La Pravda américaine : Comment Hitler a sauvé les Alliés


Par Ron Unz – Le 13 mai 2019 – Source Unz Review

Il y a quelques années, je lisais les mémoires de Sisley Huddleston, un journaliste américain vivant en France, pendant la Seconde guerre mondiale. Bien qu’oublié depuis longtemps, Huddleston avait passé des décennies comme l’un de nos correspondants étrangers les plus importants, et des douzaines de ses principaux articles avaient paru dans The Atlantic Monthly, The New Republic et Harpers, alors qu’il avait écrit quelque 19 livres. L’un de ses amis les plus anciens et les plus proches était William Bullitt, l’ambassadeur américain en France, qui avait déjà ouvert notre première ambassade soviétique sous FDR.


La crédibilité de Huddleston semblait impeccable, c’est pourquoi j’ai été si choqué par son témoignage de première main sur Vichy en temps de guerre, totalement contraire à ce que j’avais appris dans mes manuels d’histoire. J’avais toujours eu l’impression que le régime collaborationniste de Pétain avait peu de légitimité, mais ce n’était pas du tout le cas. Des majorités quasi unanimes des deux chambres du parlement français, dûment élues, avaient élu le vieux maréchal en dépit de ses profondes réticences personnelles, le considérant comme le seul espoir comme sauveur national unificateur de la France après la défaite écrasante de ce pays en 1940 face à Hitler.

Bien que les sympathies de Huddleston ne fussent guère en faveur des Allemands, il remarqua la correction scrupuleuse dont ils firent preuve à la suite de leur victoire écrasante, politique qui se poursuivit pendant les premières années de l’occupation. Et bien qu’il ait à quelques reprises rendu des services mineurs au mouvement naissant de la Résistance, lorsque le débarquement de Normandie en 1944 et le retrait allemand qui a suivi ont soudainement ouvert les portes du pouvoir aux forces anti-Pétainistes, celles-ci se sont engagées dans une orgie d’effusions de sang idéologiques, probablement sans précédent dans l’histoire française, dépassant largement le fameux règne de terreur de la révolution française, avec peut-être 100 000 civils ou plus massacrés sur la foi de preuves peu ou pas fondées, souvent uniquement pour régler leurs comptes personnels. Les exilés communistes de la guerre civile espagnole, qui avaient trouvé refuge en France après leur défaite, en ont profité pour renverser la vapeur et massacrer le même genre d’ennemis de classe « bourgeois » qui les avaient vaincus lors du conflit précédent, quelques années auparavant seulement.

Alors que je cherchais à comparer le témoignage de Huddleston au récit traditionnel de la France en temps de guerre que j’avais toujours pleinement accepté, la plupart des facteurs semblaient pencher en sa faveur. Après tout, ses références journalistiques étaient impeccables et, en tant qu’observateur direct et très bien informé des événements qu’il a rapportés, ses déclarations ont certainement compté pour beaucoup. Entre-temps, il est apparu que la plupart des récits classiques qui dominent nos livres d’histoire avaient été construits une génération ou deux plus tard par des écrivains vivant de l’autre côté de l’océan Atlantique, dont les conclusions pouvaient avoir été fortement influencées par le cadre idéologique noir et blanc qui avait été rigidement ancré dans les universités américaines de l’élite.

Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer une énorme faille dans le récit de Huddleston, une erreur si grave qu’elle a jeté de sérieux doutes sur sa crédibilité en tant que journaliste. Vers le début de son livre, il consacre une page environ à mentionner de façon fortuite qu’au début des années 1940, les Français et les Britanniques se préparaient à lancer une attaque contre l’Union soviétique, alors neutre, utilisant leurs bases en Syrie et en Irak pour une offensive de bombardement stratégique visant à détruire les champs de pétrole de Staline à Bakou dans le Caucase, alors une des principales sources mondiales de ce produit essentiel.

Évidemment, toutes les organisations militaires produisent une multitude de plans d’urgence pour toute éventualité couvrant toutes les situations et tous les adversaires possibles, mais Huddleston avait sans doute mal compris ces possibilités ou rumeurs, les prenants au premier degré. Selon lui, le bombardement de l’Union soviétique par les Alliés devait commencer le 15 mars, mais il a été retardé et reprogrammé pour diverses raisons politiques. Quelques semaines plus tard, les divisions de panzers allemands balayèrent la forêt ardennaise, encerclèrent les armées françaises et s’emparèrent de Paris, faisant avorter le projet de bombardement allié de la Russie.

Étant donné que l’URSS a joué un rôle de premier plan dans la défaite finale de l’Allemagne, une attaque précoce des Alliés contre la patrie soviétique aurait certainement changé l’issue de la guerre. Bien que les fantasmes bizarres de Huddleston aient eu raison de lui, il n’avait guère tort de s’exclamer « C’est passé si près ! »

L’idée que les Alliés se préparaient à lancer une offensive de bombardement majeure contre l’Union soviétique quelques mois seulement après le déclenchement de la Seconde guerre mondiale était évidemment absurde, si ridicule qu’aucune allusion à cette rumeur débridée depuis longtemps n’avait jamais été reprise dans les textes historiques standard que j’avais lus sur le conflit européen. Mais le fait que Huddleston se soit accroché à des croyances aussi absurdes, même plusieurs années après la fin de la guerre, a soulevé de grandes questions sur sa crédulité ou même sa santé mentale. Je me demandais si je pouvais lui faire confiance ne serait-ce qu’un seul mot sur autre chose.

Cependant, peu de temps après, je suis tombé avec surprise sur un article publié en 2017 dans The National Interest, un périodique éminemment respectable. Le court article portait le titre descriptif « Aux premiers jours de la Seconde guerre mondiale, la Grande-Bretagne et la France avaient l’intention de bombarder la Russie ». Le contenu m’a absolument sidéré, et avec la crédibilité de Huddleston maintenant pleinement établie – et la crédibilité de mes manuels d’histoire standard tout aussi démolie – je me suis inspiré de son récit pour mon long article « La Pravda Américaine : La France et l’Allemagne d’après-guerre ».

La Pravda américaine : La France et l'Allemagne de l'après-guerre
RON UNZ - 9 JUILLET 2018 - 6,600 MOTS

Je ne me considère guère comme un spécialiste de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, mais j’ai d’abord été profondément embarrassé d’avoir passé toute ma vie dans l’ignorance totale de ce tournant crucial et précoce de ce vaste conflit. Cependant, une fois que j’eus lu attentivement cet article dans The National Interest, ma honte s’est rapidement dissipée, car il était évident que l’auteur, Michael Peck, ainsi que ses rédacteurs en chef et ses lecteurs n’étaient pas au courant de ces faits longtemps enterrés. En effet, l’article avait été publié à l’origine en 2015, mais a été réédité quelques années plus tard en raison de l’énorme demande des lecteurs. Autant que je sache, cet essai de 1100 mots  constituait la première et la seule fois que les événements mémorables décrits avaient retenu l’attention du public au cours des soixante-dix années qui se sont écoulées depuis la fin de la guerre.

La discussion de Peck a grandement étoffé les remarques brèves et désinvoltes de Huddleston. Les hauts commandements français et britannique avaient préparé leur énorme offensive de bombardiers, l’opération Pike, dans l’espoir de détruire les ressources pétrolières de la Russie soviétique, et leurs vols de reconnaissance non marqués avaient déjà survolé Bakou en photographiant les emplacements des cibles visées. Les alliés étaient convaincus que la meilleure stratégie pour vaincre l’Allemagne était d’éliminer ses accès aux sources de pétrole et à d’autres matières premières vitales et, la Russie étant le principal fournisseur d’Hitler, ils décidèrent que la destruction des champs pétroliers soviétiques semblait une stratégie logique.

Toutefois, M. Peck a souligné les graves erreurs de ce raisonnement. En fait, seule une petite fraction du pétrole d’Hitler provenait de Russie, de sorte que l’impact réel d’une campagne, même entièrement réussie, aurait été faible. Et même si les commandants alliés étaient convaincus que des semaines de bombardements continus – qui représentaient apparemment la plus grande campagne de bombardements stratégiques au monde à cette date – élimineraient rapidement toute la production pétrolière soviétique, les événements ultérieurs de la guerre laissent entendre que ces projections étaient extrêmement optimistes, avec des attaques aériennes beaucoup plus importantes et plus puissantes qui, en général, causaient beaucoup moins de destruction permanente que prévu. Ainsi, les dommages causés aux Soviétiques n’auraient probablement pas été importants, et l’alliance militaire complète entre Hitler et Staline qui en aurait résulté aurait certainement inversé l’issue de la guerre. Ceci a été reflété dans le titre original en 2015 du même article « Opération Pike : Comment un plan fou pour bombarder la Russie a failli faire perdre la Seconde guerre mondiale ».

Mais si le recul nous permet de reconnaître les conséquences désastreuses de ce plan de bombardement malheureux, nous ne devons pas être trop durs avec les dirigeants politiques et les stratèges de l’époque. La technologie militaire était en constante évolution, et les faits qui semblaient évidents en 1943 ou 1944 étaient beaucoup moins clairs au début du conflit. D’après leur expérience de la Première guerre mondiale, la plupart des analystes pensaient que ni les Allemands ni les alliés n’avaient l’espoir de réaliser une percée précoce sur le front occidental, tandis que les Soviétiques étaient soupçonnés d’être une puissance militaire faible, constituant peut-être le « ventre mou » de la machine de guerre allemande.

En outre, certaines des conséquences politiques les plus graves d’une attaque alliée contre l’Union soviétique auraient été totalement inconnues des dirigeants français et britanniques de l’époque. Bien qu’ils étaient certainement conscients des puissants mouvements communistes dans leur propre pays, tous étroitement liés à l’URSS, ce n’est que bien des années plus tard qu’il est devenu clair que la haute direction de l’administration Roosevelt était infiltrée par de nombreux agents pleinement fidèles à Staline, la preuve finale attendant la libération des décryptages de Venona dans les années 1990. Ainsi, si les forces alliées étaient soudainement entrées en guerre contre les Soviétiques, l’hostilité totale de ces personnes influentes aurait considérablement réduit les perspectives futures d’une aide militaire américaine substantielle, sans parler d’une intervention éventuelle dans le conflit européen.

Ainsi, si les Allemands avaient pour quelque raison que ce soit retardé de quelques semaines l’assaut de 1940 contre la France, l’attaque alliée en attente aurait amené les Soviétiques à entrer en guerre dans l’autre camp, assurant la défaite des alliés. Il semble indéniable que l’action fortuite d’Hitler a sauvé par inadvertance les alliés des conséquences désastreuses de leurs plans stupides.

Bien que l’exploration des implications dramatiques du déclenchement d’une guerre alliée-soviétique en 1940 puisse être un exemple intrigant d’histoire alternative, en tant qu’exercice intellectuel, elle n’a guère de pertinence pour notre monde d’aujourd’hui. Bien plus important est ce que le récit révèle sur la fiabilité du récit historique standard que la plupart d’entre nous ont toujours accepté comme réel.

La première question à examiner était de savoir si les preuves de l’attaque prévue des alliés contre les Soviétiques étaient réellement aussi solides que le suggérait l’article du National Interest. L’information sous-jacente provient de Operation Pike, publiée en 2000 par Patrick R. Osborn dans une série académique intitulée Contributions in Military Studies, alors j’ai récemment commandé le livre et je l’ai lu pour évaluer les revendications remarquables qui y sont faites.

Bien qu’assez sèche, la monographie de 300 pages documente méticuleusement ce cas, l’écrasante majorité des documents étant tirée des archives officielles et d’autres documents gouvernementaux. Il ne semble pas y avoir le moindre doute sur la réalité des événements décrits, et les dirigeants alliés ont même déployé des efforts diplomatiques considérables pour enrôler la Turquie et l’Iran dans leur attaque planifiée contre l’Union soviétique.

Alors que le principal motif des Alliés était d’éliminer le flux des matières premières nécessaires vers l’Allemagne, il y avait aussi des objectifs plus larges. La collectivisation forcée de l’agriculture soviétique dans les années 1930 avait conduit à l’abattage généralisé d’animaux de ferme, qui avaient ensuite été remplacés par des tracteurs à essence. Les dirigeants alliés pensaient que s’ils parvenaient à éliminer l’approvisionnement en pétrole soviétique, la pénurie de carburant qui en résulterait entraînerait un effondrement de la production agricole, provoquant probablement une famine qui pourrait emporter le régime communiste au pouvoir. Les alliés avaient toujours été intensément hostiles aux Soviétiques, et l’opération prévue a été nommée en l’honneur d’un certain colonel Pike, un officier britannique mort aux mains des bolcheviks dans le Caucase lors d’une précédente intervention militaire vingt ans auparavant.

Cette planification anti-soviétique s’est rapidement accélérée après l’attaque brutale de Staline contre la minuscule Finlande à la fin de 1939. La résistance finlandaise inattendue et féroce a conduit les puissances occidentales à expulser l’URSS de la Société des Nations en tant qu’agresseur flagrant et a inspiré de nombreuses demandes d’intervention militaire parmi les élites politiques et le grand public, des propositions sérieuses étant envisagées pour envoyer plusieurs divisions alliées en Scandinavie combattre les Russes au nom des Finlandais. En effet, pendant une grande partie de cette période, l’hostilité des alliés semble avoir été beaucoup plus grande envers les Soviétiques qu’envers l’Allemagne, malgré l’état de guerre nominal contre cette dernière, les sentiments français étant particulièrement forts. Comme l’a fait remarquer un élu britannique : « On a l’impression que la France est en guerre avec la Russie et qu’elle n’est qu’en très mauvais termes avec l’Allemagne ».

Les alliés avaient l’intention d’utiliser les forces polonaises en exil dans leur combat terrestre contre les Soviétiques, peut-être même de provoquer un soulèvement polonais contre les occupants communistes haïs de leur patrie. Osborn note que si Staline avait eu vent de ce plan, cela pourrait expliquer pourquoi c’est à ce moment-là qu’il a signé les ordres officiels ordonnant au NKVD d’exécuter immédiatement les 15 000 officiers et policiers polonais qu’il détenait déjà comme prisonniers de guerre, un incident finalement connu sous le nom de massacre de Katyń, qui est l’une des pires atrocités du conflit mondial.

Tous ces plans militaires et les discussions internes des Britanniques et des Français étaient alors gardés secrets, et leurs archives sont restées scellées aux historiens pendant de nombreuses décennies. Mais dans l’introduction de son fascinant récit, Osborn explique qu’après que les armées allemandes victorieuses se sont déplacées vers Paris en 1940, le gouvernement français a tenté de détruire ou d’évacuer tous ses dossiers diplomatiques secrets, et un train rempli de ce matériel très sensible a été capturé par les forces allemandes à 160 kilomètres de Paris, y compris le dossier complet des plans pour attaquer l’URSS. Dans l’espoir de marquer un grand coup en terme de  propagande internationale, l’Allemagne a rapidement publié ces documents cruciaux, fournissant à la fois des traductions en anglais et des copies des originaux en fac-similé. Bien qu’il ne soit pas clair si ces révélations ont reçu une couverture médiatique occidentale significative à l’époque, Staline a certainement pris connaissance de cette confirmation détaillée des informations qu’il avait déjà obtenues par bribes de son réseau d’espions communistes bien placés, et cela a dû renforcer sa méfiance envers l’Occident. L’histoire aurait également été rapidement connue de tous les observateurs bien informés, ce qui expliquerait pourquoi Huddleston était si sûr de lui lorsqu’il a mentionné l’attaque alliée prévue dans ses mémoires de 1952.

Après l’invasion barbare de l’URSS par Hitler en juin 1941, qui amena soudainement les Soviétiques dans la guerre du côté des alliés, ces faits très gênants seraient naturellement tombés dans l’oubli. Mais il semble assez étonnant que cette amnésie « politiquement correcte » soit devenue si profondément enracinée dans la communauté de la recherche universitaire que pratiquement toutes les traces de cette remarquable histoire ont disparu pendant les six décennies qui ont précédé la publication du livre d’Osborn. Plus de livres en anglais ont peut-être été publiés sur la Seconde guerre mondiale au cours de ces années-là que sur tout autre sujet, mais il semble possible que ces dizaines de millions de pages ne contiennent pas un seul paragraphe décrivant les plans importants des alliés pour attaquer la Russie dans les premiers jours de la guerre, laissant peut-être même le bref et désinvolte commentaire de Huddleston en 1952 comme compte rendu le plus complet. Osborn lui-même note le « si peu d’attention » accordé à cette question par les chercheurs de la Seconde guerre mondiale, citant un article paru dans une revue universitaire en 1973 comme l’une des rares exceptions notables. Nous devrions nous inquiéter sérieusement du fait que des événements d’une telle importance ont passé plus de deux générations presque totalement exclus de nos archives historiques.

De plus, même la publication de l’étude universitaire massivement documentée d’Osborn en 2000 semble avoir été presque complètement ignorée par les historiens de la Seconde guerre mondiale. Prenons, par exemple, le livre Absolute War publié en 2007 par le célèbre historien militaire Chris Bellamy, un ouvrage de 800 pages dont la couverture rougeoyante le qualifie de récit « faisant autorité » sur le rôle de la Russie soviétique pendant la Seconde guerre mondiale. L’index détaillé de 25 pages ne contient aucune référence à « Bakou » et la seule référence à l’indiscutable préparation des alliés à l’attaque de l’URSS au début de 1940 est une phrase obscure qui apparaît 15 mois et 150 pages plus tard au lendemain de l’Opération Barbarossa : « Mais le 23 juin, le NKGB rapporte que Sir Charles Portal, Chef de l’État-Major de l’air britannique, avait suggéré de télégraphier des ordres en Inde et au Moyen-Orient pour leur ordonner d’arrêter de planifier les bombardements du gisement de Bakou qui, comme on le craignait, pourrait servir à fournir les allemands ». Les révélations d’Osborn semblent avoir disparu sans laisser de trace jusqu’à ce qu’elles soient enfin remarquées et rendues publiques 15 ans plus tard dans The National Interest.

Bien qu’il soit assez facile de comprendre pourquoi les historiens ont évité le sujet pendant les deux premières décennies qui ont suivi la fin de la Seconde guerre mondiale, une fois une ou deux générations écoulées, on pourrait raisonnablement s’attendre à voir une certaine réaffirmation de l’objectivité scientifique. L’opération Pike était de la plus grande importance possible pour le déroulement de la guerre, alors comment a-t-elle pu être presque totalement ignorée par pratiquement tous les auteurs sur le sujet ? Les préparatifs des alliés au début de 1940 pour lancer la plus grande offensive de bombardement stratégique de l’histoire mondiale contre l’Union soviétique ne semblent guère le genre de détail ennuyeux et obscur qui serait rapidement oublié.

Même si la première génération de chroniqueurs de guerre l’a soigneusement exclue de ses récits pour éviter l’embarras idéologique, ils devaient sûrement être au courant des faits étant donné la publication allemande des documents. Et bien que leurs jeunes successeurs n’en aient pas fait mention dans les livres qu’ils ont étudiés, on pourrait s’attendre à ce que leurs mentors leur aient parfois murmuré à l’oreille certains des « secrets cachés du temps de guerre » laissés de côté dans le récit classique. De plus, M. Osborn fait remarquer que des articles sur les faits ont été publiés très rarement dans des revues universitaires professionnelles, et on pourrait supposer qu’un seul cas de ce genre se serait répandu comme une traînée de poudre dans l’ensemble de la communauté universitaire. Pourtant, même après la parution du volume massivement documenté d’Osborn dans une série académique respectable, le silence est resté absolument assourdissant. Le cas de l’opération Pike démontre que nous devons faire preuve d’une extrême prudence en acceptant l’exactitude et l’exhaustivité de ce qui nous a été dit.

De telles conclusions ont des conséquences évidentes. Mon site web a tendance à attirer un grand nombre de commentateurs, de qualité très variable. L’un d’entre eux, un immigré d’Arménie soviétique se faisant appeler « Avery », semble bien informé et pondéré, bien qu’intensément hostile aux Turcs et à la Turquie. Il y a quelques années, un de mes articles sur la Seconde guerre mondiale a provoqué un commentaire intrigant de sa part :

Pendant la bataille de Stalingrad, la Turquie, officiellement neutre mais coopérant secrètement avec l’Allemagne nazie, avait rassemblé une énorme force d’invasion à la frontière de l’URSS (Arménie RSS). Si les Allemands avaient gagné à Stalingrad, les Turcs allaient envahir le Russie, courir jusqu’à Bakou et rejoindre les forces allemandes qui descendaient de Stalingrad pour prendre les champs de pétrole.

Lorsque l’armée de Paulus fut encerclée et anéantie, les Turcs quittèrent rapidement la frontière pour regagner leur caserne.

Staline n’a jamais oublié la trahison des Turcs et n’a jamais pardonné.

Quand l’Allemagne s’est rendue, Staline a rassemblé d’énormes armées en RSS d’Arménie et en RSS de Géorgie. Le plan était d’envahir et de chasser les Turcs de l’Est de la Turquie et de l’Arménie occidentale.

L’explosion de deux bombes atomiques américaines a convaincu Staline de se retirer. Certains pensent que les États-Unis ont fait exploser les deux bombes non pas pour forcer le Japon à se rendre, mais comme un message à Staline.

Lorsqu’on l’a interrogé, il a admis qu’il n’était au courant d’aucune référence dans une source occidentale, mais il a ajouté :

C’était de notoriété publique en Arménie RSS, d’où je suis originaire.

Les vétérans de guerre de la Seconde guerre mondiale, les anciens combattants, en discutaient tout le temps … ils ont vu plus de troupes de l’Armée rouge et de matériel militaire se rassembler près des frontières de la RSS d’Arménie et de la RSS de Géorgie qu’ils ne l’avaient jamais fait auparavant. Puis, ils sont tous partis …

Dans des circonstances normales, peser le silence universel de tous les historiens occidentaux contre les affirmations informelles d’un commentateur anonyme qui s’appuyait sur les récits qu’il avait entendus de vieux vétérans ne serait guère un choix difficile. Mais je me pose la question…

Les documents officiels discutés par Osborn démontrent que les Britanniques ont fait des efforts considérables pour enrôler les forces turques dans leur attaque planifiée contre l’URSS, les Turcs allant et venant sur la question jusqu’à ce que la Grande-Bretagne abandonne finalement le projet après la chute de la France. Mais si les Turcs avaient fortement envisagé une telle aventure militaire en 1940, il semble tout à fait plausible qu’ils auraient été beaucoup plus désireux de le faire en 1942, étant donné les pertes énormes que les Soviétiques avaient déjà subies des mains des Allemands, et avec une armée allemande redoutable approchant du Caucase.

Peu après la guerre, la Turquie est devenue l’un des alliés les plus importants de l’Amérique pendant la guerre froide contre les Soviétiques, avec un rôle central dans l’établissement de la doctrine Truman et la création de l’OTAN. Toute allusion selon laquelle le même gouvernement turc aurait été très proche de rejoindre l’Axe d’Hitler et d’attaquer la Russie en tant qu’allié nazi quelques années plus tôt aurait été extrêmement dommageable pour les intérêts américains. De tels faits ont été scrupuleusement exclus de toutes nos histoires de guerre.

Jusqu’à il y a quelques semaines encore, j’aurais probablement eu tendance à favoriser le front uni de tous les historiens occidentaux contre les remarques causales d’un seul observateur anonyme sur mon site web. Mais après avoir lu le livre d’Osborn, je pense maintenant que le commentateur anonyme est plus probablement celui qui dit vrai. Il s’agit d’un triste verdict personnel sur la crédibilité actuelle de notre profession historienne.

Ces considérations importantes deviennent particulièrement pertinentes lorsque nous tentons de comprendre les circonstances entourant l’opération Barbarossa, l’attaque de l’Allemagne contre l’Union soviétique en 1941, qui a constitué le point tournant central de la guerre. Tant à l’époque qu’au cours du demi-siècle qui suivit, les historiens occidentaux affirmèrent unanimement que l’assaut surprise avait pris Staline dans l’ignorance totale, le mobile d’Hitler étant son rêve de créer l’immense empire terrestre allemand dont il avait esquissé les contours dans les pages de Mein Kampf, publiées seize ans auparavant.

Mais en 1990, un ancien officier du renseignement militaire soviétique qui avait fait défection à l’Ouest et vivait en Grande-Bretagne a lâché une véritable bombe. Sous le nom de plume de Viktor Souvorov, il avait déjà publié un certain nombre d’ouvrages très appréciés sur les forces armées de l’URSS, mais dans Icebreaker, il prétendait maintenant que ses recherches approfondies dans les archives soviétiques avaient révélé qu’en 1941, Staline avait réuni d’énormes forces militaires offensives et les avait placées tout le long de la frontière, se préparant à attaquer et facilement écraser les forces largement en sous effectifs et mal équipées de la Wehrmacht, préparant une conquête rapide de l’Europe entière.

Voici comment j’ai résumé l’hypothèse de Souvorov dans un article l’an dernier :

Ainsi, tout comme dans notre récit traditionnel, nous voyons qu’au cours des semaines et des mois qui ont précédé l’opération Barbarossa, la force militaire offensive la plus puissante de l’histoire du monde s’est discrètement rassemblée en secret le long de la frontière germano-russe, se préparant à exécuter l’ordre qui allait déclencher leur attaque surprise. L’armée de l’air non préparée de l’ennemi devait être détruite sur les terrains d’aviation dans les premiers jours de la bataille, et d’énormes colonnes de chars d’assaut allaient commencer à pénétrer profondément, entourant et piégeant les forces opposées, remportant une victoire éclair classique, et assurant l’occupation rapide de vastes territoires. Mais les forces préparant cette guerre de conquête sans précédent étaient celles de Staline, et sa force militaire aurait sûrement saisi toute l’Europe, probablement bientôt suivie par le reste de la masse continentale eurasienne.

Puis, presque au dernier moment, Hitler s’est soudain rendu compte du piège stratégique dans lequel il était tombé, et a ordonné à ses troupes largement en sous-effectif et mal équipées de lancer une attaque surprise désespérée contre les Soviétiques, les attrapant par une attaque surprise au moment même ou leurs propres préparations finales les avaient rendus les plus vulnérables, et arrachant ainsi une victoire initiale majeure des mâchoires d’une défaite certaine. D’énormes stocks de munitions et d’armes soviétiques avaient été placés près de la frontière pour approvisionner l’armée d’invasion de l’Allemagne, et ils tombèrent rapidement entre les mains des Allemands, apportant un complément important à leurs propres ressources terriblement insuffisantes.

Bien que presque totalement ignoré dans le monde anglophone, le livre précurseur de Souvorov est rapidement devenu un best-seller sans précédent en Russie, en Allemagne et dans de nombreuses autres parties du monde, et avec plusieurs volumes à suivre, ses cinq millions d’exemplaires imprimés en font l’historien militaire le plus lu dans l’histoire du monde. Pendant ce temps, les médias et les milieux universitaires anglophones ont scrupuleusement maintenu le silence total sur le débat mondial en cours, aucune maison d’édition n’étant même disposée à produire une édition anglaise des livres de Souvorov jusqu’à ce qu’un éditeur de la prestigieuse presse de l’Académie navale brise finalement l’embargo près de deux décennies plus tard. Cette censure quasi totale de l’attaque soviétique massive prévue en 1941 semble assez semblable à la censure quasi totale de l’indéniable réalité de l’attaque massive prévue par les Alliés contre les Soviétiques l’année précédente.

Bien que l’hypothèse de Souvorov ait inspiré des décennies de débats académiques féroces et ait fait l’objet de conférences internationales, elle a été scrupuleusement ignorée par nos auteurs anglophones, qui n’ont fait aucune tentative sérieuse pour défendre leur récit traditionnel et réfuter la vaste accumulation de preuves convaincantes sur laquelle elle est fondée. Cela me porte à croire que l’analyse de Souvorov est probablement correcte.

Il y a dix ans, un écrivain solitaire a d’abord attiré mon attention sur les recherches novatrices de Souvorov et, en tant que Slave russe émigré vivant en Occident, il n’était guère favorable au dictateur allemand. Mais il a conclu sa critique par une déclaration remarquable :

Par conséquent, si l’un d’entre nous est libre d’écrire, de publier et de lire ceci aujourd’hui, il s’ensuit que pour une partie non négligeable, notre gratitude pour cela doit aller à Hitler. Et si quelqu’un veut m’arrêter pour avoir dit ce que je viens de dire, je ne fais aucun mystère de l’endroit où je vis.

La Pravda américaine : Quand Staline a failli conquérir l'Europe
RON UNZ - 4 JUIN 2018 - 4,200 MOTS

Pendant près de trente ans, nos médias de langue anglaise ont presque entièrement supprimé toute discussion sérieuse sur l’hypothèse de Souvorov, et ce n’est guère le seul aspect important de l’histoire soviétique qui soit resté caché au regard du public. En effet, sur certaines questions cruciales, les faussetés et les distorsions ont considérablement augmenté au lieu de diminuer au fil des décennies. Aucun exemple n’est plus évident que les tentatives en cours pour dissimuler le rôle énorme joué par les Juifs dans la Révolution bolchévique et le communisme mondial en général. Comme je l’ai écrit l’année dernière :

Dans les premières années de la Révolution bolchévique, presque personne ne remettait en question le rôle écrasant des Juifs dans cet événement, ni leur prépondérance dans les prises de pouvoir bolchéviques en Hongrie et dans certaines parties de l’Allemagne. Par exemple, l’ancien ministre britannique Winston Churchill dénonçait en 1920 les « juifs terroristes » qui avaient pris le contrôle de la Russie et d’autres parties de l’Europe, notant que « la majorité des personnalités sont juives » et déclarant que « dans les institutions soviétiques, la prédominance des Juifs est encore plus étonnante », tout en déplorant les horreurs que ces Juifs avaient infligées aux Allemands et aux Hongrois qui en souffraient.

De même, le journaliste Robert Wilton, ancien correspondant russe du Times of London, a fourni un résumé très détaillé de l’énorme rôle juif dans son livre Russia’s Agony de 1918 et The Last Days of the Romanovs de 1920, bien que l’un des chapitres les plus explicites de ce dernier ait été apparemment exclu de l’édition anglaise. Peu de temps après, les faits concernant l’énorme soutien financier fourni aux bolcheviques par des banquiers juifs internationaux tels que Schiff et Aschberg ont été largement rapportés dans les médias grand public.

Les Juifs et le communisme étaient tout aussi fortement liés en Amérique, et pendant des années, le journal communiste le plus diffusé dans notre pays a été publié en yiddish. Lorsqu’ils furent finalement rendus publics, les Venona Decrypts ont démontré que, jusque dans les années 1930 et 1940, une fraction remarquable des espions communistes américains provenait de cette origine ethnique.

Une anecdote personnelle tend à confirmer ces documents historiques arides. Au début des années 2000, je déjeunais avec un informaticien âgé et très éminent. En parlant de ceci et de cela, il en vint à mentionner que ses deux parents avaient été des communistes zélés et, étant donné son nom irlandais évident, j’ai exprimé ma surprise en disant que je pensais que presque tous les communistes de cette époque étaient juifs. Il a dit que c’était effectivement le cas mais, bien que sa mère ait une telle origine ethnique, ce n’était pas le cas de son père, ce qui faisait de lui une exception très rare dans leurs cercles politiques. En conséquence, le Parti avait toujours cherché à le placer dans un rôle public aussi important que possible, uniquement pour prouver que tous les communistes n’étaient pas juifs et, bien qu’il ait obéi à la discipline du Parti, il était toujours irrité d’être utilisé comme un tel « symbole ».

Cependant, une fois que le communisme est tombé en disgrâce en Amérique dans les années 1950, presque tous les « Red Baiters » comme le sénateur Joseph McCarthy ont fait d’énormes efforts pour obscurcir la dimension ethnique du mouvement qu’ils combattaient. En effet, de nombreuses années plus tard, Richard Nixon parlait en privé de la difficulté qu’il avait rencontrée, ainsi que les autres enquêteurs anticommunistes, à essayer de se concentrer sur des cibles non juives puisque presque tous les espions soviétiques présumés étaient juifs, et lorsque un enregistrement de cette conversation est devenu public, son antisémitisme présumé a provoqué une tempête médiatique, même si ses remarques impliquaient manifestement le contraire.

Ce dernier point est important, car une fois que le dossier historique a été suffisamment blanchi ou réécrit, tout fil conducteur de la réalité originale qui pourrait survivre est souvent perçu comme une étrange illusion ou dénoncé comme une « théorie du complot ». En effet, même aujourd’hui, les pages toujours aussi étonnantes de Wikipedia fournissent un article entier de 3 500 mots attaquant la notion de « bolchevisme juif » comme étant un « mensonge  anti-sémite ».

Dans un article subséquent, j’ai résumé plusieurs des nombreuses sources qui décrivent cette réalité évidente :

Parallèlement, tous les historiens savent parfaitement que les dirigeants bolchéviques étaient majoritairement juifs, trois des cinq révolutionnaires que Lénine a nommés comme ses successeurs plausibles venant de ce milieu. Bien qu’environ 4% seulement de la population russe ait été juive, Vladimir Poutine déclarait, il y a quelques années, que les Juifs constituaient peut-être 80-85% du premier gouvernement soviétique, une estimation tout à fait cohérente avec les affirmations contemporaines de Winston Churchill, du correspondant du Times of London, Robert Wilton, et des officiers des services de renseignements militaires américains. Les livres récents d’Alexandre Soljenitsine, Yuri Slezkine et d’autres ont tous brossé un tableau très similaire. Et avant la Seconde guerre mondiale, les Juifs restaient énormément sur-représentés dans la direction communiste, en particulier dans l’administration du Goulag et dans les rangs supérieurs du redoutable NKVD.

L’aspect peut-être le plus explosif et le plus totalement étouffé de la relation étroite entre les Juifs et le communisme concerne les affirmations selon lesquelles Jacob Schiff et d’autres banquiers juifs internationaux de premier plan étaient parmi les principaux bailleurs de fonds de la Révolution bolchévique. J’ai passé presque toute ma vie à considérer ces rumeurs vagues comme des absurdités si évidentes qu’elles ne faisaient que démontrer l’anti-sémitisme lunatique qui infestait les mouvements anti-communistes d’extrême droite, confirmant ainsi pleinement le thème du célèbre livre de Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics. En effet, les accusations de Schiff étaient tellement ridicules qu’elles n’ont jamais été mentionnées une seule fois dans la centaine de livres sur l’histoire de la Révolution bolchévique et du communisme soviétique que j’ai lus dans les années 1970 et 1980.

Par conséquent, j’ai été extrêmement choqué lorsque j’ai découvert que non seulement les affirmations étaient probablement exactes, mais qu’elles avaient été presque universellement acceptées comme vraies tout au long de la première moitié du XXe siècle.

Par exemple, The Jewish Threat de Joseph W. Bendersky résume ses années de recherches archivistiques et il documente que le soutien financier de Schiff aux bolcheviques a été largement rapporté dans les dossiers du renseignement militaire américain de l’époque, le renseignement britannique adoptant la même position. L’étude de Kenneth D. Ackerman de 2016 sur Trotsky à New York en 1917 décrit à peu près le même matériel. En 1925, le British Guardian publia cette information et elle fut rapidement largement discutée et acceptée dans les années 1920 et 1930 par de nombreux grands médias internationaux. Naomi W. Cohen, dans son volume hagiographique de 1991 sur Jacob Schiff, consacre plusieurs pages à résumer les différentes histoires des liens bolchéviques forts de Schiff qui avaient été publiés dans les principaux périodiques américains.

Écrivant près d’un siècle après les événements à l’étude, ces trois auteurs juifs, fortuitement, rejettent tous les nombreux récits fournis par des observateurs très crédibles – des agents des services de renseignements américains et britanniques et d’éminents journalistes internationaux – comme démontrant simplement la nature illusoire de l’anti-sémitisme extrême qui aurait infecté tant de gens dans le monde en ces jours révolus. Pourtant, la plupart des historiens sérieux accorderaient certainement beaucoup plus d’importance aux preuves contemporaines qu’aux opinions personnelles des auteurs qui rassemblent ces preuves matérielles des générations plus tard.

Henry Wickham Steed était l’un des journalistes les plus en vue de son époque et il avait été rédacteur en chef du Times of London, le journal le plus influent du monde. Quelques années après sa retraite, il a publié ses longs mémoires personnels, maintenant en ligne, qui contiennent les passages très intrigants suivants :

De puissants intérêts financiers internationaux étaient à l’œuvre en faveur de la reconnaissance immédiate des bolcheviques. Ces influences ont été en grande partie à l’origine de la proposition anglo-américaine de convoquer des représentants bolchéviques à Paris en janvier, au début de la Conférence de Paix, proposition qui a échoué après avoir été transformée en une proposition de Conférence avec les bolchéviques à Prinkipo. Le célèbre banquier juif américain, M. Jacob Schiff, était connu pour être soucieux d’obtenir la reconnaissance des bolcheviques …

… les principaux instigateurs furent Jacob Schiff, Paul Warburg et d’autres financiers internationaux, qui voulaient avant tout soutenir les bolcheviques juifs afin de s’assurer un terrain pour l’exploitation allemande et juive de la Russie.

La propre famille de Schiff confirma plus tard cette histoire largement acceptée. Le 3 février 1949, la chronique Knickerbocker du New York Journal-American, alors l’un des principaux journaux de la ville, rapporte : « Aujourd’hui, le petit-fils de Jacob, John Schiff, estime que le vieil homme a coulé environ 20 millions de dollars pour le triomphe final du bolchevisme en Russie. » Cette somme s’éleverait à environ 2 milliards de dollars contemporains, ce qui est très important.

Malgré cet énorme volume de preuves convaincantes, pendant un demi-siècle ou plus, le nom de Schiff a presque entièrement disparu de tous les textes courants sur le communisme soviétique. Comme je l’ai écrit l’année dernière :

En 1999, l’Université Harvard a publié l’édition anglaise du Livre noir du communisme, dont les six co-auteurs ont consacré 850 pages à documenter les horreurs infligées au monde par ce défunt système, dont le nombre total de morts s’élève à 100 millions. Je n’ai jamais lu ce livre et j’ai souvent entendu dire que ce prétendu décompte des corps est largement contesté. Mais pour moi, le détail le plus remarquable est que lorsque j’examine l’index de 35 pages, je vois une vaste profusion d’entrées concernant des individus totalement obscurs dont les noms sont sûrement inconnus de tous sauf du spécialiste le plus érudit. Mais il n’y a aucune entrée pour Jacob Schiff, le banquier juif de renommée mondiale qui a apparemment financé la création de l’ensemble du système en premier lieu. Ni pour Olaf Aschberg, le puissant banquier juif suédois, qui a joué un rôle si important en fournissant aux bolcheviques leur survie financière pendant les premières années de leur régime encore instable, et qui a même fondé la première banque internationale soviétique.

La Pravda américaine : La révolution bolchévique et ses conséquences
RON UNZ - 23 JUILLET 2018 - 6,900 MOTS

Peut-être que l’extrême prudence et le silence timide dont ont fait preuve presque tous les historiens occidentaux sur ces éléments sensibles de la Seconde guerre mondiale et de la Révolution bolchévique ne devraient pas nous surprendre étant donné les risques professionnels et personnels qu’ils pouvaient courir s’ils s’écartaient de leur orthodoxie.

Prenons l’exemple très révélateur de David Irving. Au cours de la première moitié de sa carrière professionnelle, sa série de best-sellers largement traduits et ses millions d’ouvrages imprimés ont probablement fait de lui l’historien britannique qui a connu le plus grand succès international au cours des cent dernières années, ses remarquables recherches d’archives révolutionnant fréquemment notre compréhension du conflit européen et des forces politiques à l’œuvre. Mais comme il a démontré à maintes reprises son manque de respect pour l’orthodoxie officielle, il s’est attiré de nombreux et puissants ennemis, qui ont fini par ruiner sa réputation, l’ont poussé à la faillite personnelle, et ont même organisé son emprisonnement. Au cours du dernier quart de siècle, il est devenu de plus en plus une non-personne, les quelques mentions occasionnelles de son nom dans les médias étant évoquées de la même manière talismanique que les références à Lucifer ou Belzébuth.

Si un historien d’une telle stature et d’un tel succès pouvait être amené si bas, quel universitaire ordinaire oserait risquer un destin semblable ? Voltaire a fait remarquer que tirer sur un amiral de temps en temps est un excellent moyen d’encourager les autres.

La remarquable historiographie de David Irving
RON UNZ - 4 JUIN 2018 - 1,700 MOTS

La destruction de la brillante carrière d’Irving vint des mains de militants juifs, indignés par son traitement équilibré d’Hitler et par son engagement continu à enquêter sur bon nombre des mythes largement acceptés en temps de guerre, qu’il espérait remplacer par ce qu’il appelait « la vraie histoire ». Dans l’introduction de sa nouvelle édition de Hitler’s War, il raconte comment un journaliste du magazine Time dînait avec lui à New York en 1988 et dit : « Avant de venir ici, j’ai lu les fichiers de coupures de presse sur vous. Jusqu’à Hitler’s War, vous ne pouviez pas vous tromper d’un iota, vous étiez le chouchou des médias ; après ce livre, ils ont jeté de la bave sur vous. »

Comme Irving le savait certainement, la diffamation déraisonnablement dure des dirigeants ennemis en temps de guerre n’est pas un cas rare. Bien que cela ait été largement oublié aujourd’hui, pendant une grande partie de la Première guerre mondiale et des années après, le monarque régnant de l’Allemagne, le Kaiser Guillaume II, a été largement décrit dans les pays alliés comme un monstre sanguinaire, un des hommes les plus mauvais qui aient jamais vécu. Cette diffamation s’est produite malgré le fait que Guillaume II ait été le petit-fils aîné bien-aimé de la reine Victoria d’Angleterre, qui, selon certains récits, serait morte dans ses bras.

De plus, bien que la propagande alliée dépeignait régulièrement Guillaume II comme un belliciste acharné, il avait en fait évité d’impliquer l’Allemagne dans un seul conflit militaire majeur durant les vingt-cinq premières années de son règne, alors que la plupart des autres grandes puissances mondiales avaient mené une ou plusieurs guerres durant cette même période. En effet, j’ai récemment découvert qu’un an seulement avant que les armes ne commencent à tirer en Août 1914, le New York Times avait publié un long profil marquant le premier quart de siècle de son règne et l’avait salué comme l’un des principaux artisans de paix au monde :

Aujourd’hui… il est acclamé partout comme le plus grand facteur de paix que notre temps puisse montrer. Nous entendons dire que c’est lui qui, à maintes reprises, a jeté tout le poids de sa personnalité dominante, soutenue par la plus grande organisation militaire du monde – une organisation construite par lui-même – dans la balance pour la paix partout où les nuages de guerre s’accumulaient sur l’Europe.

Guillaume II, roi de Prusse et empereur allemand, Kaiser au pouvoir depuis 25 ans, salué comme le principal artisan de paix, New York Times, 8 juin 1913.

Ce bref extrait de l’encomium du Times attire l’attention sur un autre sujet que je n’ai jamais vu mentionné. J’ai consacré une grande partie des années 2000 à la numérisation et à la mise à disposition des archives complètes de centaines de publications américaines des 150 dernières années, et lorsque j’ai jeté un coup d’œil au contenu, j’ai progressivement remarqué quelque chose de bizarre. Bien que le monde anglophone d’aujourd’hui se réfère invariablement au souverain allemand en temps de guerre sous le nom de « Kaiser Guillaume », cela n’était que rarement le cas avant le début de la guerre, quand il était généralement connu sous le nom d’« Empereur Guillaume ». Cette dernière nomenclature n’est guère surprenante puisqu’on parle toujours de « Frédéric le Grand » plutôt que de « Friedrich der Grosse ».

Mais il est évidemment beaucoup plus facile de mobiliser des millions de citoyens pour qu’ils meurent dans des tranchées boueuses pour vaincre un « Kaiser » étranger monstrueux que le « Bon Empereur Guillaume », cousin germain des rois britanniques et russes. La visionneuse NGram de Google Books montre très clairement le moment du changement, la pratique anglophone changeant à mesure que la Grande-Bretagne devenait de plus en plus hostile à l’Allemagne, surtout après le déclenchement de la guerre. Mais « l’Empereur Guillaume » n’a été éclipsé définitivement par « le Kaiser Guillaume » qu’après que l’Allemagne soit redevenue un ennemi probable dans les années précédant immédiatement la Seconde guerre mondiale.

Les publications de l’époque révèlent également de nombreux faits discordants sur la Première guerre mondiale, des sujets certes connus des spécialistes universitaires, mais qui font rarement l’objet d’une grande couverture dans nos manuels standard, étant relégués à une phrase ou deux, voire même moins. Par exemple, malgré ses succès militaires considérables, l’Allemagne a lancé un effort de paix majeur à la fin de 1916 pour mettre fin à l’impasse de la guerre par des négociations et éviter ainsi des océans de nouvelles effusions de sang. Cependant, cette proposition a été farouchement rejetée par les puissances alliées et leurs partisans dans les pages des principaux périodiques du monde, car ils demeuraient fermement attachés à une victoire militaire ultime.

La fièvre de la guerre était certainement encore très forte la même année en Grande-Bretagne, première puissance alliée. Lorsque d’éminents défenseurs de la paix tels que Bertrand Russell et Lord Loreborn, fortement soutenus par le rédacteur en chef de l’influent journal The Economist de Londres, ont insisté pour que les combats cessent par la négociation, ils ont été sévèrement dénigrés et ce dernier a dû démissionner de son poste. E.D. Morel, un autre défenseur engagé de la paix, a été emprisonné pour son activisme dans des conditions si dures qu’il a perdu la santé et est mort à l’âge de 51 ans quelques années après sa libération.

En tant qu’excellent antidote à notre compréhension gravement déformée des sentiments de guerre et de la politique intérieure européenne à l’origine du conflit, je recommande vivement le texte de Lothrop Stoddard, L’Europe d’aujourd’hui, l’un des intellectuels publics américains les plus influents de l’époque. Écrit avant l’entrée de l’Amérique dans le conflit, l’ouvrage offre le genre de détachement scientifique remarquable qui allait bientôt devenir presque impossible.

L'Europe d'aujourd'hui
Ses états d'esprit nationaux
LOTHROP STODDARD - 1917 - 74,000 MOTS

Bien que la représentation démoniaque de l’empereur allemand ait déjà été remplacée par un traitement plus équilibré quelques années après l’armistice et ait disparu après une génération, aucun processus similaire ne s’est produit dans le cas de son successeur pendant la Deuxième guerre mondiale. En effet, Adolf Hitler et les nazis semblent être beaucoup plus présents dans notre paysage culturel et idéologique aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au lendemain de la guerre, leur visibilité augmentant à mesure qu’ils s’éloignent dans le temps, une étrange violation des lois normales de la perspective. Je soupçonne que les conversations informelles que j’avais l’habitude d’avoir avec mes camarades de classe du Harvard College au début des années 1980 sur les questions de la Seconde guerre mondiale seraient complètement impossibles aujourd’hui.

Dans une certaine mesure, la transformation de la « bonne guerre » en une religion laïque, avec ses monstres et ses martyrs désignés, peut être analogue à ce qui s’est produit lors du déclin final de l’Union soviétique, lorsque l’échec évident de son système économique a forcé le gouvernement à se tourner de plus en plus vers les célébrations sans fin de sa victoire dans la Grande guerre nationale comme source principale de sa légitimité. Les salaires réels des travailleurs américains ordinaires stagnent depuis cinquante ans et la plupart des adultes ont moins de 500 $ d’économies disponibles, de sorte que cet appauvrissement généralisé peut forcer nos propres dirigeants à adopter une stratégie semblable.

Mais je pense qu’un facteur beaucoup plus important a été la croissance étonnante du pouvoir juif en Amérique, qui était déjà considérable il y a quatre ou cinq décennies, mais qui est maintenant devenu absolument écrasant, que ce soit en politique étrangère, dans la finance ou dans les médias, notre minorité pesant démographiquement 2% exerçant un contrôle sans précédent sur la plupart des aspects de la société et de notre système politique. Seule une fraction des Juifs américains ont des croyances religieuses traditionnelles, de sorte que le double culte de l’État d’Israël et de l’Holocauste a permis de combler ce vide, les individus et les événements de la Seconde guerre mondiale constituant plusieurs des éléments centraux du mythos qui sert à unifier la communauté juive. Et comme conséquence évidente, aucune figure historique n’occupe une place plus élevée dans la démonologie de cette religion séculière que le Führer et son régime nazi.

Cependant, les croyances fondées sur des dogmes religieux s’écartent souvent fortement de la réalité empirique. Les druides païens peuvent adorer un chêne sacré particulier et prétendre qu’il contient l’âme de leur dryade tutélaire ; mais si un arboriste ausculte l’arbre, sa sève peut sembler sembler à celle d’un autre.

Notre doctrine officielle actuelle décrit l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler comme l’un des régimes les plus cruels et les plus agressifs de l’histoire du monde, mais à l’époque, ces faits saillants échappaient apparemment aux dirigeants des nations avec lesquelles elle était en guerre. Le livre Operation Pike fournit une énorme quantité de documents d’archives sur les discussions internes secrètes des dirigeants gouvernementaux et militaires britanniques et français, et tout cela tend à suggérer qu’ils considéraient leur adversaire allemand comme un pays parfaitement normal, et qu’ils regrettaient peut-être à l’occasion d’avoir été impliqués dans une guerre majeure pour un petit conflit frontalier polonais.

Bien que nos histoires standard ne l’admettraient jamais, le chemin réel vers la guerre semble avoir été très différent de ce que la plupart des Américains croient. De nombreuses preuves documentaires fournies par des responsables polonais, américains et britanniques bien informés démontrent que les pressions exercées par Washington ont été le principal facteur à l’origine du déclenchement du conflit en Europe. En effet, d’éminents journalistes et intellectuels américains de l’époque, tels que John T. Flynn et Harry Elmer Barnes, avaient publiquement déclaré qu’ils craignaient que Franklin Roosevelt ne cherche à fomenter une grande guerre européenne dans l’espoir de le sauver de l’échec économique apparent de ses réformes du New Deal et peut-être même lui fournir une excuse pour se présenter à un troisième mandat sans précédent. Étant donné que c’est exactement ce qui s’est passé en fin de compte, de telles accusations ne semblent pas totalement déraisonnables.

Et dans un contraste ironique avec les échecs domestiques de FDR, les succès économiques d’Hitler avaient été énormes, une comparaison frappante puisque les deux dirigeants étaient arrivés au pouvoir à quelques semaines d’intervalle, au début de 1933. Comme l’a noté Alexander Cockburn, gauchiste iconoclaste, dans un papier de Counterpunch de 2004 :

Quand [Hitler] est arrivé au pouvoir en 1933, le taux de chômage était de 40%. La reprise économique n’a pas été stimulée par les dépenses d’armement[…] Il y a eu de vastes travaux publics comme les autoroutes. Il n’a guère prêté attention au déficit ou aux protestations des banquiers au sujet de ses politiques. Les taux d’intérêt ont été maintenus bas et, bien que les salaires soient fixes, le revenu familial a augmenté en raison du plein emploi. En 1936, le chômage avait chuté à 1%. Les dépenses militaires allemandes restèrent faibles jusqu’en 1939.

Non seulement Bush, mais Howard Dean et les démocrates pourraient tirer quelques leçons de politique économique de cet Hitler, keynésien avant l’heure.

En ressuscitant une Allemagne prospère alors que presque tous les autres pays restaient embourbés dans la Grande dépression mondiale, Hitler a attiré les éloges d’individus de tout le spectre idéologique. Après une visite prolongée en 1936, David Lloyd George, ancien premier ministre britannique en temps de guerre, fit l’éloge du chancelier en le qualifiant de « George Washington d’Allemagne », un héros national de la plus grande envergure. Au fil des ans, j’ai vu des affirmations plausibles ici et là qu’au cours des années 1930, Hitler était largement reconnu comme le leader national le plus populaire et le plus prospère au monde, et le fait qu’il ait été élu Homme de l’année 1938 par Time Magazine tend à confirmer cette conviction.

Seul le judaïsme international était resté intensément hostile à Hitler, outré par ses efforts couronnés de succès pour déloger les 1% de la population juive allemande de l’emprise qu’elle avait acquise sur les médias et les finances allemands, et pour diriger le pays dans le meilleur intérêt de la majorité allemande des 99%. Un parallèle frappant a récemment été l’énorme hostilité que Vladimir Poutine a suscité après avoir évincé la poignée d’oligarques juifs qui avaient pris le contrôle de la société russe et appauvri la majeure partie de la population. Poutine a tenté d’atténuer cette difficulté en s’alliant à certains éléments juifs, et Hitler semble avoir fait de même en approuvant le partenariat économique nazi-sioniste, qui a jeté les bases de la création de l’État d’Israël et a ainsi fait adhérer la petite mais croissante faction sioniste juive.

À la suite des attaques du 11 septembre 2001, les néoconservateurs juifs ont précipité l’Amérique vers la guerre désastreuse en Irak et la destruction du Moyen-Orient qui en a résulté, avec les têtes parlantes de nos téléviseurs affirmant sans cesse que « Saddam Hussein est un autre Hitler ». Depuis lors, nous avons régulièrement entendu le même slogan répété dans diverses versions modifiées, en nous faisant dire que « Mouammar Kadhafi est un autre Hitler » ou « Mahmoud Ahmadinejad est un autre Hitler » ou « Vladimir Poutine est un autre Hitler » ou même « Hugo Chavez est un autre Hitler ». Depuis quelques années, nos médias américains ne cessent d’affirmer que « Donald Trump est un autre Hitler ».

Au début des années 2000, j’ai évidemment reconnu que le dirigeant irakien était un tyran sévère, mais je me suis moqué de la propagande absurde des médias, sachant parfaitement que Saddam Hussein n’était pas Adolf Hitler. Mais avec la croissance constante d’Internet et la disponibilité des millions de pages de périodiques fournis par mon projet de numérisation, j’ai été très surpris de découvrir progressivement qu’Adolf Hitler n’était pas Adolf Hitler.

Il n’est peut-être pas tout à fait exact de prétendre que l’histoire de la Seconde guerre mondiale était que Franklin Roosevelt avait cherché à échapper à ses difficultés intérieures en orchestrant une grande guerre européenne contre l’Allemagne nazie prospère et pacifique d’Adolf Hitler. Mais je pense que cette image est probablement un peu plus proche de la réalité historique réelle que l’image inversée que l’on trouve le plus souvent dans nos manuels scolaires.

La Pravda américaine : Notre Grande Purge des années 1940
RON UNZ - 11 JUIN 2018 - 5,400 MOTS

Ron Unz

Note du Saker Francophone

Un lecteur nous signale que ces projets ont été déjà relatés au quatrième chapitre d'un livre publié par Paul-Marie de la Gorce "39-45 Une guerre inconnue", chez Flammarion, en 1995.

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

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2 réflexions sur « La Pravda américaine : Comment Hitler a sauvé les Alliés »

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