L’armée russe – ce vieux tas de ferraille – vient de mettre l’Occident en état de choc

Note du Saker Francophone

Nous publions un article paru dans la grande presse britannique. Comme nos lecteurs le noteront, il reprend la propagande anti-russe classique – la perfidie britannique en plus. Mais il est intéressant que ce journal prenne au sérieux le changement dans les rapports de force, et cesse de considérer la Russie comme un pays has been. Est-ce une première étape vers l'annonce d'une remontée massive des crédits militaires à l'Ouest ?

Par Kim Sengupta – Le 30 janvier 2016 – Source The Independant

Russia-bomber

Un bombardier Su-24 – conçu dans les années 1960 – se pose sur la base aérienne de Hmeimin, en Syrie

Leur armement et leur stratégie étaient dépassés ; les bombes et les missiles de leurs forces aériennes étaient plus stupides qu’intelligents ; leur marine était plus rouillée qu’opérationnelle. Depuis des années, voilà ce que pensaient, avec condescendance, les responsables militaires occidentaux de leurs homologues russes. Ce qu’ils ont vu en Syrie et en Ukraine leur a fait un choc.

Il est arrivé que les chasseurs russes fassent plus de sorties par jour en Syrie que ceux de toute la coalition emmenée par les États-Unis n’en faisaient en un mois. La marine russe a tiré des missiles balistiques à partir de la mer Caspienne, à 1 500 kilomètres de là, et a maintenu les lignes logistiques ouvertes jusqu’à la Syrie. Les défenses sol-air installées par les Russes en Syrie et en Ukraine de l’Est ont rendu des frappes aériennes contre Assad ou les séparatistes ukrainiens très risquées pour l’Ouest.

«C’est à en pleurer…» C’est avec ces mots que le Lieutenant-général Ben Hodges, commandant en chef de l’US Army en Europe, a décrit les avancées russes en guerre électronique, en Syrie et en Ukraine – dans ce dernier cas, un théâtre d’opérations où l’armée russe est supposée être en renfort.

Son homologue pour les opérations de l’US Air Force en Europe et en Afrique, le Lieutenant-général Frank Gorenc, a révélé que Moscou déploie maintenant des systèmes sol-air en Crimée, région que le Kremlin a arrachée à l’Ukraine l’an dernier [c’est un quotidien britannique qui écrit, NdT], et à Kaliningrad, une enclave russe entre la Pologne et la Lituanie. Le résultat, explique-t-il, est que cela va rendre «très, très difficile» pour les avions de l’Otan de se rendre en toute sécurité dans certaines zones, notamment en Pologne.

Et il n’y a pas que les membres de l’Otan qui regardent les Russes avec inquiétude. Israël, aussi, surveille la mise en place des armements russes de l’autre côté de sa frontière nord, en Syrie, et se demande jusqu’où cela va aller. Leur inquiétude est que les équipements avancés déjà en place au Moyen-Orient ne se retrouvent en Iran, qui est vu comme une menace existentielle pour l’État hébreu, ou chez les autres État arabes, effaçant ainsi la supériorité aérienne israélienne – le principal avantage qu’Israël a sur ses voisins.

Su-34

Le Su-34, nouveau visage de l’armée russe

C’est cette puissance militaire qui sous-tend les triomphes stratégiques du président Vladimir Poutine. Son intervention en Syrie a changé la donne, et ce qui se passe aujourd’hui là-bas, est, en grande partie, sous son contrôle. Le conflit ukrainien est semi-gelé, selon ses volontés. Les Russes se sont alliés aux Kurdes, complètement imperméables à la colère turque qui s’en est suivie. Et, élément très important, ils sont revenus en Égypte à un niveau que l’on n’avait pas vu depuis 44 ans, lorsqu’ils en avaient été chassés par le président Anouar el-Sadate.

L’un des analystes les plus chevronnés du renseignement militaire israélien le déclarait la semaine dernière à The Independant : «Quiconque veut faire quelque chose dans la région doit aller à Moscou.»

Poutine doit apprécier la signification de ces déclarations occidentales : «Pour la première fois ces armes existent, elles sont parfaitement au point, et ce sont des militaires parfaitement entraînés qui les utilisent. On voit maintenant que la Russie est prête à les utiliser si c’est dans l’intérêt de notre pays et de notre peuple.»

En Syrie, les Russes ont effectué jusqu’à 96 sorties aériennes par jour, autant que la coalition menée par les États-Unis… en un mois. C’est un contraste saisissant, comme le remarquent les planificateurs militaires occidentaux, avec les problèmes logistiques qu’a connu l’Otan lors des campagnes de bombardement sur la Libye et le Kosovo.

Une explication à ce faible nombre de sorties de la coalition est que ses membres sunnites n’ont effectué que très peu de missions, se concentrant plutôt sur les rebelles Houthis au Yémen, soutenus par l’Iran. Tandis que la Turquie, elle, bombarde bien plus les Kurdes que État islamique.

Les responsables militaires occidentaux soulignent également le fait que les Russes frappent d’autres groupes rebelles, sous le prétexte d’attaquer État islamique et qu’ils sont moins regardants dans leur ciblage, parce qu’ils sont moins sensibles aux pertes civiles et à cause du manque de précision de leurs armes [le point de vue britannique officiel, NdT].

Mais la Russie n’a jamais annoncé qu’elle n’attaquerait que État islamique. Bien au contraire, les Russes ont déclaré qu’ils cibleraient «tous les terroristes». Et cela inclut, comme le souhaitent MM. Poutine et al-Assad, de nombreux groupes de rebelles modérés [terminologie occidentale, NdT]. L’expérience des guerres de Tchétchénie a montré que le Kremlin est mieux préparé que l’Ouest pour ignorer les dommages collatéraux. Il est aussi avéré que les Russes n’avaient pas assez de missiles ni de bombes guidées dans la première phase de leur intervention syrienne : l’affirmation de Moscou selon laquelle elle n’a utilisé que des armes de précision ne résiste pas à l’examen.

Les avions, missiles et bombes utilisés au début furent un mélange de vieux matériels datant de l’époque soviétique, et de matériels relativement récents. Il y a 34 appareils à voilure fixe basés à Lattaquié : des chasseurs-bombardiers, 12 Su-25 et 4 Su-30SM ; 12 vieux Su-24M2 et 6 Su-34. Il y a aussi des hélicoptères et un nombre non précisé de drones.

Néanmoins, la plupart des matériels récents, les Su-34 – nom de code Otan: Fullback – ont remplacé les vieux appareils. Une raison en est qu’un avion comme le Su-25 – un vétéran des guerres de Tchétchénie et de Géorgie – est vulnérable aux systèmes sol-air tirés à l’épaule, des systèmes que, comme Moscou le suspecte, la Turquie et l’Arabie saoudite ont donnés aux rebelles sunnites.

L’envoi décidé par le Kremlin de systèmes sol-air avancés a été accéléré à cause de l’élimination d’un avion russe par les Turcs. Le système S-400 Triomphe est une source de grande inquiétude en Israël s’il devait tomber dans de mauvaises mains. Il possède un radar qui balaie le ciel en permanence, et une batterie de missiles qui peuvent abattre une cible à plus de 300 kilomètres. Un de ces systèmes est positionné sur la base russe de Lattaquié et couvre la moitié de l’espace aérien israélien.

Le déploiement d’équipements de guerre électronique russes en Ukraine et en Syrie, comme le Krasukha-4 qui peut brouiller les systèmes Awacs et les satellites-radars, a été une autre sombre expérience pour l’Otan. Ronald Pontius, adjoint au commandement de la guerre électronique à l’US Army, a déclaré : «Nous arrivons forcément à la conclusion que nous ne pouvons plus suivre la menace.»

Le Général Gorenc, tout en déplorant la prolifération d’armements sophistiqués par la Russie et en s’inquiétant au sujet des capacités de l’Otan, reconnaissait que la Russie n’avait contrevenu à aucun accord international et avait «tous les droits» de déployer ces systèmes. En Syrie, selon lui, les Russes «utilisent des missiles de croisières et des bombardiers. Il est clair qu’ils veulent montrer leur capacité à peser non seulement sur les événement régionaux, mais sur la situation mondiale».

Conclusion : l’Occident est devant un choix. Soit réagir en relançant une nouvelle confrontation avec Moscou, soit mieux s’accommoder de la situation.

Kim Sengupta

Lien

Analyse de dedefensa.org : La référence militaire russe et l’hyperimpuissance-BAO

Concernant la Syrie ou plus largement l’arment Russe, je vous conseille les articles de Valentin Vasilescu, sur reseauinternational. Valentin est un  ancien pilote de chasse roumain

Traduit par Ludovic, vérifié par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone

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