L’attaque d’un champ pétrolier saoudien éloigné du Yémen marque la fin de la guerre contre ce pays.


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 17 aout 2019

Aujourd’hui, l’Arabie saoudite est finalement en train de perdre la guerre contre le Yémen. Elle n’a aucun moyen de défense contre les nouvelles armes que les Houthis du Yémen ont acquises. Ces armes menacent la base de l’économie saoudienne.

Voici l’attaque décisive d’aujourd’hui :

Des drones lancés par des rebelles yéménites houthis ont attaqué samedi un gigantesque champ de pétrole et de gaz au cœur du vaste désert d'Arabie saoudite, provoquant ce que le royaume a décrit comme un "incendie limité" lors de la deuxième attaque récente contre son importante industrie pétrolière. ...
La confirmation de l'attaque par les saoudiens a eu lieu quelques heures après que Yahia Sarie, un porte-parole militaire des houthis, a publié un communiqué vidéo dans lequel il affirmait que les rebelles avaient lancé 10 drones chargés de bombes visant le champs de pétrole au cours de la "plus grande opération jamais menée". Il a menacé d'autres attaques.

Nouveaux drones et missiles exposés en juillet 2019 par les forces armées Houthis au Yémen


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L’attaque d’aujourd’hui met les saoudiens en échec et mat. Shaybah se situe à environ 1 200 kilomètres (750 miles) du territoire contrôlé par les houthis. Il y a beaucoup d’autres objectifs économiques plus importants pouvant être touchés dans cette zone de tir :

La distance qui sépare ce champ pétrolier du territoire occupé par les rebelles yéménites démontre la portée des drones houthis. Selon les enquêteurs de l'ONU, le nouveau drone UAV-X utilisé par les houthis, utilisé ces derniers mois dans la guerre menée par la coalition saoudienne au Yémen, a probablement une portée pouvant atteindre 1 500 kilomètres (930 miles). Les champs de pétrole saoudiens, une centrale nucléaire en construction aux Émirats Arabes Unis et le très fréquenté aéroport international de Dubaï sont donc à portée de tir.

A la différence des drones sophistiqués qui utilisent des satellites pour permettre aux pilotes de les diriger à distance, les analystes pensent que les drones houthi sont probablement programmés pour atteindre une latitude et une longitude spécifiques et ne peuvent plus être contrôlés une fois hors de portée radio. Les houthis ont déjà utilisé des drones, qui peuvent être difficiles à suivre par radar, pour attaquer les batteries de missiles Patriot saoudiennes, ainsi que les troupes ennemies.

L’attaque démontre de manière concluante que les plus importantes infrastructures saoudiennes sont désormais menacées. Cette menace économique s’ajoute à un déficit budgétaire de 7 % que le FMI prévoit pour l’Arabie saoudite. D’autres bombardements saoudiens contre les Houthis auront désormais un coût supplémentaire très important qui pourrait même mettre en danger la viabilité de l’État saoudien. Les houthis tiennent le prince héritier Mohammad bin Salman par les couilles et peuvent les serrer à volonté.

Les drones et missiles utilisés par les Houthis sont des copies de modèles iraniens assemblés au Yémen avec l’aide d’experts libanais du Hezbollah. Il y a quatre jours, une délégation de Houthis s’est rendue en Iran. Au cours de la visite, l’Ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême, a admis publiquement pour la première fois que les Houthis avaient le soutien de l’Iran :

"Je déclare mon soutien à la résistance des croyants et croyantes du Yémen... Le peuple yéménite.... établira un gouvernement fort", a déclaré Khamenei lors d'une réunion avec le négociateur en chef du mouvement Houthi, Mohammed Abdul-Salam.

Khamenei, qui s'est entretenu pour la première fois à Téhéran avec un haut représentant Houthi, a également appelé à "une forte résistance contre les complots saoudiens visant à diviser le Yémen", a rapporté l'agence de presse semi-officielle Fars.

"Un Yémen unifié et cohérent, doté d'une intégrité souveraine, devrait être soutenu. Compte tenu de la diversité religieuse et ethnique au Yémen, la protection de l'intégrité du Yémen exige un dialogue national", a-t-il déclaré.

Cette visite à Téhéran prouve que les Houthis ne sont plus un mouvement méconnu et isolé :

Des représentants de l'Iran, de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, ainsi que du mouvement houthi yéménite Ansarullah ont échangé leurs opinions sur les moyens politiques de régler cette guerre qui se prolonge dans ce pays de la péninsule arabique.

La réunion s'est tenue samedi au ministère iranien des Affaires étrangères à Téhéran en présence de délégués venant d'Iran, d'Ansarullah et de quatre pays européens.

Les délégués présents à la réunion ont expliqué le point de vue de leurs gouvernements respectifs sur l'évolution de la situation au Yémen, y compris les développements politiques et sur les champs de bataille, ainsi que la situation humanitaire dans le pays. ...
Les délégués ont souligné la nécessité de mettre fin immédiatement à cette guerre et ont insisté pour que des mesures politiques soient prises comme solution ultime à cette crise.

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La guerre contre le Yémen, que MbS a débuté en mars 2015, s’est depuis longtemps avérée impossible à gagner. Maintenant, elle est définitivement perdue. Ni les États-Unis ni les européens ne viendront en aide aux saoudiens. Il n’existe aucun moyen technologique pour se protéger raisonnablement contre de telles attaques. Le Yémen pauvre aura vaincu la riche Arabie Saoudite.

La partie saoudienne devra accepter des négociations politiques de paix. La demande de réparation formulée par le Yémen sera dure à avaler. Mais les saoudiens n’auront pas d’autre choix que de se plier à ce que les houthis demandent.

Les Émirats arabes unis ont bien fait de se retirer du Yémen au cours des derniers mois. Leur objectif de guerre était de prendre le contrôle du port d’Aden. Son alliance avec les séparatistes du sud du Yémen qui contrôlent désormais la ville le garantit. Reste à savoir pour combien de temps puisque Khamenei refuse toute division du Yémen.

L’attaque d’aujourd’hui marque encore autre chose que la fin de la guerre contre le Yémen. Le fait que l’Iran ait fourni des drones d’une portée de 1 500 kilomètres à ses alliés au Yémen signifie que ses alliés au Liban, en Syrie et en Irak ont accès à des moyens similaires.

Israël et la Turquie devront en tenir compte. Les bases américaines le long du golfe Persique et en Afghanistan doivent également faire attention. L’Iran dispose non seulement de missiles balistiques pour attaquer ces bases, mais aussi de drones contre lesquels les systèmes américains de missiles et de défense aérienne sont plus ou moins inutiles. Seuls les Émirats arabes unis, qui ont acheté des systèmes de défense aérienne russes Pantsir S-1 sur châssis de camion MAN allemand (!), ont certaines capacités pour se défendre contre ces drones. Le Pentagone adorerait probablement en acheter.


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C’est l’utilisation par les États-Unis de drones furtifs contre l’Iran qui a permis à ce dernier d’en capturer un, de l’analyser et de le cloner. Le vaste programme de drones iranien est indigène et assez ancien, mais il a bénéficié de la technologie que les États-Unis ont involontairement fournie.

Toutes les guerres que les États-Unis et leurs alliés ont menées au Moyen-Orient contre l’Afghanistan (2001), l’Irak (2003), le Liban (2006), la Syrie (2011), l’Irak (2014) et le Yémen (2015) n’ont finalement abouties qu’à renforcer l’Iran et ses alliés.

Il y aurait une leçon à en tirer. Mais je doute que le Borg de Washington DC ait la capacité de la comprendre.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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