Semaine 16 de l’intervention russe en Syrie


Bientôt une invasion par les États-Unis ? …ou simplement une vedette américaine du show


Saker US

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Par le Saker US – Le 31 janvier 2016 – Source thesaker.is

Cette semaine a été marquée par des succès importants de l’Armée syrienne dans la région de Sheikh Miskeen de la province de Daraa dans le sud du pays. Entre-temps, dans le nord, l’Armée syrienne poursuit son offensive au nord de la base aérienne stratégique de Kuweires. Mais ces succès militaires ont été éclipsés par des rumeurs de l’installation par les États-Unis d’une base aérienne au nord de la Syrie, peut-être près de Rmeilan, une ville dans le gouvernorat de al-Hasakah au nord-est du pays, et que cela pourrait être la préparation d’une intervention au sol des États-Unis. Fait intéressant, les médias étasuniens ont aussi commencé à faire circuler des rumeurs selon lesquelles les Russes installaient une seconde base aérienne au nord de la Syrie. Erdogan a même déclaré qu’il ne tolérerait pas une seconde base aérienne russe dans la Syrie kurde. Et ensuite, évidemment, il y a eu la déclaration de Joe Biden, évoquant une solution militaire étasunienne en Syrie si aucune solution négociée n’était trouvée.

Écoutez-le clamer ( en anglais) que les États-Unis sont capables d’«éliminer Daech».

Quant au secrétaire à la Défense Ashton Carter, il a déclaré que la 101e Division aéroportée serait bientôt déployée en Irak pour combattre Daech à Mossoul, et en Syrie pour combattre Daech à Raqqa (et voilà pour les seize promesses d’Obama de ne pas envoyer de bottes américaines sur le terrain !). Comme on pouvait s’y attendre, ces rumeurs ont abouti à quelques gros titres assez sauvages, par exemple celui-ci : America and Turkey begin Ground Invasion of Syria. How Will Russia Respond? [L’Amérique et la Turquie commencent l’invasion terrestre de la Syrie. Comment la Russie va-t-elle répondre ?] C’est tout à fait exagéré, c’est vraiment le moins qu’on puisse dire. Mais regardons ce qui se trame réellement.

D’abord, il est assez peu probable que toute la 101e Division soit déployée dans la région. Tout au plus, nous parlons de quelques bataillons, peut-être une équipe de combat, mais à peine suffisante pour constituer une force d’invasion. Par ailleurs, la 101e est une division d’infanterie légère qui n’est tout simplement pas adaptée pour un rôle d’invasion terrestre. Dans une guerre conventionnelle, la 101e soutiendrait les troupes régulières au sol, mais ne les remplacerait pas. Dans une guerre contre-insurrectionnelle, la 101e pourrait faire beaucoup de choses, y compris des opérations de sécurité anti-terroristes, entraîner les forces locales, collecter des renseignements, etc. Mais imaginer que la 101e descendrait du nord de la Syrie vers Damas pour renverser Assad n’est tout simplement pas réaliste. Quant à l’aérodrome que les États-Unis auraient repris au nord de l’Irak, jetez un œil sur une carte pour voir par vous-même où il est situé : très loin dans un coin au nord du pays, près des frontières turque et irakienne, mais très très loin de la ville de Damas ou des radars russes en Méditerranée ou à Lattaquié.

Les Américains ont annoncé qu’ils projetaient une offensive en deux volets, une sur Mossoul et une autre sur Raqqa. Considérant que les États-Unis ont déjà des bases aériennes en Turquie et en Irak, la seule chose que cette piste assez primitive (utilisée dans des buts agricoles par le passé, c’est-à-dire la pulvérisation des cultures) pourrait leur apporter est un endroit pratique pour faire venir du personnel spécialisé dans la région et l’en faire repartir, mais difficilement comme plaque tournante pour une force d’invasion importante. En outre, ce n’est pas encore clair si les éléments de la 101e seront déployés seulement en Irak ou aussi en Syrie. Au moins un magazine étasunien semble penser que plutôt que par une force de combat, la base aérienne de Rmeilan sera utilisée par diverses sortes de forces spéciales américaines, incluant des contrôleurs de combat, des troupes parachutistes de sauvetage, des météorologues pour les opérations spéciales et d’autres membres des JSOC (Joint Special Operations Command). Si c’est ça, alors nous parlons d’une petite force spécialisée, et pas d’une invasion terrestre d’aucune sorte.

À mon avis, indépendamment des déclarations publiques de Biden et Carter, il est trop tôt pour déterminer ce que Oncle Sam projette de faire prochainement en Syrie. L’aérodrome de Rmeilan n’est très probablement vu par les États-Unis que comme un bon endroit pour établir une présence et garder des options ouvertes. Je ne crois pas une seconde que les États-Unis aient une intention quelconque d’envahir la Syrie, et s’ils l’avaient, nous verrions un effort logistique beaucoup plus grand et la concentration de plusieurs importantes formations venant de différentes directions (la Turquie et la Jordanie, peut-être l’Irak). Dans ce cas, Rmeilan pourrait être utilisé pour les hélicoptères américains mais pas pour des avions, du moins pas sans une modernisation de la / des piste(s) et de l’infrastructure.

Et qu’en est-il de la question, plus importante, de savoir si les États-Unis ont une solution militaire pour la Syrie ? Est-ce vraiment une possibilité ? Je ne le pense pas pour une raison très simple : la seule force là-bas qui peut battre Daech sur le terrain est l’Armée syrienne. Même les Iraniens et le Hezbollah n’ont pas, du moins pour le moment, le niveau des forces nécessaires pour le faire. En termes strictement militaires, la Turquie ou l’Iran pourraient, je suppose, lancer une invasion à grande échelle, mais les coûts politiques seraient prohibitifs. En plus, les Turcs n’ont probablement pas l’estomac pour une guerre aussi sanglante sans stratégie de sortie claire. Tout au plus les Turcs veulent-ils s’emparer d’une bande de territoire au nord de la Syrie et garder les Kurdes sous leur domination. Contrairement aux Turcs, les Iraniens pourraient au moins être invités légalement par les Syriens, mais cela calmerait à peine les États-Unis, l’Arabie saoudite ou les Turcs, qui seraient absolument furieux d’une telle manœuvre iranienne. Comme il vient de remporter une victoire diplomatique majeure sur les États-Unis et Israël, l’Iran ne désire probablement pas du tout provoquer déjà une nouvelle grande crise. Enfin, comme je l’ai dit un million de fois, «les Russes n’arrivent pas». Par conséquent, cela veut dire que la seule force capable de combattre Daech est l’Armée syrienne et je ne vois pas que les États-Unis soient capables de fournir nulle part le niveau d’engagement de forces qui leur permettrait d’être un acteur crédible dans cette guerre.

Les Syriens sur le terrain, les Russes dans le ciel, et un peu d’assistance spéciale de la part de l’Iran et du Hezbollah – c’est la seule alliance qui peut combattre Daech et lentement l’expulser de la plus grande partie de la Syrie. Les Américains semblent vouloir utiliser les Kurdes dans un rôle semblable à celui joué par l’Armée syrienne, des bottes sur le terrain, mais cela ignore totalement le fait que les Kurdes ne sont pas une force unique, qu’ils n’ont pas d’armée régulière, que ce ne sont pas des Arabes et que la Turquie, un allié essentiel dans toute opération des États-Unis, ne permettront jamais que les Kurdes jouent un rôle régional important. Il est possible que les Kurdes, les Américains et les Irakiens puissent ensemble reprendre Mossoul, surtout contre un Daech affaibli. Quant à reprendre Raqqa, je ne le vois pas arriver, mais peut-être que je me trompe et que Daech est encore plus faible que je ne le pense. Mais c’est comme ça. Si c’est ce que Biden appelle une solution militaire, alors le mot est très mal choisi. Tout au plus et personnellement, j’appellerais ça une une vedette américaine.

The Saker

L’article original est paru sur Unz Review

Traduit par Diane, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker francophone

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