Le vrai visage de l’Union européenne (1/4)


Par Vladislav B. Sotirovic − Le 14 juillet 2020 − Source Oriental Review

United States of Europe

L’Union européenne (UE) se caractérise par une diffusion ad-hoc de l’autorité politique entre les institutions supranationales et intergouvernementales. Fondée sur l’idée d’un leadership partagé, elle repose sur un équilibre institutionnel délicat qui préserve l’égalité déclarée entre ses membres toujours plus divers et gère les tensions potentielles et réelles entre les États plus et moins peuplés. Ces tensions sont présentes dans toute construction fédérale et constituent une préoccupation majeure depuis que les « six premiers » ont fondé la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) en 1951 avec le Benelux, l’Allemagne de l’Ouest, la France et l’Italie.

Nous connaissons tous les faits officiels, et la propagande officielle, de l’UE sur elle-même, et nous sommes d’accord sur le fait que c’est un concept admirable et étonnant, que tous ces différents peuples – 27 États membres aujourd’hui – de nations aussi diverses ont décidé de vivre ensemble dans le but principal d’avoir une communauté vaste et unie en essayant de vivre en paix et dans le confort, et de profiter de systèmes médicaux et éducatifs développés. C’est ce que nous lisons toujours dans la presse et voyons à la télévision, mais il n’y a eu aucun communiqué public, sur une seule décision ou action, qui s’est révélée soit mauvaise, soit douteuse prise par l’UE.

Il est donc intéressant de jeter un coup d’œil sur quelques opinions différentes. Je ne veux pas écrire sur une « réalité » parce que la réalité est devenue un domaine tellement subjectif et douteux, mais je voudrais attirer l’attention sur une approche critique de l’UE et de l’intégration européenne dans le cadre économico-politique de l’UE.

Qu’est-ce que l’UE ?

Tous les théoriciens de l’unification européenne dans le cadre des Communautés occidentales européennes de l’après-guerre, aujourd’hui l’UE, souligneront quatre points essentiels de l’importance de ce processus :

  1. Il mettra fin aux guerres millénaires entre les grandes puissances européennes.
  2. Une Europe unifiée ancrera le système de pouvoir mondial dans une structure polycentrique avec sa puissance économique et technologique et son influence culturelle et politique – probablement avec la montée des États du Pacifique.
  3. Elle empêchera l’existence de toute superpuissance hégémonique, malgré la prééminence militaire et technologique continue des États-Unis.
  4. L’unification européenne est importante en tant que source d’innovation institutionnelle qui peut apporter certaines réponses à la crise de l’État-nation 1.

En fait, l’unification européenne après la Seconde Guerre mondiale est née de la convergence de visions alternatives, d’intérêts contradictoires entre les États-nations et entre les différents acteurs économiques et sociaux. La notion même d’Europe, fondée sur une identité commune, est cependant tout aussi discutable. Néanmoins, l’identité européenne, historiquement, a été construite racialement contre « les autres », les « barbares » de différentes sortes et de différentes origines – Arabes, musulmans, Turcs, et aujourd’hui Russes – et le processus actuel d’unification n’est pas différent en ce sens. L’unification s’est faite à partir d’une succession de projets politiques défensifs autour de l’intérêt commun supposé des États-nations participants – par exemple, la « menace » russe après la guerre froide 1.0 et surtout la crise de Crimée de 2014. Le processus d’unification visait donc à défendre les pays participants contre les « menaces » perçues et, dans tous ces cas, l’objectif final était avant tout politique, mais les moyens d’atteindre cet objectif étaient, principalement, des mesures économiques. En fait, dès le début du processus d’unification européenne après la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN a fourni le cadre militaire nécessaire.

Le débat européen sur les visions concurrentes du processus d’intégration a été triple :

    1. Les technocrates à l’origine du projet d’Europe unie, en particulier le Français Jean Monnet, rêvaient d’un État fédéral, ce qui signifiait pratiquement l’accumulation d’une influence et d’un pouvoir considérables entre les mains de la bureaucratie centrale européenne à Bruxelles, à Strasbourg et à Luxembourg.
    2. Le Président Charles De Gaulle (1958-1969) mettait l’accent sur la question du transfert de souveraineté, dit intergouvernemental et, par conséquent, il plaçait les grandes décisions européennes entre les mains du Conseil des chefs des pouvoirs exécutifs de chaque État membre. De Gaulle a tenté d’affirmer l’indépendance européenne vis-à-vis des États-Unis et c’est pourquoi la France a opposé deux fois son veto en 1963 et 1967 à la demande britannique d’adhésion à la CEE, considérant que les liens étroits du Royaume-Uni avec les États-Unis mettraient en péril les initiatives autonomes européennes.
    3. En effet, le Royaume-Uni représentait la troisième vision de l’intégration européenne axée sur le développement d’une zone de libre-échange sans concéder de souveraineté politique significative. Lorsque la Grande-Bretagne a rejoint la CE – avec l’Irlande et le Danemark) en 1973 – après le départ de De Gaulle, cette vision économique de l’intégration européenne (en fait, l’AELE) est devenue prédominante pendant une dizaine d’années.

Néanmoins, le projet initial de Jean Monnet était dès le départ de créer un État fédéral européen supranational – les États-Unis d’Europe – dans lequel seraient fusionnées la plupart des nations européennes, y compris la Grande-Bretagne, toujours extrêmement eurosceptique, qui a finalement quitté l’UE lors du Brexit. Ce nouveau super-État, populairement appelé Europe unie, aura un Parlement, une Cour de justice, une monnaie unique (l’euro), un gouvernement unique – aujourd’hui connu sous le nom de Conseil européen avec son « Politburo », la Commission européenne – une citoyenneté unique et un drapeau comme attribut externe de l’État. C’est ce qui a toujours été prévu. Cependant, ceux qui y sont favorables savaient bien que l’écrasante majorité des citoyens européens n’accepterait jamais sincèrement l’unification européenne sous une telle forme. Ils n’abandonneraient jamais volontairement leurs libertés et leurs identités nationales pour devenir simplement une province d’un super-État européen, conçu à l’origine comme  un projet géopolitique dirigé contre l’Union soviétique et ses États satellites d’Europe de l’Est pendant la guerre froide 1.0. Alors, qu’ont fait les politiciens pro-européens pour réaliser leur plan géopolitique ? Ils ont simplement conspiré pour cacher la vérité au peuple.

Maintenant, la question centrale est devenue : quelle est la réalité qui se cache derrière l’Union européenne ?

La nécessité d’unir l’Europe est née, de façon compréhensible, des ravages laissés par deux guerres mondiales catastrophiques. Il est évident, tant à la fois dans les traités européens successifs que dans les déclarations des futurs concepteurs de l’Europe, que l’Union européenne a été conçue dès le départ comme un gigantesque tour de passe-passe qui allait finalement précipiter les nations d’Europe dans une union économique, sociale, politique et religieuse, qu’elles le veuillent ou non. La nature réelle de l’objectif final – un super-État fédéral comme les États-Unis d’Europe – a été délibérément dissimulée et déformée. Il devait être diffusé à petites doses, pour tromper ceux qui ne l’auraient jamais accepté jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour que l’ensemble du processus puisse être inversé ou modifié de façon cruciale.

Bref rappel historique

En 1946, Sir Winston Churchill, ancien Premier Ministre britannique, prononça son célèbre discours de Zurich appelant à la création des États-Unis d’Europe, mais son idée d’une Europe occidentale unie excluait son pays natal – le Royaume-Uni. À l’époque, il envisageait une Europe occidentale composée d’États indépendants, libres et souverains, qui renaîtrait des cendres de la Seconde Guerre mondiale et s’acheminerait vers un destin d’harmonie et de démocratie sans précédent. La Suisse neutre, avec sa coexistence harmonieuse de quatre langues et cultures vieille de plusieurs siècles – et ses banques internationales de blanchiment d’argent – devait être le modèle d’une Europe multilingue et multiculturelle qui ne verrait plus jamais de dictateurs maniaques et de démagogues supranationaux déterminés à imposer leur volonté aux nations membres.

Au départ, la vision de W. Churchill semblait avancer selon le plan. L’ancienne Allemagne nazie et l’Italie fasciste ont décentralisé le pouvoir politique et sont devenues des démocraties parlementaires. Le nazisme et le fascisme furent discrédités dans toute l’Europe, tout comme le communisme dans sa partie occidentale.

Mais bientôt, les événements ont pris une autre tournure. Le plan Schuman de 1950 proposait la mise en commun des industries du charbon et de l’acier françaises et allemandes comme moyen de forger l’unité économique européenne – la CECA de 1951 par le Traité de Paris. Les deux économies étaient tellement imbriquées qu’une nouvelle guerre entre ces ennemis traditionnels devenait pratiquement impossible.

L’Union Économique Européenne (CEE), créée en 1957 par le Traité de Rome, a rapproché l’Italie et les trois pays du Benelux de la France et de l’Allemagne, mais a représenté une étape supplémentaire vers une économie paneuropéenne [2. En fait, il y a eu deux Traités de Rome signés le 25 mars 1957 : 1) la création d’Euratom, pour coordonner la politique en matière d’énergie nucléaire, la nouvelle industrie stratégique ; et 2) la création de la Communauté économique européenne, orientée vers l’amélioration du commerce et des investissements mais aussi vers de nouvelles étapes politiques dans la création du super-État européen.]. De manière significative, le Traité de Rome a également donné à l’Europe un sentiment d’unité religieuse supranationale et à l’Église catholique romaine la protection contre la menace existante de la propagation du communisme en dehors de l’Europe centrale et orientale.

1962 a été l’année de la politique agricole commune qui a abouti à la création d’un Marché Commun, transformé en 1993 en Marché Unique Européen – l’ESM, avec fixation des prix – un pas supplémentaire vers l’uniformité économique et, essentiellement, vers l’économie planifiée qui était en même temps si fortement critiquée par les démocraties libérales occidentales dans le cas des économies du soi-disant vrai socialisme. Néanmoins, cette même année 1962, certains technocrates occidentaux ont considéré la CEE comme un projet qui avait déjà pris beaucoup de retard sur une Europe économiquement unie, et ont fait remarquer que le fascisme en Europe était sur le point de renaître sous des formes respectables, et que le Traité de Rome de 1957 serait finalement appliqué dans toute son ampleur. Certains d’entre eux partageaient l’idée que le rêve d’un Saint Empire romain médiéval de la nation allemande – qui a duré de 962 à 1806 – revenait au pouvoir pour dominer et diriger les soi-disant forces de l’humanité chrétienne du monde occidental. Simplement, une telle idée n’était pas encore morte, mais elle est toujours présente dans les antichambres de chaque capitale nationale de l’Europe occidentale continentale, dans la détermination des dirigeants du Marché Commun à restaurer le Saint-Empire romain de la nation allemande avec tout ce que cela signifie2. L’Allemagne de l’Ouest, limitée dans son rôle et son influence internationale après 1945, a certainement vu dans l’unification européenne une plate-forme internationale très commode pour mener sa propre politique étrangère.

Composition European Union

Néanmoins, le mot « économique » a été sournoisement abandonné du titre officiel de la communauté en 1967 au profit de la dénomination Communauté Européenne (CE), ce qui signifie que le processus d’intégration est désormais orienté dans une direction politique, ce qui a été clairement constaté en 1979 lorsque les premières élections directes au Parlement européen à Strasbourg ont été organisées. Même l’ancienne Assemblée européenne a été rebaptisée Parlement européen afin de mettre l’accent sur une orientation claire vers la création d’une entité politique supranationale – un État.

La politique d’élargissement s’est poursuivie avec l’adhésion de la Grèce en 1981, et de l’Espagne et du Portugal en 1986, lorsque la même année, l’Acte Unique européen a été signé pour préparer la CE à la transformation en UE – un niveau plus élevé d’intégration économique, financière, sociale, juridique, législative et surtout politique. En d’autres termes, l’Acte Unique européen signifiait le transfert progressif des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire des États membres vers les Autorités centrales de la CE et, depuis 1993, de l’UE. Par conséquent, l’UE pouvait faire des incursions politiques toujours plus importantes dans le domaine de la souveraineté nationale des États membres et la conspiration Londres-Dublin a tenté de forcer le peuple britannique d’Irlande du Nord à se diriger furtivement et par la terreur vers une Irlande unie sous la domination européenne, tandis que des politiciens arrogants et sans scrupules à Westminster continuaient poliment à jouer le jeu de l’ennemi ou, comme le Dr Paisley l’a dit un jour de manière métaphorique, à « nourrir la brute au lieu de la massacrer ».

Lorsque le fameux et infâme Traité de Maastricht sur l’Union (politique) européenne a été signé en février 1992, pour entrer en vigueur en novembre 1993, dans le but ultime de transformer la CE en un super-État fédéral – aujourd’hui considérablement remanié sous le nom d’Union européenne (UE) – de nombreux hommes politiques élus à Bruxelles, y compris ceux de Grande-Bretagne, sont tombés dans le piège de la confiance.

A suivre.

Vladislav B. SOTIROVIĆ

Traduit par Michel, relu par jj pour Le Saker Francophone

Notes

  1. Featherstone K., Radaelli C. M., The Politics of Europeanisation, N.Y.: Oxford University Press, 2003; Cini M., European Union Politics, N.Y.: Oxford University Press, 2004.
  2. Voir aussi Professeur Arthur Noble, « The Conspiracy Behind the European Union : What Every Christian Should Know », conférence donnée lors de la conférence annuelle d’automne du Conseil protestant unifié à Londres le samedi 7 novembre 1998
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