La partialité des médias américains crée une fausse image de la Russie


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 23 décembre 2019

Le dernier article du New York Times s’en prenant à Poutine est titré : « C’est le monde de Poutine. Nous ne faisons qu’y vivre. »

Son économie crachote et ses jeunes sont frustrés, mais avec l'Amérique et l'Europe en plein tumulte, la Russie et son leader depuis deux décennies ont le vent en poupe.

Déjà, dans la première phrase, l’article contient deux mensonges :

Son économie, déjà plus petite que celle de l’Italie, est peut-être en train de crachoter mais, deux décennies après qu’un ancien espion du K.G.B., pratiquement inconnu, a pris le pouvoir au Kremlin, le 31 décembre 1999, la Russie et son président, Vladimir V. Poutine, viennent de connaître ce qui pourrait être leur meilleure année.

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Le NYT peut affirmer que le PIB de la Russie est inférieur à celui de l’Italie parce qu’il n’a examiné que le produit intérieur brut (PIB) nominal de ces pays. Mais le PIB nominal, tout comme les salaires nominaux, ne sont pas des comparaisons significatives. La question est de savoir ce que chaque unité de PIB permet d’acheter.

Andrei Martyanov a récemment examiné deux maisons tout à fait comparables, l’une près de Moscou et l’autre près de Washington DC. La maison russe coûte environ $93 000, tandis que la maison américaine est en vente à $440 000 :

Alors, calculons le PIB généré par la construction de ces deux maisons en Russie et aux États-Unis. Et bien comme vous l'avez peut-être déjà deviné, les États-Unis ont créé 4,5 fois plus de PIB que la Russie en construisant une maison comparable dans un endroit qui, soyons francs, n'est pas exactement Moscou. Imaginez-vous que la Russie construit toutes sortes de biens immobiliers, des appartements aux maisons, comme s'il n'y avait pas de lendemain. ...
Voici comment fonctionne le PIB en PPA (Parité du Pouvoir d'Achat), ou plutôt, comment il embrouille la plupart des penseurs occidentaux qui ne comprennent pas que la plupart de ce qu'ils savent du monde extérieur est un bobard ou une caricature. Comme le fait que la classe moyenne réelle de la Chine, qui a des revenus comparables à ceux de la moyenne des États-Unis, est plus importante que l'ensemble de la population des États-Unis. Voila un bon indicateur. ...
Maintenant, pouvez-vous réduire, ou augmenter, les économies russe et américaine ? C'est encore difficile, mais cela vous montre, au moins, ce que valent tous ces proverbiaux 22 000 milliards de dollars du PIB américain. Pas autant que ce que vous pouvez penser. 

L'argument selon lequel les Russes ne gagnent pas autant n'est pas non plus tout à fait valable. Oui, beaucoup de Russes ne gagnent pas autant et c'est un problème permanent, mais disons que 60 000 RUB, qui se convertissent en gros en 965 USD, vous permettent de vivre assez confortablement pratiquement partout en Russie, sauf dans des endroits comme Moscou ou Sotchi, surtout si vous êtes propriétaire de votre appartement - beaucoup de Russes le sont et par propriétaire je veux dire vraiment, sans payer de remboursement d'emprunt. Il y a beaucoup de choses qui entrent dans ces considérations économiques. Mais il faut comprendre aujourd'hui que les chiffres nominaux en USD sont absolument dénués de sens et, en fait, dangereux parce qu'ils créent un faux sentiment de confiance.

Le PIB de la Russie, en parité de pouvoir d’achat, est de $4 349 milliards.
Le PIB de l’Italie, à parité de pouvoir d’achat, est de $2 442 milliards.

Il ne semble donc pas que l’économie russe soit « plus petite que celle de l’Italie ». Corrigé par le pouvoir d’achat, le PIB officiel de la Russie est à peu près aussi important que celui de l’Allemagne. Mais même cette comparaison est faussée. Le PIB officiel russe est chroniquement sous-estimé car le pays a une importante économie non officielle. On estime que 20 à 30 % de tout le travail en Russie est effectué en échange d’argent liquide et n’est jamais officiellement enregistré ou taxé.

Si l’on considère que la Russie n’a actuellement pas de croissance démographique notable, la croissance de son économie est encore bonne. Elle s’est ralentie cette année, mais elle n’est certainement pas en train de crachoter :

La croissance économique en Russie sera plus élevée que prévu en 2019 et devrait s'accélérer dans les prochaines années grâce en partie à l'augmentation des dépenses de l’État et à une politique monétaire plus souple, a déclaré mercredi la Banque mondiale. ...
La Banque mondiale, dans un rapport régulier sur l'économie russe, a déclaré qu'elle s'attendait à ce que le produit intérieur brut augmente de 1,2% cette année, en hausse par rapport au 1,0% qu'elle avait prévu en octobre. En 2018, le PIB russe a augmenté de 2,3 %.
En 2020, le PIB russe devrait atteindre 1,6 % et en 2021 1,8 %, contre 1,7 % et 1,8 % respectivement selon les prévisions d'octobre, a indiqué la Banque mondiale.

Contrairement à la Fed et aux banques centrales européennes, qui ont fait descendre les taux d’intérêt à zéro pour créer une croissance artificielle sur des marchés financiers improductifs, la banque centrale russe s’est retenue et a encore beaucoup de munitions. Et la Fédération de Russie a un budget très solide et peu de dettes. Si une poussée de croissance devait être nécessaire, la Russie a encore, contrairement à d’autres, les munitions économiques pour la fournir :

"Une politique monétaire moins restrictive et une augmentation des dépenses pour les projets nationaux devraient contribuer à stimuler la croissance", a écrit dans le rapport Renaud Seligmann, directeur de la Banque mondiale dans la Fédération de Russie.

La prochaine réunion de la banque centrale sur les taux d'intérêt aura lieu le 13 décembre, où elle pourrait envisager de réduire le taux directeur, actuellement à 6,5 %, pour la cinquième fois en 2019.

Le reste de l’article du NYT n’est pas mieux que son premier paragraphe. Il ne fait que répéter de faux stéréotypes sur Poutine en le traitant « d’autocrate » ou sur la soi-disant influence russe dans les élections américaines.

Il y a près de trente ans, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, la Russie a connu une grave chute. La libéralisation de son économie a eu des conséquences catastrophiques (surtout en vies humaines, NdT). Mais elle s’est réformée depuis. Elle est maintenant revenue à sa position traditionnelle dans le monde. Une grande puissance eurasienne qui est à presque tous égards indépendante du reste du monde et capable de se protéger. Elle doit donc être prise en compte quand on pense aux politiques mondiales. C’est simplement un fait et non l’effet d’un « jeu de patience » que la Russie jouerait contre « l’Occident ».

Mais les États-Unis ont encore du mal à comprendre que ce n’est pas la faute de la Russie mais le résultat de la représentation biaisée qu’ils en ont.

Moon of Alabama

Note du Saker Francophone

En cadeau de Noël, nous vous offrons ce lien vers un post intitulé "Occident recherche espion russe désespérément !" du site de Karine Bechet-Golovko excellente analyste de la Russie dont le billet du jour éclaire le présent texte.

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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