La guerre froide 2.0 a atteint des niveaux hystériques sans précédent. Et pourtant une guerre chaude n’est pas sur le point d’éclater – ni avant ni après l’élection présidentielle américaine du 8 novembre.
Par Pepe Escobar – Le 25 octobre 2016 – Source sputniknews
Depuis la (cash) machine Clinton – soutenue par un groupe de cercles de réflexion néocons / néolibérauxcons – jusqu’à l’establishment britannique et à ses porte-parole des médias de masse, les – autoproclamés – leaders du monde libre anglo-américains font chauffer la diabolisation de la Russie et du Poutinisme jusqu’à un point d’incandescence pure.
Et pourtant, une guerre chaude n’est pas sur le point d’éclater – avant ou après l’élection présidentielle américaine du 8 novembre. Tant d’amoncellement de peur et de dégoût ne fait que voiler la réalité d’un bluff.
Commençons par la force d’intervention navale russe en Syrie, dirigée par le navire Amiral Kouznetsov officiellement désigné comme un «croiseur lourd porteur d’aéronefs » [en fait un porte-avions, mais cette dénomination n’existe pas dans la marine russe, NdT], qui sera stationné en Méditerranée orientale au moins jusqu’en février 2017, en soutien des opérations contre toutes les espèces du djihadisme salafiste.
L’amiral Kouznetsov est entièrement équipé de systèmes anti-navires, de défense aérienne, d’artillerie et de lutte anti-sous-marine – et peut se défendre contre une vaste gamme de menaces, contrairement aux navires de l’OTAN.
Comme on pouvait s’y attendre, l’OTAN brode avec inquiétude racontant que «toute la Flotte du Nord», avec la flotte de la Baltique, est sur le chemin de la Méditerranée. Faux ! Ce n’est qu’une partie de la Flotte du Nord, et les navires de la flotte de la Baltique ne vont nulle part.
Le cœur de la question est que lorsque les capacités de cette force navale russe sont accouplées avec les systèmes de missiles S-300 / S-400 déjà déployés en Syrie, la Russie rivalisera, de facto, avec la puissance de feu de la Sixième Flotte américaine.
Pour couronner le tout, comme le montre clairement cette analyse militaire exhaustive, la Russie «a, de fait, créé sa propre zone d’exclusion aérienne sur la Syrie». La zone d’exclusion aérienne américaine, viscéralement promue par Hillary Clinton, «est maintenant impossible à réaliser». Cela devrait suffire à mettre en perspective l’impuissance transmuée en colère pure manifestée par le Pentagone et ses vassaux néocons.
Ajoutez à cela la guerre ouverte entre le Pentagone et la CIA sur le théâtre de guerre syrien, où le Pentagone soutient les Kurdes du YPG, qui ne sont pas nécessairement en faveur d’un changement de régime à Damas, alors que la CIA soutient l’armement des modérés, dont des rebelles liés à al-Qaïda et / ou infiltrés.
Considérant l’administration Obama des Trois pieds nickelés de la politique étrangère, les menaces américaines ont volé plus généreusement que la sanglante massue à écrabouiller les boîtes crâniennes de Negan dans la nouvelle saison de The Walking Dead. Le chef du Pentagone, Ash Carter, un néocon certifié, a menacé de conséquences, comme des frappes potentielles contre les forces de l’armée arabe syrienne pour «punir le régime» après que le Pentagone a lui-même brisé le cessez-le-feu Kerry/Lavrov. Le président Obama a pris son temps pour peser ses options. Et à la fin, il a reculé. Il appartiendra à la pratiquement élue – par l’ensemble de l’establishment américain – Hillary Clinton de prendre la décision fatale. Elle ne sera pas en mesure d’obtenir une zone d’exclusion aérienne – parce que la Russie le fait déjà. Et si elle décide de «punir le régime», Moscou a déjà télégraphié, via le porte-parole du ministère russe de la Défense, le major-général Igor Konachenkov, qu’il y aura très certainement des conséquences pour imposer une guerre chaude de l’ombre.
Sun Tzu ne fait pas la première frappe
Washington, bien sûr, se réserve une capacité nucléaire de première frappe, ce que Hillary Clinton appuie pleinement – Donald Trump ne le fait pas, et pour cela il est aussi diabolisé. Si nous permettons à l’hystérie actuelle d’aller littéralement jusqu’au nucléaire, alors nous devons considérer la question du système anti-missile S-500 – qui scelle efficacement l’espace aérien russe. Moscou ne l’admettra pas officiellement, car cela déclencherait une course aux armements sans relâche.
Une source des renseignements américains ayant des liens étroits avec les Maîtres de l’Univers, mais en même temps opposée à la Guerre froide 2.0 car elle est contre-productive, ajoute la nuance nécessaire : «Les États-Unis ont perdu la course aux armements, dépensant des milliards de dollars dans des guerres sans valeur et sans fin en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, et maintenant ils ne sont plus une puissance mondiale car ils ne peuvent pas se défendre – avec des missiles obsolètes, THAAD, Patriot et Aegis Land Based Balistic Defence System – contre les ICBM russes. Les Russes ont scellé leur espace aérien. Les Russes ont peut-être jusqu’à quatre générations d’avance sur nous.»
En outre, dans les profonds recoins de la planification de la guerre de l’ombre, le Pentagone sait, et le ministère de la Défense russe sait aussi, que dans le cas où un émule de Dr Folamour lancerait une attaque nucléaire préventive contre la Russie, la population russe serait protégée par un système de missiles défensifs – ainsi que par des abris anti-nucléaires dans les grandes villes. Les avertissements à la télévision russe n’ont pas manqué. La population saurait où aller si l’événement terrifiant d’une guerre nucléaire devait se produire.
Inutile d’ajouter que la terrible possibilité de la première frappe nucléaire, par les États-Unis, transforme tous ces jeux de guerre de l’OTAN en Europe de l’Est – du genre Seconde Guerre mondiale – en une cascade de propagande sans signification.
Alors, comment Moscou a-t-il planifié tout cela ? Selon la source de renseignement américaine, «ils ont retiré la quasi-totalité du budget militaire de leur budget fédéral déclaré, apaisant l’Occident en lui faisant croire que la Russie ne pouvait pas se permettre une accumulation militaire massive et qu’il n’y avait rien à craindre car la Russie était finie comme puissance mondiale. Le budget [déclaré] militaire était à peu près rien, donc il n’y avait rien à craindre en ce qui concerne la CIA. Si Poutine avait montré publiquement son gigantesque accroissement militaire, l’Occident aurait pu prendre des mesures correctives immédiates, comme en 2014 en écrasant le prix du pétrole.»
Le résultat final révèle alors que le Pentagone n’est pas tout à fait préparé à une guerre chaude – même s’il menace et bluffe maintenant quotidiennement la Russie. «Comme Brzezinski l’a souligné, si tel est le cas, cela signifie que les États-Unis ont cessé d’être une puissance mondiale. Les États-Unis peuvent continuer à bluffer, mais ceux qui s’allient avec eux n’auront nulle part où aller si ce bluff est dénoncé, comme c’est le cas maintenant en Syrie.»
La source américaine du renseignement est inflexible : «L’une des plus grandes accumulations militaires dans l’Histoire a eu lieu juste sous le nez de la dirigeante de la Banque centrale russe Elvira Nabiullina et du ministère russe des Finances, pendant que la CIA attendait l’effondrement de la Russie qu’ils considéraient comme inévitable. La CIA attendra éternellement que la Russie s’effondre. Cette manœuvre du KGB est du pur génie. Et démontre que la CIA, qui est tellement noyée par les entrées de données qu’elle ne peut pas connecter les points de la silhouette sur quelque sujet que ce soit, doit être complètement réorganisée. En outre, tout le système d’approvisionnement de l’armée des États-Unis doit également être réorganisé, car il ne pourra jamais suivre si de nouveaux programmes d’armes comme le F-35 prennent vingt ans à développer pour se retrouver obsolètes avant même d’entrer en service. Les Russes ont un programme quinquennal de développement pour chaque nouveau système d’armement et ils sont loin devant nous dans tous les domaines clés.»
Si cette analyse est correcte, elle va à l’encontre des estimations russes les meilleures et les plus précises, selon lesquelles son potentiel militaire est peut-être fort, asymétrique, mais encore bien inférieur à la puissance militaire américaine.
Les analystes occidentaux bien informés savent que Moscou ne se vante jamais de ses avancée militaires – et a maîtrisé l’élément de surprise à la perfection. Beaucoup plus que de dénoncer un bluff, ce sont les tactiques de Sun Tzu employées par Moscou qui cliquettent bruyamment à Washington.
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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