Ils y dénoncent le fait que les deux puissances se soient débrouillées pour récupérer le combat de libération syrien sous l’alibi de la guerre contre le terrorisme.
Par des écrivains, artistes et journaliste syriens contre les politiques étasunienne et russe – Le 21 septembre 2016 – Source The Nation
Un groupe de 150 intellectuels syriens, composé principalement d’écrivains, d’artistes, d’universitaires et des journalistes, tous s’identifiant comme des opposants démocratiques laïques au régime syrien, ont publié la déclaration ci-dessous pour exprimer leur condamnation du rôle joué par Washington et Moscou dans leur pays. Parmi les signataires, on trouve des personnes mondialement connues tels que le professeur à Paris Sorbonne, Burhan Ghalioun, qui fut le premier président du Conseil national syrien en 2011-2012 ; le romancier primé Samar Yazbek, dont les travaux sont publiés dans de nombreuses langues ; le célèbre intellectuel syrien, Sadik Jalal Al-Azm ; Farouk Mardam-Bey, un écrivain qui édite la plus importante collection dédiée au monde arabe en France ; le dramaturge Mohammad Al-Attar ; et Yassin al-Haj Saleh, une voix indépendante de premier plan dans l’opposition syrienne. Voici cette lettre.
Note du Saker Francophone Cette lettre est à lire avec le recul qui sied de la part d'"élites autoproclamées" qui certes renvoient dos à dos États-Unis et Russie ce qui est déjà discutable si on regarde l'arrivée tardive des Russes mais occultent totalement le rôle de l'Arabie Saoudite ou du Qatar, les enjeux énergétiques, le support très réel des Syriens pour leur gouvernement et leur armée.
Nous, les soussignés, sommes des écrivains, des artistes et des journalistes démocratiques et laïques syriens qui se sont opposés au régime tyrannique d’Assad pendant des années, voire des décennies. Nous participons à la lutte pour la démocratie et la justice dans notre pays, notre région et dans le monde. Nous condamnons sans réserve, et de la manière la plus forte, l’approche russe et américaine d’intervention dans nos affaires syriennes internes. Au moins depuis 2013, ces deux puissances ont travaillé à coopter la lutte de libération syrienne sous l’excuse de la «guerre contre le terrorisme». C’est une guerre qui n’a pas réussi à marquer un seul succès depuis ses débuts, et a, par contre, provoqué la destruction d’un certain nombre de pays.
Il y a trois ans, les deux nations impérialistes ont signé un accord répréhensible sur les armes chimiques qui a résolu un problème pour les États-Unis, Israël, et la Russie, et même pour le régime d’Assad, qui venait d’assassiner 1466 de ses sujets. L’accord n’a cependant pas permis de résoudre l’un des problèmes auxquels est confronté le peuple syrien. Au contraire, il a donné libre cours à un régime extrêmement criminel qui tue des Syriens, détruit leurs villages et leurs communautés, et les pousse à l’exil. L’accord s’est également révélé être un cadeau inestimable aux groupes islamistes nihilistes comme Daesh et Jabhat an-Nusra. Trois ans après cette méprisable affaire – dont le nombre de décès aujourd’hui est estimé à environ un demi-million de Syriens – les Russes et les Américains ont accepté de geler la situation actuelle de sorte que les deux puissances militaires puissent exercer leur guerre sans fin contre la terreur. L’accord reste muet sur le nombre incalculable de personnes détenues dans des conditions brutales, et ne comprend pas d’appel à la levée du blocus sur les zones assiégées, ou le retrait de l’Iran, de la milice du Hezbollah, ou de toute autre milice sectaire. Il est également dépourvu de toute référence à la notion d’une Syrie nouvelle et démocratique. Les avions de combat de Bashar al-Assad ne sont pas interdits de bombarder les zones qui feront en fin de compte l’objet d’un accord ultérieur entre la Russie et les États-Unis. Non seulement cela montre une absence totale de sens moral et de justice de la part des équipes de négociation russes et américaines, mais cela expose également le niveau de dégradation de la politique et des fonctionnaires des deux nations les plus puissantes du monde d’aujourd’hui.
Nos sentiments de colère sur ces accords et leurs auteurs ne connaissent pas de limite. Et nous les rejetons absolument. Nous sommes également déçus par l’Organisation des Nations Unies, irrités que, comme cela a été récemment révélé, elle ait financé l’oligarchie criminelle d’Assad et ses acolytes, tout au long de leur guerre contre les Syriens.
En tant qu’écrivains, artistes et journalistes syriens, nous voyons le monde d’aujourd’hui se diriger vers un affaiblissement sans précédent de l’éthique. Les niveaux de peur et de haine augmentent parallèlement à la visibilité croissante des politiciens qui investissent dans les mêmes sentiments de peur, de haine et d’isolationnisme. Nous voyons la démocratie en retraite dans le monde entier, tandis que la surveillance, le contrôle et la peur sont déjà monnaie courante et continuent de progresser. Nous ne pensons pas que notre destin soit défini par ces conditions, mais que ceux-ci sont le résultat de choix dangereux pris par des élites politiques dangereuses, et que nous devons travailler ensemble pour exprimer notre opposition, tout de suite et où que nous soyons.
Une Syrie détruite est le symbole de l’état du monde aujourd’hui. La révolution syrienne a été brisée contre le mur de la communauté internationale, et pas seulement contre le mur des forces alliées au fascisme d’Assad. Cette communauté internationale permet à des politiciens comme Obama et Poutine, ainsi qu’à leurs agents et clones sans aucun sens de l’humanité, de prendre des décisions qui violent notre droit à l’autodétermination, en tant qu’individus et groupes, mais aussi en tant que nation. Nous ne les avons pas élus, et nous n’avons accès à aucun mécanisme pour pouvoir leur demander des comptes. C’est un système injuste qui s’oppose farouchement à la démocratie. Par conséquent, il doit changer.
Malheureusement, il semble y avoir trop peu conscience de la façon dont la réalité est devenue dangereuse. Beaucoup, surtout en Occident, préfèrent se cacher derrière des théories fatalistes imprégnées de religion ou de culture, quand ils n’attribuent pas les événements au changement climatique. Ceci explique pourquoi une mauvaise situation est devenue encore pire, mais elle absout aussi l’élite puissante, dont Bachar al-Assad et son gang, de ses responsabilités politiques.
Ce monde doit changer. En seulement cinq ans et demi, il a permis la destruction de l’un des plus anciens berceaux de la civilisation. Le monde d’aujourd’hui est un problème syrien, tout comme la Syrie est aujourd’hui un problème mondial. Et pour l’amour de ce monde, pour nous tous, nous appelons à la condamnation des responsables politiques de cette catastrophe et pour leur dénonciation comme assassins et terroristes nihilistes, semblables à leurs rivaux du camp islamiste nihiliste.
Les signataires.
Ibrahim al-Jabin, romancier, journaliste
Ahmad Barqawi, philosophe
Ahmad Hasso, journaliste
Ahmad Omar, écrivain
Ahmad Isha, traducteur
Usama Muhammad, cinéaste, scénariste
Usama Nassar, journaliste, activiste
Assaad al-Ashi
Islam Abu Shakir, conteur
Anas Yusef, physicien
Anwar al-Omar
Anwar Omran
Aws al-Mubarak, écrivain
Iyad Hayatleh, poète
Iyad Abdullah, écrivain
Ilaf Yassin, journaliste
Iman Shaker
Aya al-Atassi, journaliste
Basil al-Awdat, journaliste
Badr al-Din Arudaki, écrivain, traducteur
Burhan Ghalioun, écrivain, universitaire
Bakr Sidqi, Writer, journaliste
Tammam Hunaydi, poète
Jamal Said, écrivain
Jamil Nahra, romancier
Jihad Yaziji, économiste
Hazem Kamal al-Din
Hazem Nahar, écrivain
Hizam Zohur Uday, écrivain, journaliste
Husam al-Saad, universitaire
Husam al-Din Muhammad, écrivain, journaliste
Hasko Hasko, artiste
Hasan Shahut, poète
Hala Omran, actrice
Hikmat Shata, ingénieur, artiste
Khaled Sulayman al-Nasseri, poète, cinéaste
Khodor al-Agha, écrivain
Khatib Badla, écrivain
Khaldun al-Shamaa, critique littéraire
Khalaf Ali al-Khalaf, poète
Khalil al-Haj Saleh, traducteur
Khayri al-Zahabi, écrivain, romancier
Dara al-Abdullah, écrivain
Durayd al-Bayk, journaliste, ingénieur
Dima Wannous, écrivain, journaliste
Raed Wahsh, poète
Rateb Shabo, écrivain, traducteur
Rashid Issa, journaliste
Rustom Mahmud, Sécrivain syrien, chercheur
Rasha Abbas, conteur
Rasha Omran, poète
Rashid al-Haj Saleh, écrivain
Rosa Yassin Hasan, écrivain
Rima Flayhan, Writer, activiste
Zahir Omareen, écrivain
Zoya Bustan, journaliste
Samer al-Ahmad, journaliste
Saad Haju, caricaturiste
Said Ghazul, rédacteur
Samar Yazbek, romancier
Samih Shuqair, artiste
Samih al-Safadi, écrivain
Salam al-Kawakibi, écrivain, chercheur
Salam Muhammad, scénariste
Sulayman al-Buti,
Charbel Kanoun, photographe
Sadik Jalal al-Azm, penseur
Sadik Abdul Rahman, écrivain
Safi Ala al-Din, éditeur
Subhi Hadidi, écrivain, critique littéraire
Subhi Halima, écrivain, journaliste
Dahir Ita, écrivain
Duha Hasan, écrivain
Duha Ashour, écrivain
Talib al-Ali, écrivain
Talal Daqmaq, photographe
Adil al-Ayed, journaliste
Asim al-Basha, sculpteur
Asim Hamsho, écrivain
Abdul Rahman Matar, écrivain
Abdul Rahim Khalifa, militant politique et pour les droits humains
Abdul Aziz al-Tammo, écrivain kurde syrien, politicien
Abdullah Turkmani, chercheur
Abdullah Maksur, romancier
Urwa al-Ahmad, journaliste, comédien
Assaf al-ʿAssaf, écrivain
Ali Diab
Ali Safar, Writer, journaliste
Ali al-Ayed, journaliste
Imad Huriyyah, critique de théâtre
Imad Obaid, artiste
Ammar al-Jumaa, poète
Ammar Qat, journaliste
Omar al-Asaad, journaliste
Omar Kaddour, romancier
Omar Kush, écrivain
Ghassan al-Muflih, journaliste
Ghayyath al-Madhoun, poète
Fadi Dioub, activiste
Fares el-Helou, acteur
Farouk Mardam-Bey, écrivain, éditeur
Fayez al-Basha, physicien
Fayez al-Abbas, poète
Fadwa Kilani, poète
Faraj Bayrakdar, poète
Fuad Muhammad Fuad, professeur, poète
Qusay Assef al-Shuwaikh, ingénieur
Karim al-Afnan, journaliste
Luay Skaff, ingénieur
Laila Safadi, journaliste
Lina Atfa, poète
Majid Rashid al-Ouayd, romancier, écrivain
Majid Matrud, poète, critique
Mazen Haddad, ingénieur
Mazen Darwish, défenseur des droits humains
Malik Daghistani, écrivain
Mamoun al-Shari, écrivain
Mahir Junaydi, Writer, journaliste
Mahir Massud, écrivain
Muhammad Haj Bakri, chercheur en économie, écrivain
Muhammad al-Haj Saleh, écrivain
Muhammad Khalifa, écrivain, chercheur
Muhammad al-Abdullah, avocat syrien, activiste
Mohammad al-Attar, dramaturge
Marwan al-Atrash, ingénieur
Mustafa Suleyman, artiste
Mubid al-Hassun, écrivain
Mufid Najm, poète
Malaz al-Zoabi, journaliste
Mansour al-Sulti, acteur de théâtre, metteur en scène
Munhil Barish, journaliste
Munir al-Khatib, écrivain
Maurice Ayiq, écrivain
Musa Rammo, artiste
Maya Sharbaji, artiste
May Skaf, actrice
Michel Shammas, avocat, militant des droits humains
Mikhail Saad, écrivain
Nahed Badawia, écrivain
Najat Murshid, enseignante
Nashwan Atassi, écrivain
Nouri al-Jarrah, poète
Hala Mohammad, poète, réalisateur de cinéma
Hala Alabdalla, cinéaste
Hind Muri
Hushang Usi, écrivain
Haytham Abdallah, traducteur
Wael Tamimi, journaliste
Wael Marza, écrivain
Wijdan Nassif, écrivain
Wafai Layla, poète
Yara Badr, journaliste
Yasser Munif, universitaire
Yassin Suwayha, écrivain
Yassin al-Haj Saleh, écrivain
Yamin Hussein, journaliste
Yusef Duays, écrivain, journaliste
Article original publié dans The Nation
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.
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