Par Andrew Korybko – Le 13 décembre 2017 – Source The Duran
Le Sommet de l’OCI à Istanbul a vu ses membres accepter de reconnaître Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine, ce qui implique que Jérusalem-Ouest existe et pourrait être la capitale d’Israël après sa reconnaissance officielle. C’est exactement ce que Moscou a proposé en avril de cette année permettant ainsi à la Russie de prendre la tête de la recherche d’une solution à deux États à ce vieux conflit.
Le président turc Erdogan a appelé à une réunion extraordinaire de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) afin de rechercher l’unité dans la communauté musulmane internationale, également connue sous le nom de Oumma, suite à la reconnaissance provocatrice de Jérusalem comme capitale d’Israël. Le président américain a défendu son geste ultra-controversé comme une étape nécessaire vers la paix, et bien que cela ait été largement tourné en dérision à l’époque comme une déclaration impudique et non sincère, il pourrait s’avérer par inadvertance que cela soit vrai, mais pas du tout comme Trump l’a peut-être voulu.
En faisant ce qu’il a fait, Trump a forcé l’OCI à répondre et à réaffirmer plusieurs positions existantes de ses membres, tout en reconnaissant Jérusalem-Est comme la capitale de l’État de Palestine, ce qui implique l’existence d’une Jérusalem-Ouest qui pourrait être la capitale d’Israël suite à sa reconnaissance officielle par la Oumma après qu’un accord de paix soit finalement signé. Cela a des implications remarquables parce que cela crée les conditions pour faire avancer le processus de paix, car tous les États membres de l’OCI ont accepté de reconnaître la division de Jérusalem d’avant 1967, date de l’occupation totale et illégale de l’ensemble de la ville par Israël.
L’un des participants les plus importants de l’OCI, la République islamique post-révolutionnaire d’Iran, ne reconnaissait même pas la légitimité d’Israël d’avant 1967, qui, pour la mémoire du lecteur, a été fondé par des « armes de migration de masse », migrations qui se sont fortement accrues après la Seconde Guerre Mondiale. Aucun des autres États de l’OCI, qui n’a actuellement aucune relation officielle avec Israël, ne l’avait fait non plus, la différence étant que l’Iran en a fait un pilier de sa politique régionale et une pierre angulaire de sa réputation en tant qu’un des leaders de l’Axe de la Résistance. Maintenant, cependant, Téhéran et d’autres acceptent de facto la partition de la Palestine d’après la situation en 1947 et la création conséquente de l’État d’Israël.
Cette compréhension tacite est considérée comme une condition préalable cruciale pour faire progresser toute solution à deux États entre la Palestine et Israël. Ironiquement, la Oumma n’aurait pas pu s’unir autour de la question de Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine si Trump ne l’avait pas incitée à le faire par sa tentative incendiaire de reconnaître l’intégralité de Jérusalem comme capitale d’Israël. Même dans l’éventualité improbable que cela fasse partie d’un « plan machiavélique » des États-Unis pour relancer le processus de paix, ce qui ne semble vraiment pas être le cas, l’affaire ne se déroule certainement pas comme Washington l’aurait souhaité.
L’OCI a également indiqué dans sa déclaration commune que les États-Unis ne seraient plus les bienvenus aux négociations sur la solution à deux États, à moins que Trump ne renverse sa décision, ce qui n’est probablement pas sa prédisposition personnelle, vu sa réticence à apparaître publiquement comme s’il reculait sur quoi que ce soit, sans parler d’une demande émanant d’un groupe de pays musulmans. Cependant, cela ouvre une fenêtre de tir historique pour que la Russie intervienne et prenne le rôle de leader dans ce processus, vu qu’elle entretient d’excellentes relations avec Israël et la Oumma.
Il ne faut pas non plus oublier que le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré en avril de cette année qu’il reconnaîtrait Jérusalem-Ouest comme capitale d’Israël dès l’instant où Jérusalem-Est deviendrait la capitale d’un futur État palestinien. Voyant comment l’OCI a implicitement accepté cela à travers sa déclaration commune, sans aller aussi loin, la porte est maintenant ouverte à la Russie pour remplacer le rôle américain perdu pour mener vers la solution à deux États en « équilibrant » les forces entre les deux parties en compétition et en aidant à insuffler une nouvelle vie à ce processus bloqué.
Personne ne devrait supposer que ce sera facile, et il reste encore de nombreux problèmes à résoudre, tel que le statut des colonies israéliennes illégales en Palestine. Néanmoins, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le désastre imminent de la reconnaissance par Trump de l’ensemble de Jérusalem comme capitale d’Israël devrait plutôt être une chance imprévue pour la Russie d’exercer son nouveau leadership au Moyen-Orient en tentant de résoudre ce conflit auparavant insoluble.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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