Le printemps russe:
La lutte pour les droits démocratiques et la justice sociale

Par Pavel Gubarev – Le 2 mars 2015 –  Source: Novorossia Today

Genèse de l’Ukraine et des Ukrainiens. Le Maïdan, point de bifurcation dans la construction d’une nation

A l’aune européenne, l’Ukraine est un vaste pays multiethnique. Située au carrefour des civilisations occidentale et russe, elle a produit de nombreux sous-groupes ethniques et des identités particulières à partir de l’acceptation ou du rejet de certains éléments civilisationnels et culturels des nations environnantes. Avant 1939, les ukrainiens existaient en tant que minorités ethniques des pays limitrophes, et ils ont souvent été soumis à des répressions fondées sur des bases religieuses, ethniques et culturelles. L’unification de la terre ukrainienne n’a eu lieu que lors de la formation de la République socialiste soviétique d’Ukraine.

Les territoires au sein desquels les ukrainiens constituaient des minorités ethniques furent aussi inclus lors de la formation de l’Ukraine, en particulier le Donbass et la péninsule de Crimée. L’émergence d’un État ukrainien, basé sur l’idéologie soviétique et ses principes d’internationalisme, d’égalité et de justice sociale, coïncidait avec le processus d’unification de l’Ukraine. Ainsi, la controverse entre les groupes ethniques et les sous-groupes ethniques avait subi une mutation et les différences entre les modes de vie n’avait pas un impact important sur la manière de voir des ukrainiens. Le concept de nations sœurs, impliquant les russes, les biélorusses et les ukrainiens, avait été développé par la science soviétique. Des affrontements locaux entre clans régionaux ont bien évidemment eu lieu; néanmoins, il n’étaient pas motivés par l’identité nationale.

Les choses ont changé au moment de la dislocation de l’URSS, sous l’influence des tendances centrifuges croissantes du nationalisme ukrainien.

L’idéologie de l’Ukraine indépendante devint essentielle pour les régions occidentales, tout comme pour Kiev, qui en a pris la tête à partir des tendances de l’information et de la politique mondiales. La conséquence de ce processus a été l’apparition d’un nouveau sujet de controverses entre les régions, ainsi que leur classification en première et en seconde zone.

Le nationalisme, non pas tant tourné contre les minorités ethniques que contre les porteurs de l’idéologie du passé, est devenu l’idéologie de la bureaucratie ukrainienne. Les habitants des régions occidentales furent déclarés élites culturelles en raison de leurs penchants anti-communistes et nationalistes, alors que ceux des régions industrielles (à prédominance russe et russophone), sont devenus des citoyens de seconde zone. Des réformes destinées à accorder aux régions un certain niveau d’indépendance auraient pu résorber le conflit. Cependant, l’idéologie prônant l’établissement d’un nouvel Ukrainien l’a empêché en imposant un système unifié par la langue et l’identité. L’Ukraine se présentait comme suivant l’exemple de l’Allemagne unifiée par Bismarck, et les objections quant au risque que l’Ukraine répète certains épisodes qu’a connus l’Allemagne dans la construction de l’État n’ont pas été prises au sérieux.

Le Maïdan à Kiev est apparu comme le résultat final d’un processus de plus de vingt longues années destiné à donner naissance à un citoyen d’un nouveau type. Il a été transformé en une gigantesque arche de Noé, dans laquelle devait naître le prototype de l’Überukrainien (le super-Ukrainien), qui réaliserait les idéaux du projet unitaire. Les habitants du Donbass et de la Crimée ont considéré que cette Ukraine uniforme, conçu comme moyen d’exterminer leur identité ethnique et sous-ethnique régionale, était inacceptable. La rébellion anti-fasciste au Donbass était dirigée contre cet Überukrainien, pas contre le peuple d’Ukraine, sa culture et son État. De cette rébellion est née la nouvelle identité novorusse.

L’insurrection en Crimée et dans le Donbass, une lutte pour les droits démocratiques.

La transformation de la société soviétique à l’époque post-soviétique a été menée avec les slogans prônant la démocratie et les droits civiques. En réalité, cependant, ces processus n’avaient à voir ni avec le pouvoir du peuple ni avec les droits humains, et le problème n’était pas seulement la perte des droits civils fondamentaux dont jouissaient les citoyens dans la société soviétique, comme le droit au travail et les garanties sociales. Dans la société post-soviétique, les porteurs de la fausse idéologie ont continué à être persécutés

Les mouvements des droits humains ont manifesté un comportement bizarre durant les événements récents en Ukraine. Les activistes des droits humains ukrainiens et internationaux ont défendu le droit des militants à attaquer la police anti-émeute, à utiliser des matières inflammables, à s’emparer de bâtiments administratifs et même y aménager des salles de torture. Toutes ces actions (jusqu’à la prise de postes de police et au pillage de dépôt d’armements) ont été présentées comme des manifestations pacifiques, et toute les tentatives des autorités de recourir à la force ont suscité l’indignation des défenseurs des droits humains et ont été considérées comme des violations des droits civils. Pourtant, les forces qui se sont emparées du pouvoir ce même jour ont eu carte blanche pour commettre toutes sortes de violences au sud-est du pays. Les politiciens européens, états-uniens et les médias de masse qui, la veille, se lamentaient sur la violence armée de grenades flash et de fusils à balles caoutchouc, ont soudainement cessé de voir les véritables crimes de guerre, dont les tirs d’artillerie sur les écoles, les hôpitaux et les zones résidentielles du Donbass.

La communauté des droits humains a une longue histoire d’ignorance délibérée de certaines violations des droits civiques, justifiée en Ukraine par le pragmatisme étatique. Tout a commencé par la loi sur les langues, par laquelle l’ukrainien a été déclaré langue officielle unique dans un pays bilingue de fait. Jusqu’alors, le statut de l’ukrainien en tant que langue officielle était purement formel, puisque la Constitution de l’Ukraine et la loi sur les langues garantissait une égalité de fait des deux idiomes. La langue russe aurait dû être utilisée en parallèle à l’ukrainien dans tous les domaines de la vie publique: dans l’archivage des dossiers, dans l’éducation, dans les médias, dans la justice. Néanmoins, en pratique, la loi était ignorée. Les législateurs ukrainiens ont fabriqué avec une obstination maniaque des lois et des décrets anticonstitutionnels destinés à limiter l’usage de la langue russe, et d’abord dans l’éducation et les documents administratifs. De cette manière, les autorités ukrainiennes ont expulsé les représentants des régions industrielles de la gestion de l’État, instituant l’inégalité. En Ukraine, la langue russe est la langue de la classe moyenne et celle des travailleurs des banlieues et des grandes villes, c’est à dire la langue de la partie des masses la plus compétitive.

En même temps, le mouvement ukrainien des droits humains a totalement ignoré les aspects humanitaires et sociaux de la question linguistique, ne voyant dans la lutte de la population russophone pour ses droits que de l’irrédentisme et du séparatisme. L’irrédentisme russe en Crimée et au Donbass a été le résultat direct de cette politique. L’actualisation du Projet Novorossia a été la réponse à la longue discrimination. Le Donbass et la Novorussie dans son ensemble reste une région multiethnique. Nous sommes absolument conscients de la présence en Novorussie d’une forte composante ukrainienne et nous considérons la protection de ses droits comme une des tâches prioritaires dans le processus de formation d’un nouvel État.

Les principes sociaux du Printemps russe

Le Donbass et la grande Novorussie sont des régions traditionnelles de travail ouvrier et leur histoire est inséparablement liée à l’histoire de la lutte des classes pour l’égalité et la justice sociale. Dans la formation de l’Ukraine indépendante, l’existence de la Novorussie n’a pas été semée d’embûches seulement à cause des discriminations linguistiques, mais surtout en raison de l’effondrement de l’État social. Le Donbass est devenu le centre des protestations, au début de l’indépendance ukrainienne, en réaction à la mise en œuvre et à la consolidation de l’injustice sociale dans l’Ukraine post-soviétique. Le rejet du modèle d’économie socialiste a conduit à une véritable catastrophe pour la région, avec le déclin et la fermeture d’entreprises non rentables, le pillage et la vente des usines; des fabriques et des mines ont été bradées pour une bouchée de pain. Le niveau de vie de la population a baissé jusqu’à revenir à ce qu’il était à l’époque du capitalisme prédateur du XIXe siècle

Résultat, le modèle oligarchique criminel qui s’était formé au Donbass à créé de puissants clans politiques. Dans la lutte d’influence qu’ils menaient à Kiev, ceux-ci ont pris habitude d’utiliser les gens du Donbass comme couverture et de parler à leur place. Les élites locales intimidaient la population de la région avec la montée du nationalisme à Kiev, se présentant comme les protecteurs des intérêts du peuple. Néanmoins, les événements de l’an dernier l’ont montré, les oligarques et les politiciens de Donetsk ont trompé leur électorat. Ils ont trahi leur peuple pour sauvegarder une partie de leurs biens, ils ont abdiqué, sans résistance, leur pouvoir au profit de nationalistes radicaux. Par conséquent, les mineurs, les métallurgistes et les chômeurs de Donetsk ont dû défendre leurs droits et leurs libertés par eux-même, les armes à la main.

La classe dirigeante à démontré son incapacité à défendre les intérêts du peuple. Ainsi, le retour de cette classe au Donbass, associée au retour de l’ancienne manière, n’a selon nous, aucun sens. Le Donbass à acquis une chance unique d’établir un État d’un nouveau type, un État fondé sur des principes de justice sociale et d’égalité.

Traduit par Lionel, relu par Diane et jj pour le Saker Francophone

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