Iran – L’Europe rejette le bellicisme étasunien

Moon of Alabama

Moon of Alabama

Par Moon of Alabama – Le 4 janvier 2018

La manière dont les États-Unis et l’Europe ont réagi aux modestes manifestations en Iran témoigne d’un nouveau clivage entre eux. Ces réactions  mettent en lumière la belligérance du lobby sioniste et son influence sur les médias et la politique américaine. Cette question est un révélateur du fossé qui se creuse entre les intérêts bien compris des États-Unis et ceux d’Israël.

Il y a encore quelques manifestations antigouvernementales et quelques attaques contre les institutions publiques en Iran. Mais, comme le montre le graphique, elles sont en train de diminuer. Hier, il n’y en a eu qu’à 15 endroits alors que, depuis le 28 décembre, 75 villes ont connu une forme de protestation ou une autre. De plus, il y a eu, hier, aussi, des marches pro-gouvernementales, chacune d’entre elles était de loin plus importante que les manifestations anti-gouvernementales.
Les dégâts causés aux biens publics par de jeunes émeutiers ont aliéné les participants sincères des premières manifestations, qui avaient d’amples motifs économiques de rejeter les politiques néolibérales du gouvernement iranien actuel. L’incitation à la violence venue de l’extérieur de l’Iran, probablement en raison des machinations de la CIA, les a dépouillés de leur voix.
J’avais posé cette question dans un article précédent :
« Pourquoi les États-Unis font-ils cela ?
 
Le plan n’est peut-être pas de renverser immédiatement le gouvernement iranien, mais de susciter une vive réaction du gouvernement iranien contre les actions militantes dans le pays. …. Cette réaction pourrait alors être utilisée pour imposer des sanctions plus larges et plus strictes à l’Iran, en particulier de la part de l’Europe. Il s’agirait là de la nouvelle étape d’un plan plus général visant à étrangler le pays, et d’un nouveau pas dans l’escalade.
et :
L’administration vient d’appeler à une session d’urgence de l’ONU sur la situation. C’est vraiment ridicule… »
Ridicule, c’est le mot. Des membres du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ont rejeté les plans américains. Il n’appartient pas aux Nations Unies de s’insérer dans les affaires intérieures d’un pays. Mais même pour ceux qui croient que l’ONU a le droit d’intervenir, les manifestations en Iran, estimées au maximum à 15 000 personnes dans chaque cas et peut-être 45 000 si on les additionne, sont bien trop insignifiantes pour justifier une réaction de l’ONU.
L’Union européenne, principale cible du projet américain d’imposer à nouveau des sanctions à l’Iran, a officiellement rejeté cette possibilité. Le ministre suédois des Affaires étrangères a déclaré que de telles mesures seraient « inacceptables » et que la situation ne s’y prêtait pas. Le président Macron (français) a averti que rompre les relations avec l’Iran mènerait à la guerre. Il a indiqué assez clairement qui était derrière ces menées :
La France entretient des relations étroites avec les autorités iraniennes, et elle veut garder ce lien « parce que ce qui est en train de se jouer, sinon, c’est qu’on est en train de subrepticement reconstruire un ‘axe du mal’ » a déclaré le président.
(…)
« On voit bien le discours officiel qui est porté par les États-Unis, Israël, l’Arabie saoudite, qui sont nos alliés à de nombreux égards, c’est quasiment un discours qui va nous conduire à la guerre en Iran ». Il a ajouté, sans donner de détails que « c’était une ‘stratégie délibérée de certains’ ».
Le ministre russe des Affaires étrangères a mis en garde les États-Unis contre toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Iran.
Pendant ce temps, un journal phare saoudien, Al Arabiya, bat the Onion 1 sur son propre terrain en affirmant que l’Iran a fait venir le Hezbollah, des unités irakiennes et des mercenaires afghan pour réprimer les manifestations.
Dans un article paru dans le Washington Post, le vice-président Pence se plaint du prétendu manque de réaction de l’administration Obama face aux manifestations en Iran, mais n’annonce aucune réaction de l’administration Trump. Les rédacteurs en chef du Washington Post multiplient les articles d’opinion de lobbyistes pro-sionistes qui s’acharnent contre l’Iran et reprochent à l’Europe de ne pas suivre la ligne de Trump.
La Fondation anti-iranienne pour la défense des démocraties, qui est financée par un spéculateur sioniste extrémiste, tient beaucoup de place dans les journaux américains :
Adam H. Johnson @adamjohnsonNYC – 4:04 – 3 jan 2018
 
Au cours des 72 dernières heures, la FDD a publié des articles d’opinion dans le NYTimes, Washington Post, NYPost, Politico et WSJ sur l’Iran, répétant dans chacun d’eux les mêmes arguments usés des pro-interventionnistes.
 
Adam H. Johnson @adamjohnsonNYC – 18:14 – 3 jan 2018
 
Après avoir épuisé toute la place qu’on lui avait octroyée dans WSJ, WaPo, Politico et NYTimes cette semaine, le FDD s’encanaille dans le Washington Times aujourd’hui. Triste !
Le blog soi-disant « centriste » Lawfare a publié un appel demandant qu’on fournisse des bombes artisanales antichar (EFP ) 2 aux manifestants iraniens. (Pendant l’invasion américaine de l’Irak, la résistance locale a fabriqué et utilisé de tels EFP contre les occupants américains. L’armée américaine a faussement prétendu que ces EFP venaient d’Iran. Le rédacteur en chef de Lawfare, le célèbre Benjamin Wittes, semble d’accord avec ces allégations. Ce rédacteur en chef, affirme qu’il ne corrige jamais aucun des articles publiés sur son site. Son seul regret, concernant cet article, c’est que l’appel à armer les émeutiers en Iran ne s’appuie pas sur de solides arguments juridiques. (On se demande comment les rédacteurs de Lawfare réagiront lorsque la Chine livrera des armes antichars à la prochaine incarnation d’Occupy Wall Street).
C’est donc une grosse campagne aux États-Unis qui accompagne des événements de bien moindre envergure en Iran. La campagne vise à créer un climat favorable à la guerre contre ce pays. Les médias lui font une grande  place. Mais les États-Unis se sentent bien seuls dans cette entreprise. L’Arabie saoudite est un tigre de papier qui ne compte pas, et Israël ne peut rien faire contre l’Iran. L’axe de la résistance est prêt pour une grande guerre, selon le dirigeant du Hezbollah Nasrallah. Il précise que si la guerre était déclarée, elle toucherait le cœur d’Israël.
Stephen Kinzer souligne que l’animosité américaine contre l’Iran et son gouvernement n’est assortie d’aucune vision stratégique :
« L’histoire montre que tout gouvernement iranien se doit d’être fortement nationaliste et de protéger avec assiduité les musulmans chiites partout dans le monde, de sorte que l’idée qu’un ‘changement de régime’ produirait un Iran plus pro-américain est un fantasme. La sécurité des États-Unis ne sera pas sérieusement affectée par la politique intérieure iranienne.
(…)
En 1980, le président Carter a proclamé que toute contestation de la domination américaine sur le golfe Persique serait considérée comme ‘une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis d’Amérique’. Il était guidé par les impératifs mondiaux de son époque. Une grande partie du pétrole américain venait du golfe Persique et l’Occident ne pouvait pas risquer de le perdre au profit du pouvoir soviétique.
 
Aujourd’hui, il n’y a plus d’Union soviétique et nous ne dépendons plus du pétrole du Moyen-Orient. Pourtant, bien que les causes de notre politique se soient évaporées, la politique elle-même demeure inchangée, une relique d’une époque révolue. »
Kinzer a raison de parler d’absence de vision stratégique. Mais il néglige l’influence du lobby sioniste dont l’intérêt est que les États-Unis restent impliqués dans la destruction de tous les adversaires potentiels de son entreprise coloniale. Ce n’est pas l’intérêt du peuple des États-Unis qui commande la politique américaine, il y a même pas mal de temps que cela n’est plus le cas (si ça l’a jamais été).
Traduction : Dominique Muselet
Notes
  1. The Onion, « L’Oignon », est un média d’informations parodiques américain, créé en 1988
  2. En anglais Explosively Formed Penetrators (EFP). Les charges génératrices de noyau (connues aussi sous le nom de charges formées) sont des têtes explosives qui permettent de pénétrer une armure. https://www.youtube.com/watch?v=s2hInZOYmvY
   Envoyer l'article en PDF   

1 réflexion sur « Iran – L’Europe rejette le bellicisme étasunien »

  1. Ping : Iran – L’Europe rejette le bellicisme des Etats-Unis | Arrêt sur Info

Les commentaires sont fermés.