Bon, résumons l'OCDE : l'économie mondiale ralentit, les bénéfices des entreprises s'entassent, la stimulation monétaire a perdu de son charme, et les risques d'instabilité financière sont en hausse. Oh, à propos, avez-vous noté la petite phrase sur «une importante réévaluation des actifs» ? En jargon financier ça veut dire «un crash», un grand, un cataclysme fracassant, un tremblement de terre. L'auteur constate tout simplement une évidence, que les banques centrales nous entraînent dans une autre descente en vrille à soulever les tripes, suivie d'une autre crise financière atroce. – Mike Whitney
Par Mike Withney – Le 30 septembre 2016 – Source CounterPunch
Voici votre quiz d’économie pour aujourd’hui :
Question 1. Que pensez-vous qu’il se passerait si vous injectiez $3 000 milliards dans le système financier ?
a) Le prix des actions augmenterait.
b) Le prix des actions baisserait.
c) Le prix des actions serait stable.
Question 2. Que pensez-vous qu’il se passerait si vous injectiez $3 000 milliards dans l’économie ? (Via une relance budgétaire pour les projets d’infrastructure, la prolongation des prestations de chômage, des coupons alimentaires, etc.)
a) L’activité augmenterait et l’économie croîtrait.
b) L’activité baisserait et l’économie se contracterait.
c) L’activité resterait la même, donc la croissance resterait inchangée.
Si vous avez choisi l’option a pour les deux questions, alors félicitations, parce que vous avez les bonnes réponses.
Maintenant, essayez de répondre à cette dernière question bonus :
Question 3. Si l’ajout d’argent dans le système financier stimule les prix des actifs, et l’ajout dans l’économie stimule la croissance, alors pourquoi la Fed a-t-elle injecté $3 000 milliards dans le système financier en espérant que l’économie va croître ?
La Fed est-elle désorientée au sujet de la façon dont fonctionne l’économie ou bien la Fed est-elle paumée concernant le fonctionnement du système financier ?
Probablement pas. Il y a certainement une autre explication à tout cela ; après tout, pourquoi quelqu’un mettrait-il de l’essence dans le radiateur de la voiture quand le réservoir d’essence est vide ? Cela ne va pas faire marcher le moteur, non ? La même règle s’applique à un stimulus financier. La seule façon pour qu’un stimulus soit efficace est de le mettre là où il est nécessaire. Et nous pouvons maintenant dire avec 100% de certitude que la relance de la Fed n’est pas allée où il fallait, c’est pourquoi elle n’a pas fonctionné.
Comment savons-nous cela ?
Il suffit de jeter un coup d’œil au PIB. Le PIB du deuxième trimestre a atteint un lamentable 1.2 %, même si les taux d’intérêt sont encore bloqués à près de zéro et que la Fed continue de recycler l’argent des obligations arrivant à échéance dans encore plus de dette du gouvernement.
Savez-vous ce que signifie une augmentation de 1.2 % du PIB ?
Cela signifie que les dépenses sont faibles : l’investissement des entreprises est anémique, la consommation individuelle est au fond du trou et la croissance du crédit est kaputt. Cela signifie que l’économie a essentiellement cessé de respirer, que le poumon artificiel a été débranché et qu’elle est transportée à la morgue pour être embaumée avant l’apparition de la raideur cadavérique. Cela signifie que les gens qui sont affectés à la tâche de gérer le système ne savent pas comment le système fonctionne ou cachent un motif inavoué pour les politiques qu’ils utilisent.
Alors, qu’en est-il ? Les responsables de la Fed sont-ils des crétins ou des menteurs ?
Ceci étant, nous avons tous entendu l’expression, «la définition de la folie consiste à faire encore et encore la même chose en espérant un résultat différent».
Eh bien, la Fed fait la même chose depuis sept ans – le déversement de l’argent dans le système financier, tout en prédisant une croissance plus forte. Cela semble suggérer que la Fed est folle, mais l’est-elle ?
Non, pas du tout, en fait les membres du FOMC 1 sont extrêmement brillants, des professionnels bien formés qui ont une solide connaissance de l’économie et des nombreuses subtilités du système financier. Ce sont des gars intelligents, vraiment intelligents. Alors, peut-être qu’ils ont un motif inavoué. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils collent à des politiques qui ont échoué pendant toutes ces années.
Mais alors, s’ils ont une arrière-pensée, quelle est-elle ? Quel est leur but ?
La meilleure façon de répondre à cette question est de suivre simplement la piste de l’argent. Nous avons déjà vu que le QE 2 et le taux zéro n’ont rien fait pour la croissance. Donc la question est : où ces politiques ont-elles eu le plus grand impact ?
Sur le marché boursier, bien sûr !
Saviez-vous que l’indice du Dow Jones Industrials (DJIA) était descendu le 9 mars 2009 jusqu’à 6 507 points? Le jeudi 15 septembre 2016, le Dow Jones a terminé la journée à 18 211 points, près de trois fois plus. La même chose vaut pour le S&P 500, qui a glissé jusqu’à 676 points d’indice en mars 2009, mais a rebondi pour plafonner à 2 147 hier après-midi. Puis il y a le Nasdaq qui a fait encore mieux, rebondissant, après un abyssal 1 268 points en 2009, à une hauteur de 5 249, toujours hier.
Maintenant, si le cours des actions augmente en raison de fondamentaux économiques sains, alors c’est tout simplement génial car cela signifie que la force sous-jacente de l’économie est le moteur de l’augmentation de la valeur des actions. Mais si les prix des actions montent parce que les gens qui sont censés être les arbitres – la Fed – truquent le système en imprimant des milliards de dollars pour arroser les marchés financiers, afin que leurs copains escrocs puissent envoyer leurs enfants dans les écoles de l’Ivy League [la crème de l’Establishment] et traîner dans les environs en Lamborghini, alors ce n’est pas aussi génial.
Lorsque la Fed pompe des liquidités directement dans le système financier, ces liquidités ne peuvent pas précisément être appelées stimulus monétaire. Il ne s’agit pas plus d’une relance que si la Fed avait mis un milliard de dollars dans votre jeune entreprise naissante dans les environs de Trifouillis-les-Oies. C’est une subvention, un don, une aumône. Quoi qu’il en soit, $3 000 milliards est une somme considérable, assez pour allumer la mèche et envoyer les marchés boursiers dans la stratosphère. Ce qui s’est produit. Mais ne nous méprenons pas, les actions n’ont pas triplé parce que la production, les revenus et la croissance s’envolent tous au son du clairon. Ce n’est pas du tout çà en fait, ils sont tous exceptionnellement faibles. Les actions sont sur un nuage stratosphérique, parce que les interventions incessantes de la Fed les ont maintenues là-haut, en soutenant un système bancaire insolvable et en générant des profits gigantesques pour Wall Street.
Et tandis que la hausse de la valeur des actions ne prouve pas nécessairement que la Fed a une arrière-pensée, identifier les personnes qui bénéficient de ces prix gonflés le prouve certainement. Après tout, qui possède ces actions et obligations ?
Nous pouvons classer ces personnes en trois groupes distincts, les assez riches, les très riches et les riches aux mains sales. Ce sont ces gens qui possèdent des actions et bénéficient des politiques de la Fed.
Alors, qu’est-ce que cela nous apprend sur «le plein emploi, la stabilité des prix», qui sont les mandats de la Fed ?
Cela nous apprend qu’il s’agit de balivernes. Cela nous raconte aussi son battage de relations publiques destiné à embobiner le troupeau de moutons qui ne peut pas voir ce qui se passe juste sous son nez… Il nous dit que la Fed a un mandat caché pour aider le processus d’accumulation du profit pour la classe kleptocratique des parasites appartenant à l’Ivy League–Wall Street. Il nous dit que le vrai travail de la Fed est de mettre en œuvre les politiques qui facilitent le mieux la distribution de la richesse vers le haut. Il nous dit que l’indépendance de la Fed est une tromperie complète et totale et que si Janet Yellen [directrice de la Fed, NdT] ou l’un de ses collègues laquais du FOMC s’écartait d’un centimètre à gauche de l’ordre de marche imposé par les multinationales, il se retrouverait lui-même enfermé dans un sac plastique cherchant son souffle au fond de l’East River, les deux pieds dans le béton.
L’idée que la timide Mme Yellen tient elle-même la baguette dans l’institution financière la plus puissante du monde est la chose la plus ridicule que j’ai jamais entendue. Quelqu’un croit-il vraiment ces salades ?
Yellen est une créature des relations publiques, une petite partie – mais critique – d’une bien plus grande mascarade, destinée à dissimuler la manière dont la grande majorité de la richesse de la nation est transférée d’une classe à une autre. Appelons ça La Grande politique d’escroquerie de la Banque centrale, parce que c’est ce qu’elle est. La Fed est simplement une agence d’apparatchiks qui trafique les poids de la balance, pour s’assurer que tout le butin va à ses maîtres vampires. Voilà comment le système fonctionne. En voici un peu plus sur le contexte, expliqué dans un article de WSWS [World Socialist Web Site] :
«Un nouveau rapport publié par la banque suisse Crédit Suisse estime que l’inégalité de la richesse mondiale continue de s’amplifier et a atteint une nouvelle étape, avec le top 1 pour cent détenant plus de richesses du monde que les 99 restants.
Le montant total des actifs mondiaux est de $250 000 milliards.Les 10% les plus riches en détiennent 87,7%, laissant 12,3% aux 90% pour cent de la population qui restent.»
Source : Top 1% own more than half of world’s wealth, World Socialist Web Site
Mais il n’y a pas seulement le fait que la moitié de tout le capital est détenue par une poignée d’extorqueurs obscènement riches et fainéants. Cette même équipe vorace de mécréants s’approprie aussi la part du lion du revenu annuel. Voyez vous-même :
«Les données du recensement révèlent également que l’inégalité des revenus en Amérique est restée pratiquement inchangée par rapport à 2014, avec les riches dans le cinquième supérieur de la population prenant environ la moitié de tous les revenus des ménages, tandis que le cinquième inférieur a gagné seulement 3.4%.»
Source : Despite increase in 2015, US household income still lags behind pre-recession levels, Kate Randall, World Socialist Web site
Alors, non seulement les ploutocrates possèdent la moitié de tout sur la planète, mais leur part du butin ne cesse d’augmenter chaque année. Pas mal, hein ?
La vérité, c’est que rien de tout cela n’est accidentel. Ces résultats sont la conséquence directe d’une volonté, la politique de la Fed. Et la Fed n’est pas seule non plus. Cette lutte des classes grandement accélérée est un phénomène désormais mondial. Il suffit de regarder cette friandise ; je l’ai trouvée dans un article de CNBC :
«Les données de J.P. Morgan montrent que les 50 premières banques centrales du monde entier ont réduit les taux 672 fois depuis l’effondrement de Lehman Brothers en 2008, un chiffre qui se traduit par la moyenne d’une diminution des taux d’intérêt tous les trois jours de bourse. Cela a également été associé à des achats d’actifs de $24 000 milliards.»
Source : QE Infinity : Are we heading into the unknown ?, CNBC
24 000 milliards de dollars !
Cela représente le plus grand braquage de banque dans l’histoire humaine, et qu’est-ce que nous en avons tiré ?
Rien, rien du tout, peau de balle, voilà ce qu’on a eu ! Toutes les données sont en berne et la croissance mondiale a ralenti jusqu’à ramper. C’est comme si tout le pognon qui était censé renforcer la reprise fictive s’était juste évaporé. Pouf !
Alors, pourquoi ces $24 000 milliards n’ont-ils pas eu plus d’impact ? Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’inflation, d’activité, de dépenses, de consommation et de croissance ???
C’est parce que partout où le cartel bancaire mondial a ses tentacules, les mêmes politiques d’austérité et de QE ont été adoptées – Japon, Royaume-Uni, UE, États-Unis, etc. Partout où vous regardez, c’est caviar et Dom Pérignon pour la classe des investisseurs, et gruau et restes de table pour tous les autres. Partout les économies sont vidées, pillées, creusées par des parasites financiers qui cherchent un plus grand gain en baissant les salaires, réduisant les avantages sociaux et les retraites, éviscérant le niveau de vie des ploucs de travailleurs ordinaires, tandis que les grands manitous du fric vivent la vie de Riley. Partout, on affame la bête pour gaver le maître.
C’est le grand schéma de l’économie politique. Trump a raison, la Fed est l’institution la plus politique au sein du gouvernement. C’est le gouvernement, elle a une mainmise absolue sur l’économie.
Est-il étonnant que les propriétaires de la richesse n’utilisent plus leur argent pour investir dans la production future, la croissance, le réoutillage ou la construction d’usines ou quoi que ce soit ? Au lieu de cela, ils rachètent leurs propres actions [pour en augmenter le cours], encaissent de confortables dividendes sur des chiffres d’affaires en berne, diminuant la valeur de leurs entreprises dans la poursuite incessante de gains à court terme.
Ce type de comportement destructeur n’est pas sorti de rien. Fichtre non. Les politiques d’argent facile de la Fed ont créé des incitations irrésistibles pour ce comportement téméraire suicidaire. Cela signifie que la Fed est à 100% responsable de l’état fragile du système financier et de la faramineuse bulle des prix des actifs qui se dirige fissa vers les lignes à haute tension.
Mais maintenant, il n’y a plus à tergiverser, toutes les institutions mondiales, un paquet – FMI, BRI, OMC, OCDE – avertissent que l’«on va vers un automne d’avis de tempête» et que le jour du jugement est peut être à portée de main. Selon un récent rapport de l’Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE), le PIB par habitant augmentera de seulement 1% en 2016, ce «qui est la moitié de la moyenne des deux décennies précédant la crise».
Comme on le voit, le rapport de l’OCDE est plus apocalyptique que les autres, il est seulement un peu plus explicite, dans ce qu’il attend de voir arriver. En voici plus sur Wolf Street :
«Les risques d’instabilité financière sont à la hausse, y compris du fait des taux d’intérêt exceptionnellement bas et de leurs effets sur les actifs financiers et les prix de l’immobilier […]
Les prix des actions ont augmenté de manière significative au cours des dernières années dans les économies avancées, notamment aux États-Unis. En revanche, la croissance des bénéfices des entreprises non financières a récemment ralenti à un rythme modeste, à la suite d’une reprise post-crise […]
Une réévaluation sur les marchés financiers des taux d’intérêt pourrait entraîner une importante réévaluation des actifs et accroître la volatilité financière, même si les taux d’intérêt devaient rester en deçà des moyennes à long terme […].»
Source : L’OECD Warns Fed, BOJ, ECB of Asset Bubbles, ‘Risks to Financial Stabilit‘, Pinpoints US Stocks & Real Estate, Wolf Street
Bon, résumons l’OCDE : l’économie mondiale ralentit, les bénéfices des entreprises s’entassent, la stimulation monétaire a perdu de son charme, et les risques d’instabilité financière sont en hausse.
Oh, à propos, avez-vous noté la petite phrase sur «une importante réévaluation des actifs» ? En jargon financier ça veut dire «un crash», un grand, un cataclysme fracassant, un tremblement de terre. L’auteur constate tout simplement une évidence, que les banques centrales nous entraînent dans une autre descente en vrille à soulever les tripes, suivie d’une autre crise financière atroce.
Tout cela vient de la conception, c’est le résultat inévitable de la politique déstabilisatrice de la Fed pour déplacer la richesse.
Combien de fois allons-nous repasser par cet exercice, avant de dissoudre la Fed et de recommencer à partir de zéro ?
Mike Whitney vit dans l’État de Washington. Il est contributeur à Hopeless : Barack Obama et la politique de Illusion (AK Press). Hopeless est également disponible dans une édition Kindle. Il peut être joint à fergiewhitney@msn.com.
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
- Le Federal Open Market Committee – FOMC – qui signifie en français le Comité fédéral d’open market, est un organe de la Réserve fédérale américaine, chargé du contrôle de toutes les opérations d’open market (achat et vente de titres d’État notamment) aux États-Unis. Wikipédia ↩
- Le terme assouplissement quantitatif, traduction de l’anglais Quantitative easing – QE – désigne un type de politique monétaire dit «non conventionnel», consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers, notamment des bons du trésor ou des obligations d’entreprise… Wikipédia ↩
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