russie, au risque d’une guerre nucléaire, pourraient inciter Donald Trump à remettre au goût du jour les annonces TV publicitaires de Lyndon Johnson contre Goldwater, où nous voyons un petit enfant dans une prairie cueillant des fleurs tandis qu’une bombe nucléaire explose. Ce fut une annonce de génie qui détruisit Goldwater. Le scénario de la première frappe nucléaire, évoqué par les États-Unis, et les provocations irresponsables se combinent pour former une excellente annonce TV du style de celle de Johnson. Cette fois Trump peut l’utiliser contre les démocrates, qui ont provoqué presque toutes les guerres des 125 dernières années.»

https://youtu.be/fbIfVEboAzg

Dindon de la farce ?

Même en tenant compte du fait que pratiquement tout l’Establishment américain – de la nomenklatura washingtonienne à Wall Street – est rangé contre lui, le verdict reste encore à poser pour savoir si Trump est une véritable menace pour ses intérêts [de l’Establishment].

Parce que Trump pourrait également être le parfait cheval de Troie. La preuve repose par exemple sur sa décision de nommer deux initiés parfaits, Larry Kudlow et Steven Moore, comme conseillers économiques principaux. Voilà pour le scénario dindon de la farce de Trump.

Donc «silence dynamique» semble être la règle. Voici comment le silence dynamique fonctionne : «Si vous vous opposez à ceux qui tirent les ficelles du président, les médias d’information vous boycottent et les masses n’entendent rien, alors comment peuvent-ils être mobilisés ? Donald est un initié, il représente le complexe militaro-industriel – y compris la CIA, DIA, etc. Ils vont le nier, bien sûr, et Donald pourra dire qu’il est contre l’Establishment alors qu’il est un initié.

Telle est la première ligne de défense. Si vous parvenez à la déjouer, ils vous définiront comme un cinglé. Telle est la deuxième ligne de défense.»

Maintenant, si vous persistez dans ce qui les rend mal à l’aise, alors vous vous retrouvez comme William Colby, Vince Forster ou Jack Kennedy [morts à l’insu de leur plein gré, NdT]. Richard Nixon a été renversé et il est parti tranquillement, pour citer Tricky Dick [le roublard, surnom de Nixon, NdT] lorsqu’il est sorti par la porte arrière de la Maison Blanche : «Je ne vais pas finir comme Jack.»

«L’important à noter ici est que Donald reçoit plus de publicité qu’Hillary, et en l’attaquant comme partisan de l’Amérique d’abord ses sondages augmentent de façon spectaculaire. Le public aime tellement ça que les Maîtres de l’Univers l’aident. Les industries militaires doivent être rapatriées car nous ne contrôlons plus les mers, ce qui nécessitera des ajustements de devises ou de prix. D’où les appels justifiés de Donald à une cessation du trucage des monnaies, qui avait pour but d’aider la reconstruction de l’Allemagne et du Japon au détriment de nos industries. C’est absurde de l’avoir fait, mais c’est fait. Donald va maintenant arrêter ça, ainsi que la situation d’urgence du manque de contrôle de l’océan Pacifique pour le transport des composants nécessaires à notre production militaire. Le Japon et l’Allemagne seront bannis.

Brzezinski a dit que si un adversaire passe devant les États-Unis sur le plan militaire, ceux-ci cesseront d’être une puissance mondiale. Tel est le cas, et l’armée le sait. Et Trump le sait aussi, sinon il n’en aurait pas dit autant. Ils ont besoin d’un programme d’urgence pour rattraper le retard. Cela coûte beaucoup d’argent. Il faudra probablement une réduction des forces et du nombre de bases ainsi qu’une augmentation massive des dépenses technologiques. Voilà ce que les Russes ont fait. Ils peuvent faire cela en réduisant massivement les transferts sociaux sur les immigrants illégaux. Voilà ce que Donald s’engage à faire.»

Si cette analyse est correcte, cela exige de Trump qu’il organise un rapprochement immédiat avec la Russie, dans le cas où il est élu, de sorte que le complexe militaire de la surveillance industrielle des États-Unis puisse rattraper, ou au moins essayer de remédier à ce retard sur le plan militaire, au risque de perdre la prochaine guerre que Hillary et son propre tas de néoconservateur déplorables sont tellement pressés de déclencher.

À l’approche du premier round du match, le jury cherche encore à savoir si la Reine de la Guerre peut perdre l’élection parce les enfants du millénaire la détestent absolument, ou parce que le «tas de déplorables» la déteste aussi, ou les deux.

Mais une chose semble certaine dans toute la saga des déplorables – au moins pour les sources connectées aux Maîtres de l’Univers – c’est qui sera le vrai gagnant. Donc nous allons leur donner le dernier mot, pour l’instant : «Il sera très difficile pour Hillary de battre Trump dans un débat car son jeu de jambe est vif et il ne fera pas de prisonniers. Permettez-moi de dire ceci. Si Hillary devait gagner, ce que nous ne pensons pas, elle fera ce qu’on lui dira et suivra les mêmes politiques que Trump suivrait.»

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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