Par Jim Dean – Le 15 juillet 2019 – Source New Eastern Outlook
La semaine dernière, la Réserve fédérale et la Commission européenne ont fait deux déclarations apparemment non coordonnées, mais cela ne pouvait pas tomber à un meilleur moment. Je commencerai par le témoignage du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, devant la Commission des services financiers de la Chambre.
Il a envoyé un signal indiquant qu’une première baisse des taux d’intérêt était à prévoir car c’est la plus longue expansion [économique, NdT] que les États-Unis aient jamais connue avant une correction majeure. Pour moi, la phrase la plus importante de son témoignage était :
"L'essentiel pour moi est que les incertitudes entourant la croissance et le commerce mondiaux continuent de peser sur les perspectives... de plus, l'inflation continue d'être modérée." Le marché boursier a connu une hausse de quelques points, à peine digne de mention, mais les taux d'intérêt ont grimpé rapidement aux infos.
De l’autre côté de l’Atlantique, la Commission de l’UE raconte son histoire économique incertaine. La prévision de croissance annuelle passait de 1,9 % en 2018 à 1,4 % en 2019 et se « raffermirait » à 1,6 % en 2020. Mais l’éléphant dans le salon, le Brexit, n’a pas été pris en compte dans cette projection.
Tout le monde sait qu’un Brexit dur aura un impact négatif beaucoup plus important sur l’UE et la Grande-Bretagne qu’un Brexit mou ; et personne, y compris les Britanniques, ne sait ce que la Grande-Bretagne va faire. Elle a son propre État Profond qui aime prendre ces décisions par lui-même.
C’était l’une des « incertitudes » que le président de la Fed, M. Powell, a évoquées, car il y en a beaucoup. Est-ce que nous approchons d’un point de basculement où un mauvais pas pourrait faire tomber le château de cartes en ruine ?
Mes ancêtres, du côté de ma mère, étaient des Sudistes, un peuple avec un grand inventaire d’expressions colorées que j’ai apprises quand j’étais enfant. L’un de mes préférés quand j’étais jeune garçon était « ne t’inquiète pas pour la mule, charge juste le chariot ». C’était un dicton créé pour taquiner les gens du Sud au sujet de leur attitude décontractée et de ce que certains considéraient comme leur peu d’intérêt à s’inquiéter du lendemain.
Trump a harcelé le président de la Fed, M. Powell, pour ses hausses de taux, de peur qu’elles ne déclenchent la correction boursière dont tout le monde sait qu’elle doit survenir à un moment ou à un autre. Trump préférerait que ça arrive après sa réélection, bien sûr. Mais cela montre l’orientation à court terme que les politiciens peuvent avoir et qui ne sert pas les intérêts à long terme du pays, ceux du peuple, mais ceux de l’État profond.
La Commission de l’UE a dû se faire le relai de Powell, comme l’indique la ligne clé de sa déclaration prévisionnelle :
"Les perspectives en matière de commerce et d'investissement continuent d'être assombries par le protectionnisme et l'incertitude.»
Je suis tout à fait d’accord sur ce point et j’irai beaucoup plus loin. Le succès de l’intégration européenne elle-même est assombri par l’incertitude. Je ne m’en prends pas ici à l’UE, ni à la deuxième plus grande économie du monde après les États-Unis.
L’été dernier, l’historien de l’Université de Columbia, Adam Tooze, a publié son essai sur le grand krach financier aux États-Unis qui a provoqué un raz-de-marée dans le monde entier.
Noah Smith a passé en revue le livre en avril de cette année, tout en s’extasiant devant le fait qu’il s’agissait d’un livre unique qui contenait tout ce que vous aviez besoin de savoir sur la catastrophe qui a touché tant de vies. Smith y explique :
"...La victoire du référendum pour quitter l'UE, qui menace maintenant d'infliger des dommages permanents au Royaume-Uni, a été précipitée en partie par l'incapacité des institutions européennes à faire face à la crise de la dette souveraine au début des années 2010... L'intégration européenne a été un projet fragile dès le début. Contrairement aux États-Unis, l'UE était fragmentée sur le plan linguistique, avec de nombreux siècles d'histoire de conflits politiques."
Tout ce chaos m’amène à penser que la mentalité du « ne vous inquiétez pas pour la mule, chargez juste le chariot » est bien vivante à l’échelle internationale maintenant. Nous avons la même attitude de non inquiétude comme nous l’avions avant le grand crash, avec le risque supplémentaire d’une guerre majeure au Moyen-Orient, pour en rajouter au chaos.
Alors que le changement climatique réchauffe le monde, un nombre croissant d’espèces sont sous pression et disparaissent. De même, la communauté économique internationale ne peut faire face qu’à un nombre limité de guerres en cours et à petite échelle, au chaos politique et aux sanctions, ainsi qu’aux menaces sans fin émanant de la vedette de télé-réalité de la Maison-Blanche, avant que les perspectives économiques ne deviennent très mauvaises pour tous, n’attendant qu’une grosse erreur pour se déclencher.
La liste des conflits est déjà longue et s’allonge encore. Les Palestiniens se sont vus offrir l’exil vers le désert égyptien comme « l’accord du siècle ». Le peuple afghan célèbre les 20 ans de conflit et d’invasion américaine dans ce pays ; et les talibans « cherchent la paix », se présentent aux négociations, mais continuent toujours d’attaquer les installations militaires, civiles et même électorales pendant les pourparlers.
Le coup d’État ukrainien mené par les États-Unis et l’OTAN a explosé au visage de l’État Profond, et les coupables n’ont pas réussi à s’emparer de l’importante base russe de la mer Noire. Les sanctions à l’encontre de la Russie n’ont pas ouvert la voie à la prise de pouvoir de l’opposition russe soutenue par les États-Unis, car le peuple russe ne veut pas de l’ingérence américaine dans les élections de son pays.
Les États-Unis et Trump parcourent la planète comme un taureau enragé, avec Twitter en guise de fouet et un cavalier qui se répète sans cesse à force de parler sans dire grand-chose et changer d’avis le lendemain. Des accords sont conclus, puis rompus ; des traités sont annulés ; et le bon navire America tire des salves de canons de sanctions contre ses alliés et ses adversaires de la guerre froide, tandis que la dette nationale américaine continue d’augmenter sans qu’une fin soit en vue.
L’ONU est traitée comme un paillasson, une mauvaise plaisanterie, une organisation qui ne peut même pas faire pression sur un pays désertique dirigé par un clan tribal pour qu’il mette fin au conflit et à ses crimes de guerre au Yémen. Les forces militaires des pays occidentaux sont déployées, non pas pour défendre les intérêts occidentaux mais pour les faire respecter au canon, comme nous l’avons vu à Gibraltar avec le détournement par les Britanniques du pétrolier loué par l’Iran.
Le secrétaire d’État Pompeo a été filmé en train de raconter à la foule que « quand j’étais à la CIA, nous avons menti, triché et volé, et nous avions des cours de formation sur la façon de le faire », et le public a bien ri. Et attention, cela se passe en temps de paix. Les attaques sous faux drapeaux sont devenues une forme d’art majeure des agences de renseignement, avec le petit Israël qui court avec les grands pour savoir ce qu’il peut faire pour en tirer le maximum.
Nous nous trouvons avec les États-Unis qui veulent une coalition permanente de navires de guerre pour protéger le transport maritime international, pensant qu’ils peuvent bloquer toutes les exportations de pétrole iranien pour mettre le pays à genoux et à la table des négociations et l’obliger à accepter un « mauvais accord ».
Il ne s’agit pas du tout d’une mesure défensive, mais d’une mesure offensive visant à bloquer les ports iraniens, à les forcer à réagir et à obtenir la guerre de changement de régime que les États-Unis et Israël ont toujours souhaitée avoir contre l’Iran.
L’Iran a promis, à juste titre, que si ses exportations de pétrole étaient bloquées, celles de tous les autres pays du golfe Persique le seraient également, ce qui ferait grimper les prix du pétrole et provoquerait une crise financière.
Je terminerai par une citation d’un merveilleux article de Joseph Thomas, le 7 juillet, intitulé «US vs China : La Guerre des Smartphones.»
"Qu'il s'agisse de tentatives de la part des États-Unis de miner la confiance dans l'économie d'un pays, de salir l'industrie touristique d'un pays, d'inverser le succès mondial d'entreprises comme Huawei ou même de saboter les accords énergétiques conclus par leurs propres alliés avec des pays que Washington considère comme des adversaires, ce qui constitue une guerre économique très dangereuse menée par les États-Unis demeure une menace critique pour la paix et la stabilité mondiales.»
Sur une note plus positive, les Britanniques semblent avoir terminé leur trip de LSD, là où ils ont saisi le pétrolier iranien, et cherchent un moyen de sauver la face pour s’en sortir. Un peu de bon sens survit encore à Londres.
Jim W. Dean
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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