La nouvelle Route de la soie chinoise est basée sur le programme de sécurité nationale du pays


Par James Jay Carafano – Le 15 mai 2017 – Source The National Interest


Le voyage de Trump en Europe comporte plusieurs arrêts. Pourtant, ces voyages semblent être légers en substance. Mais c’est très bien ainsi. Il va revenir. En fait, il est probable que le dialogue transatlantique va s’accélérer de manière significative. Et il y aura probablement un autre élément ajouté à l’ordre du jour : la Chine.

Un dialogue important mais modeste

La première excursion à l’étranger du président (après avoir visité le Moyen-Orient) l’emmène en Europe. Cela indique clairement que la politique du « pivot » asiatique  fait parti du passé.

Cela ne signifie pas qu’il y aura un ralentissement dans l’engagement états-unien, vieux de 70 ans, de favoriser la paix, la sécurité et la prospérité en Orient. C’est simplement que la nouvelle administration reconnaît que l’Amérique a aussi des intérêts critiques en Europe et au Moyen-Orient. Ces intérêts sont attaqués dans les trois régions, et l’on ne peut pas donner la priorité à l’un plutôt qu’à l’autre. En fait, ils sont interconnectés.

Cela dit, la partie européenne du voyage de Trump semble assez modeste. Il  rencontrera le pape, puis participera à l’ouverture du nouveau siège de l’OTAN à Bruxelles (où il exposera les résultats de l’examen de la politique américaine sur la voie à suivre en Afghanistan). En Sicile, le Sommet du G-7 ressemble à un hamburger vide, mais Trump aura vraisemblablement quelques discussions bilatérales importantes en marge.

Les objectifs du voyage semblent être réduits pour correspondre à la réalité selon laquelle l’administration n’a pas eu le temps ni le personnel pour remplir complètement son programme de politique étrangère. De toute évidence, la Maison Blanche a envoyé tous les signaux indiquant que l’OTAN et l’Europe restent importantes pour la sécurité des États-Unis, et aucun signe qu’ils seront mous face à Poutine. Après une récente visite de haut niveau à la Maison Blanche, le ministre des Affaires étrangères russe est parti avec de vagues promesses de meilleures relations et une longue liste de choses à faire pour que le Kremlin purifie ses actes en Ukraine et en Syrie.

La liste de ce que les États-Unis et les Européens ont à faire est en train de s’accumuler. L’avenir de l’accord iranien, la crise en cours en Ukraine, le commerce, les réfugiés, la lutte contre EI et al-Qaïda, et l’Accord sur le climat de Paris sont autant de problèmes d’actualité. Ensuite, il y a les défis émergents, tels que les problèmes en train d’apparaître dans les Balkans. En outre, à la suite des élections françaises, il reste encore le débat sur le rôle du nationalisme dans la communauté transatlantique.

Ajouté à ce mélange désordonné de problèmes il y a un sujet dont peu parlent, le dragon dans la salle.

L’Occident rencontre l’Orient

Jusqu’à récemment, les Européens ne semblaient pas manifester beaucoup de curiosité pour les relations difficiles entre les États-Unis, une puissance de longue date en Asie/Pacifique, et une Chine émergente. Dans les capitales, de Bruxelles à Berlin et d’Oslo à Athènes, s’il y avait un intérêt pour Pékin, il s’agissait surtout de faire des affaires en Chine ou d’attirer les investissements chinois en Europe.

Récemment, les Européens ont commencé à considérer la Chine non seulement comme un chéquier, mais comme un joueur qui devient de plus en plus stratégique pour l’Europe.

Pour commencer, les Européens commencent tout juste à constater que le « One Belt, One Road » chinois pourrait être plus qu’une simple chance économique. Le mélange ambitieux d’initiatives économiques, diplomatiques et d’infrastructures, couplé avec une route maritime allant de la mer de Chine méridionale au port du Pirée, vise à créer une nouvelle « Route de la soie », partant de Yiwu dans la province centrale du Zhejiang à Madrid pour rejoindre Madrid, en Espagne.

Il est de plus en plus évident que les ambitions chinoises vont maintenant bien au-delà de l’ouverture d’une voie commerciale. Pékin construit une base navale à Djibouti pour aider à surveiller son réseau mondial en pleine expansion. Les Chinois déploient également des ressources pour leur « marine de Gator » – une combinaison de forces navales qui pourraient être déployées pour protéger leurs lignes maritimes de communication. Pendant ce temps, la Chine continue d’étendre son influence militaire dans l’océan Indien.

Reliez tous ces pointillés, et il est clair que la Chine passe de l’état de présence lointaine à celui de (A) voisin dont le trottoir s’étend jusqu’à la porte d’entrée de l’Europe et (B) d’acteur important dans les biens communs internationaux que les Européens géraient seuls, sans trop de risques de rencontrer une frégate chinoise sur leur chemin.

En outre, des personnes chinoises influentes apparaissent de plus en plus dans tout le paysage européen. Des instituts Confucius, une ambitieuse initiative chinoise de soft power, ont été créée partout dans le monde, en partenariat avec les universités locales. Pendant ce temps, le ministère des Affaires étrangères de Pékin a créé des centres culturels offrant des programmes linguistiques et culturels en Europe. Selon le rapport du China Policy Institute, l’Europe « accueille 7 centres culturels chinois avec des emplacements à Paris, Malte, Berlin, Moscou, Madrid Copenhague et Bruxelles ».

Ce qui a attiré l’attention de la plupart des observateurs européens, cependant, est que la Chine a fait correspondre ses activités culturelles et son influence économique en Europe avec des demandes croissantes d’influence politique et diplomatique, en particulier en Europe centrale. « Pékin promet des dizaines de milliards de dollars d’investissement et d’aide et signe des accords de coopération majeurs avec tout le monde, de la République de Géorgie à la Roumanie et la Biélorussie et, dans le processus, gagne en influence politique et commence à remodeler la géopolitique de la région. » L’intellectuel Paul Coyer écrivait en 2015: « Cette influence se fera aux frais de la Russie et de l’Occident. »

En 2012, Pékin a lancé l’initiative « 16 + 1 », un dialogue entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale. Les « seize » comprennent onze États membres de l’Union européenne (Bulgarie, Croatie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) et cinq pays des Balkans (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie et Macédoine). Le vaste portefeuille de l’initiative englobe « les domaines des investissements, des transports, des finances, de la science, de l’éducation et de la culture ».

Récemment, Dragan Pavlićević, chercheur invité à l’institut de l’Asie orientale à l’Université nationale de Singapour, a rejeté l’idée que cet engagement de Pékin sur tous les fronts représente une menace stratégique sérieuse pour l’Europe. Il a cependant reconnu : « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de soucis légitimes au sujet des conséquences économiques, politiques et géostratégiques de l’engagement de la Chine » dans la région. En effet, plusieurs observateurs de la politique européenne craignent que les Européens soient mal préparés et lents à s’engager contre l’attaque furtive de l’influence chinoise.

Les États-Unis ont leurs propres défis pour modérer la concurrence entre les intérêts américains dans la région Asie-Pacifique et la stratégie à long terme de Pékin pour assurer la place de la Chine dans le monde. Et les États-Unis doivent s’attaquer à cette concurrence dans le contexte de la lutte contre les menaces à la paix et à la stabilité en Europe et au Moyen-Orient.

Face à tous ces défis, Washington devrait profiter d’un dialogue plus profond avec les capitales européennes pour évaluer et décider conjointement de la gestion de l’influence chinoise en Occident. La Chine devrait donc être un sujet plus important qu’il ne l’est dans les conversations transatlantiques.

James Jay Carafano est vice président de l’Heritage Foundation.

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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