Par Caitlin Johnstone − Le 1er juin 2019 − Source Medium.com
Le Ministre britannique des affaires étrangères Jeremy Hunt vient de prononcer un discours qui vantait les vertus des médias libres, louant les journalistes assez courageux pour affronter l’oppression tyrannique des gouvernements et exposer la vérité sur leurs perversions. Et alors qu’il se préparait à prononcer ce discours, sans donner la moindre impression d’y avoir réfléchi, il a défendu l’usage de la torture sur Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks.
Après que Nils Melzer, Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, a déclaré que Julian Assange avait été victime de torture psychologique pendant des années, Hunt, qui se verrait bien prochain Premier ministre du Royaume-Uni, l’a accusé de s’être ingéré dans les affaires britanniques et d’avoir fait des « déclarations incendiaires ».
« C’est une mauvaise analyse », a tweeté Hunt. « Assange a choisi de se cacher à l’ambassade et a toujours été libre de sortir pour affronter la justice. Le Rapporteur spécial des Nations Unies devrait permettre aux tribunaux britanniques de rendre leurs jugements sans son intervention ou ses accusations incendiaires. »
« Monsieur, avec tout le respect que vous dois, M. Assange était aussi ‘libre de partir’ qu’une personne dans un bateau gonflable au milieu d’une piscine remplie de requins », a répondu Melzer. « Comme je l’ai précisé dans la lettre officielle que je vous ai envoyée, jusqu’à présent les tribunaux britanniques n’ont pas montré l’impartialité et l’objectivité requises par un État de droit. »
Quelques heures après avoir défendu la torture sur un journaliste qui avait révélé les malversations d’un État, Hunt donnait un discours au Congrès mondial des médias d’information, à Glasgow. Il y a loué les journalistes qui dévoilent les malfaisances en défiant de puissants États.
Si vous souhaitez assister à l’une des plus clownesques expressions de l’hypocrisie politicienne occidentale de tous les temps, je vous recommande hautement de cliquer sur ce lien et de lire la transcription du discours de Hunt à la lumière des propos qu’il a prononcés sur Assange. C’est atterrant.
Hunt s’y indigne de l’assassinat de Jamal Khashoggi en évitant le fait dérangeant que l’État britannique vient d’être reconnu coupable d’avoir participé pendant de nombreuses années à une torture brutale sur un journaliste bien plus influent. Hunt tresse des louanges à deux journalistes récemment relâchés d’une prison birmane après avoir révélé le massacre de dix musulmans rohingya. Mais auparavant, il a défendu la torture sur le journaliste qui avait diffusé la vidéo d’un « Massacre collatéral » sur 18 civils, parmi lesquelles on compte deux journalistes de Reuters.
« Le récent Index mondial de la liberté de presse (World Press Freedom Index) décrit la manière dont le « nombre de pays considérés comme sûrs, où les journalistes peuvent travailler en toute sécurité, est encore en déclin’ », a affirmé Hunt. « Et pourtant, malgré toutes les pressions, les risques liés aux menaces physiques, à l’auto-censure insidieuse, les journalistes de nombreux pays insistent pour que les puissants rendent des comptes, révèlent les méfaits, luttent contre la corruption, renforcent la démocratie et la transparence. »
Autres extraits de choix :
« Nous ne pouvons pas empêcher les journalistes d’être enfermés parce qu’ils font leur travail. Mais nous pouvons alerter l’opinion publique mondiale et nous assurer qu le prix à payer au plan diplomatique est trop élevé. »
« Les États autoritaires peuvent bien lancer des ‘mesure répressives’ contre la corruption (qui, de manière mystérieuse, ciblent certains opposants politiques et en laissent d’autres indemnes) mais le risque de révélation par un média libre est beaucoup plus efficace que toute campagne mise en scène. »
« Mais pour finir, nous devons promouvoir des médias libres, non seulement pour des raisons pratiques, mais aussi parce qu’il s’agit de nos principes. La démocratie et la liberté de presse ne signifient rien à moins que des journalistes indépendants aient la capacité de soumettre les puissants à leurs enquêtes et de révéler les faits têtus, aussi gênant que cela puisse parfois être pour les politiciens qui se trouvent dans la ligne de mire. »
« Avoir des médias libres ne constitue pas une option facultative, c’est encore moins une ‘valeur occidentale’. C’est un des piliers d’une société florissante, au bénéfice des peuples dans tous les endroits du monde. »
Il y a 29 heures d’écart entre le tweet de Hunt qui défendait la torture pratiquée sur Assange et son tweet moralisateur et auto-satisfait sur le discours qu’il venait juste de prononcer. Vingt-neuf heures.
Hunt, qui mène l’accusation en diffamant Assange depuis son arrestation et son emprisonnement, projette de co-organiser un sommet sur la liberté d’information le mois prochain à Londres.
Nous critiquons ce genre d’hypocrisie chez des personnes de pouvoir, non parce que l’incohérence est une preuve évidente de faiblesse de caractère ou de vision stratégique, mais parce qu’elle illustre l’imposture et l’opportunisme de leurs opinions. Jeremy Hunt se moque de la liberté de presse. Jeremy Hunt se moque des abus du pouvoir sur les journalistes. Il se moque des notions dont il prétend se soucier. Quand on en arrive à parler de l’Empire occidental dont Hunt est un fidèle gardien, la politique est « liberté de presse pour moi mais pas pour toi ».
Les « valeurs libérales progressistes » que ces moulins à paroles hypocrites prétendent promouvoir lors de leurs conférences et leurs sommets ne sont ni progressistes ni démocratiques. Nous sommes dirigés par des sociopathes souriants qui nous vendent un fascisme-du-chic-type. Un Talon de fer avec un badge « Coexist ». Un masque de smiley sur une grimace haineuse et éclaboussée de sang.
Traduit par Stünzi pour le Saker francophone
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