Par Andrew Korybko – Le 24 septembre 2018 – Source orientalreview.org
Les USA ont mis un point d’arrêt à leur aide économique et humanitaire à la Palestine.
C’est la dernière coupe en date – et la dernière tout court dans ces programmes – qui ne concerne qu’une misérable aide de 10 millions de dollars, mais qui vient se soustraire en sus des 500 millions de dollars d’aides diverses déjà coupées au fil de l’année dernière, dans ce que les critiques ont décrit comme une grossière campagne mettant la pression sur les Palestiniens d’accepter des « concessions » avec Israël, dans ce que Trump allait en venir à appeler « accord du siècle ». C’est effectivement le cas, mais il ne faut pas non plus mettre de côté les considérations politiques intérieures derrière cette décision. Trump s’était en effet parmi ses promesses de campagne engagé à réduire ses aides à l’étranger, en particulier envers les pays ne maintenant pas d’excellentes relations avec les USA.
L’Amérique n’a jamais, quelles que soient ses prétentions hypocrites, constitué un acteur impartial dans le conflit israélo-palestinien ; nombreux sont pourtant ceux qui croient, dans le monde entier, qu’elle a une obligation morale à continuer d’apporter des fonds aux programmes d’aides aux Palestiniens, pour la raison que son soutien indéfectible de l’unilatéralisme israélien contribue à une perpétuation sans fin de la situation humanitaire déplorable en Cisjordanie et à Gaza. Mais Trump voit les choses différemment, et son administration n’a cure du consensus mondial dans le traitement des problèmes. Au pire, son action viendra renverser le statu quo, ce qui en soi créera de nouvelles opportunités pour les américains de peser dans le résultat.
Pour déplorable qu’on puisse trouver moralement la décision américaine de mettre fin à ses programmes d’aides aux palestiniens afin de tacitement mettre à prix auprès d’Israël son soutien, cette action relève d’une certaine logique stratégique, et force est de reconnaître que si le reste du monde, prompt à soutenir la Palestine par des mots, ne laissait pas les USA dominer financièrement ces programmes d’aide, cette politique n’aurait aucune chance de succès. Pour l’exprimer en termes simples, les autres pays n’ont pas accepté de régler la facture qui permettait d’améliorer la vie des Palestiniens, mais voulaient garder le titre de soutiens de « la cause », non sans fustiger les USA pour leur soutien exagéré en faveur d’Israël, alors même que l’Amérique en faisait plus financièrement pour le Palestinien moyen que quiconque.
Si ces programmes n’avaient présenté aucune efficacité d’aucune sorte, il n’importerait pas qu’on y mette fin, mais le tintamarre qu’on entend suite à la décision des USA de les arrêter indique qu’ils apportaient bien quelque chose. Il appartient à présent aux pays qui se montraient inébranlables dans leur soutien à la cause palestinienne de faire un pas en avant et de venir combler le manque de fonds s’ils veulent poursuivre l’état des affaires humanitaires, mais c’est là que le bât blesse car, proverbialement, nombre de gouvernements ne veulent pas « joindre le geste à la parole ». Trump expose leur hypocrisie, et c’est là l’une des principales raisons de leur fureur.
Aucun de ces acteurs ne peut affirmer de manière crédible que les USA sont impartiaux dans le conflit, et pourraient un jour ajuster leur position en faveur des Palestiniens, après les décisions irréfutablement en faveur d’Israël que Trump a pris les unes après les autres depuis son accession au bureau ovale. Il appartient à présent à la soi-disant « communauté internationale » de prouver son soutien aux Palestiniens, ou de tomber le masque après avoir déclamé le slogan « politiquement correct » jusqu’alors en vigueur. Même au sein des pays ne maintenant pas de relations avec Israël, tels la majorité des pays de l’Oumma, le moins qu’ils puissent faire est d’augmenter les montants de leurs aides aux programmes de l’ONU pour limiter les conséquences humanitaires de l’abandon des USA envers les palestiniens.
Ce qui vient de changer, c’est qu’il n’existe plus aucune excuse « publiquement soutenable » de ne pas le faire.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 21 septembre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, rel par Cat pour le Saker Francophone