Par Israël Shamir – Le 2 octobre 2017 – Source unz.com via Plume et Enclume
Voici un argumentaire sur quelques points soulevés dans un précédent article par Ron Unz, à propos du rôle des juifs dans la révolution soviétique:
A l’époque de la guerre froide, l’estimation de la mortalité de civils innocents comme conséquence de la révolution bolchevique et des vingt premières années du régime soviétique était généralement de l’ordre de plusieurs dizaines de millions. J’ai entendu dire que ces chiffres avaient été sérieusement revus à la baisse, à hauteur de vingt millions. Qu’importe : même si des thuriféraires soviétiques déterminés peuvent chipoter dans cet ordre de grandeur, ils ne sont pas sortis du cadre standard de l’histoire telle qu’enseignée à l’Ouest.
Ceci étant, tous les historiens savent pertinemment que les chefs bolcheviks étaient très majoritairement juifs, n’est-ce pas ? Il y a quelques années, Vladimir Poutine affirmait que les juifs constituaient peut-être 80% ou 85% du premier gouvernement soviétique, estimation parfaitement cohérente avec celle de Winston Churchill, à son époque, et avec le correspondant du Times de Londres Robert Wilton, et avec les officiers de… (etc). Ces deux données élémentaires ont été largement acceptées en Amérique durant toute mon existence. Et pourtant…
Le Goulag
« J’ai pu avoir un accès complet à toutes les archives, j’ai appris tout ce qui existe sur les victimes de Staline, et j’ai préparé un rapport complet. Cependant, j’ai décidé de garder tout cela pour plus tard. Si je devais le publier [je perdrais probablement mon emploi, et il n’y aurait plus personne pour me cautionner,] mes amis me laisseraient tomber comme une patate chaude, je me retrouverais seul et de toute façon personne ne me croirait. »
Cet aveu plein de franchise date de 2012, et c’est la haute autorité sur la répression à l’ère communiste, le fondateur et président du Memorial (une ONG russe anticommuniste), le professeur Arseny Roginsky, qui le dit; il est mort en 2017, et il a été vivement regretté par ses supporteurs américains. Le Mémorial en question est très exactement un agent de l’étranger, puisqu’il reçoit l’aide généreuse du Département d’État et de la Fondation George Soros, et le Dr Roginsky avait été toute sa vie un ennemi des soviétiques, quelqu’un de peu suspect de tricher en faveur des rouges. Quelle était donc la terrible vérité que le Dr Roginsky avait décidé de cacher ? « D’après mes calculs, – écrivait-il, – pendant toute la période soviétique de 1918 à 1987, selon les documents qui ont survécu, il faut conclure que 7 100 000 personnes ont été arrêtées par les agences de sécurité de l’État (l’équivalent russe du FBI) à travers le pays. Et cela inclut ceux qui étaient arrêtés pour banditisme, marché noir, contrefaçon, et encore bien d’autres délits. »
Vous allez me dire que sept millions, ça fait déjà beaucoup de monde, mais n’oubliez pas que l’année dernière, en 2017, en temps de paix aux USA, plus de dix millions de personnes ont été arrêtées, et pas seulement par le FBI, dont je n’ai pas pu trouver les statistiques. Les chiffres russes s’appliquent à soixante-dix ans de rébellions, de guerres civiles, sans oublier la Guerre mondiale, la Guerre froide, et le tout sur un vaste territoire comprenant l’Ukraine, l’Asie centrale, la Transcaucasie et les États baltes, outre la Russie proprement dite. Parmi ceux qui avaient été arrêtés par la Sécurité d’État, il y avait des dizaines de milliers de combattants avec Stepan Bandera, les nationalistes ukrainiens d’extrême droite qui s’étaient battus aux côtés de l’Allemagne nazie pendant la Guerre mondiale, et qui avaient continué à se battre jusque dans les années 1950. Plus de 100 000 d’entre eux furent arrêtés, et plus de 150 000 périrent en action, vous pouvez trouver le détail en russe, ici. La sécurité d’État combattit et arrêta ne nombreux insurgés islamiques en Asie centrale et dans les montagnes du Caucase, les prédécesseurs d’al-Qaida et d’ISIS. Les services secrets US armaient et approvisionnaient les rebelles baltes et ukrainiens, tandis que les Anglais fournissaient l’entretien des islamistes.
Malgré ces difficultés énormes, le FBI russe avait donc arrêté seulement sept millions de personnes en soixante-dix ans ; la majorité des détenus étaient des délinquants de droit commun ou des rebelles, disait le Dr Roginsky, et il poursuivait :
« Il est là, le calcul final de sept millions pour toute la période soviétique. Qu’est-ce que j’aurais dû faire avec cette découverte ? L’opinion publique dit qu’il y avait eu douze millions d’arrestations entre 1937 et 1939 seulement ; J’appartiens à cette société, je vis au milieu de ces gens, j’en fais partie. Je savais pertinemment qu’ils ne me croiraient pas. Et deuxièmement, cela aurait signifié que tout ce qu’on nous avait dit jusqu’à maintenant sur les chiffres était faux. Et j’ai mis tous mes calculs de côté, pendant longtemps ; et le moment de dire ces choses n’est pas encore venu. »
Le public russe, tout comme les Occidentaux, a été habitué à des chiffres tout autres. Quarante millions de gens tués par Staline, disait Roy Medvedev, un dissident célèbre ; 80 millions, disait Antonov-Ovseenko ; 100 millions, disait le cardinal gris de la Perestroïka, associé très proche de Gorbatchev, A. Yakolev, dont l’opinion était particulièrement importante ; en effet, elle avait été présentée comme « toute la vérité, et rien que la vérité », pendant les années critiques 1987-1991. Ce nombre incluait « les enfants qui n’étaient pas nés, mais qui auraient pu naître », ajoutait-t-il sotto voce, en s’inspirant probablement des calculs pro-vie sur les millions de bébés assassinés dans les cliniques d’avortement. Quoiqu’il en soit, il s’est trouvé dépassé par le dirigeant assassiné de l’opposition Boris Nemstov, qui avait compté pour sa part, en 2003, 150 millions de victimes de Staline, ce qui fait beaucoup pour un pays qui ne comptait que 200 millions d’habitants.
Après cela, 7 millions est un chiffre bien trivial. Et les chiffres réels sont encore plus bas. Il y a deux documents, les meilleurs et les plus dignes de foi, pour les emprisonnés et tués au temps de Staline, et ce sont : le rapport du Procureur général (collectif) à Nikita Khroutchev en 1954 disant que 2,5 millions de gens avaient été emprisonnés pour toute la période soviétique, dont 600 000 condamnés à mort, et celui du Dr Victor Zemskov, une investigation méticuleuse reconnue pour sa rigueur. Zemskov avait étudié les activités des différents organes de la sécurité d’État entre 1921 et 1954, et il avait découvert que dans cette période 650 000 personnes avaient été condamnées à mort (mais certaines ne furent pas exécutées) tandis que 2 300 000 se voyaient condamnées à des peines de prison. Cela concernait les 33 années difficiles de gouvernement par Staline. Et c’est tout, les amis…
Zemskov fournissait aussi les chiffres annuels. Pendant la terrible année 1937, il y avait 1,2 millions de prisonniers dans les goulags. Comparons avec les États-Unis : en 2013, 2,2 millions d’adultes étaient incarcérés dans les prisons fédérales et des États, outre les geôles des comtés. Soit presque 1% des adultes, de la population résidant aux États-Unis, et 0,8% pour l’URSS. En outre, aux États-Unis, il y avait 4,75 millions de gens en période probatoire sur parole ou en liberté conditionnelle, dit Wikipedia. Il y avait moins de prisonniers au goulag que dans le système pénitentiaire américain. Pour une comparaison plus fouillée, voir ici.
Voilà tout ce qui reste des flots de sang versés au cours de l’histoire russe, et du régime sanguinaire des bolcheviks… A l’époque soviétique, la population russe avait augmenté à un rythme régulier de 0,60% par an, soit le double de la croissance au Royaume-Uni et en France, et bien plus que dans la Russie post-soviétique. L’empire russe était entré dans la Première Guerre mondiale avec une population de 160 millions d’âmes ; l’URSS avait 210 millions d’habitants en 1959, des chiffres impossibles si l’on commence par accorder foi à une répression stalinienne se chiffrant en millions. S’il en est ainsi, pourquoi donc « le récit historique standard tel qu’enseigné en Occident » fait-il usage de ces chiffres colossaux ?
La raison principale, c’est la peur du communisme, une crainte tout à fait raisonnable et justifiée (pour les gens riches) de perdre leurs millions et leurs milliards. C’est parfaitement logique pour eux de dépenser un peu de leur capital pour vous persuader que le communisme est quelque chose de mauvais pour vous, alors que c’est en fait détestable pour eux. Ils ont tellement menti, et si efficacement, qu’ils ont fini par convaincre tout le monde.
Même un Américain ou un Anglais pauvre a peur du communisme, parce que les cocos vont lui prendre tout ce qu’il a, y compris sa femme et ses enfants, et vont l’envoyer, lui, directement au goulag.
Il y a quelques jours, le président Trump a dit à l’ONU : « Virtuellement, partout, on a essayé le socialisme ou le communisme. Cela a produit de la souffrance, de la corruption, et du recul. La soif de pouvoir socialiste amène à l’expansion, aux incursions, et à l’oppression. Toutes les nations devraient résister au socialisme et à la misère qu’il amène pour tous. » Les nations du monde lui ont ri au nez. Le dégoût de Trump pour le socialisme constitue une excellente recommandation ! Dans le même discours, il a fait l’éloge de deux pays exemplaires, Israël et l’Arabie saoudite. Bons pour lui, et mauvais pour nous. « Le socialisme ou le communisme » c’est affreux, pour les milliardaires comme Trump. Et merveilleux pour les gens du commun.
Le problème, c’est que Trump et d’autres richissimes ne vont pas vous donner l’occasion de goûter au socialisme…
Voilà pourquoi, après cette tirade, Trump a poursuivi : « Aujourd’hui, nous annonçons des sanctions supplémentaires contre le régime répressif [du Venezuela], et nous visons le cercle rapproché de Maduro, ainsi que ses conseillers. » Si vous voulez avoir du socialisme, vous y gagnerez des sanctions US, des interventions, le blocus, et la guerre. Ils feront tout pour vous plonger dans la misère, jusqu’à ce que vous regrettiez le moment où vous avez choisi le socialisme.
Les habitants de la Corée et du Vietnam avaient choisi le socialisme, et les États-Unis les ont attaqués, ont détruit leurs pays et tué des millions de gens, de sorte que même s’ils ont gagné, ils ont hérité d’une terre dévastée et d’une économie en ruines. La Russie a été la première sur la route du socialisme ; par miracle, elle y est arrivée, et s’est sacrifiée pour permettre à d’autres nations d’avoir le socialisme elles aussi.
Même des États non socialistes comme les États-Unis se sont vus obligés de laisser leurs travailleurs jouir de quelques avantages auxquels les travailleurs des États socialistes avaient accédé. Les ouvriers américains avaient des vies misérables avant que la Russie n’ouvre la voie au socialisme en 1917 ; cela s’est amélioré quand la Russie est devenue socialiste, et ils sont revenus à la misère en 1991, dès que le socialisme a été démantelé en Russie.
Toutes les conquêtes du socialisme russe, la journée de huit heures, les retraites, la sécurité sociale, les allocations, les loyers protégés, les jours fériés, les congés payés, la sécurité de l’emploi, autant d’acquis adoptés en Europe, et voici qu’elles sont remises en question, parce que ce sont les riches qui ont gagné. Naturellement, ils mentent sur le socialisme parce qu’ils ne veulent pas que vous y ayez accès, ni même que vous en rêviez. C’est quelque chose qu’il faut retenir, quand on entend encore d’autres histoires épouvantables sur les bolcheviks.
Les juifs et les bolcheviks
L’histoire de la révolution bolchevique qui aurait été faite par les juifs (que mon ami très estimé Ron Unz vient de reprendre dans deux articles récents), est un autre film d’horreur tiré de cet arsenal pour vous terroriser. En tant que chercheur sincère et diligent, Ron Unz a déterré cette rengaine du passé en creusant à la recherche de vérités oubliées. Surprise, ce n’est pas seulement la vérité qui est cachée et oubliée, des fake news aussi se voient ensevelies dans les sables du temps. Ce gros mensonge en particulier avait été inventé dans les années 1920 ; il était populaire dans les années 1930, puis fut oublié au point que de nos jours les communistes sont censés être des antisémites, dans le discours contemporain.
Voyez ici un texte écrit par un juif en colère contre un autre juif parce qu’il minore l’antisémitisme des bolcheviks. En 1994, Arkady Vaksberg, un auteur juif, a écrit un livre qui a pour titre Staline contre les juifs. Sa thèse fondamentale est que Staline était un antisémite fanatique. Le livre de Louis Rapoport La guerre de Staline contre les juifs reflète le même thème. Mais cette fiction juive des Rouges contre les Juifs a son pendant symétrique, dans celle des Juifs qui contrôleraient les Rouges, et toutes les deux sont fausses.
Est-ce que les Juifs avaient rallié le parti bolchevik ? Beaucoup le firent, quoique plus nombreux furent ceux qui soutenaient le gouvernement provisoire d’Alexandre Kerensky, l’ennemi des bolcheviks. Le premier ministre Kerensky battait le record, en matière de soutien aux causes juives ; son gouvernement leur garantissait la pleine égalité. Le gouvernement provisoire avait des représentants juifs salariés à des postes élevés, depuis celui de gouverneur à celui de maires des deux capitales russes, et à la tête du Bureau du gouvernement.
Le principal mot d’ordre des bolcheviks en direction des masses russes : la fin immédiate de la guerre, la nationalisation des usines et la réforme agraire, n’avait que peu d’attraits ou d’importance pour les juifs. La victoire des bolcheviks était au mieux en pointillé, ou plutôt improbable, de sorte que les juifs à la recherche d’une carrière ne se précipitèrent pas sous les bannières rouges. Et malgré tout, il y en eut un certain nombre, parce les juifs sont des gens dynamiques, et ils furent nombreux à soutenir la révolution pour de bonnes raisons. Le communisme, c’est le christianisme moins Dieu ; un christianisme laïcisé, en termes savants. Les meilleurs des juifs sont intensément attirés par le christianisme, attirés et terrifiés à la fois, parce qu’ils sont conditionnés pour rejeter le Christ. Le communisme fut une voie qui s’offrait à eux, un chemin permettant de rejoindre le peuple en évitant le nom effrayant (pour eux) du Christ. Et le capitalisme néolibéral est un judaïsme sans Dieu, un judaïsme laïcisé, si bien que la pire espèce de juifs est attirée par le néolibéralisme. Karl Marx disait que le capitalisme (néolibéral) était la religion des jours ouvrables, pour les juifs, tandis que le judaïsme était la religion du shabbat. Le capitalisme judaïse les chrétiens, tandis que le communisme christianisait les juifs.
Sur le long terme, ça n’a pas très bien marché, parce qu’on ne peut pas contourner Dieu éternellement. Il sait comment reprendre le dessus. Mais ce n’était pas clair à l’époque, et bien des juifs russes ont rejoint la révolution pour une excellente raison. D’autres avaient pour ce faire des raisons moins nobles. Ils cherchaient l’aventure, le pouvoir, ou simplement du changement. Il est plus utile de mesurer pourquoi la Révolution les avait pris à son bord. Les juifs n’avaient pas de sentiments particuliers sur l’ancien régime, et n’avaient guère de compassion pour les Russes ordinaires. Comme les Lettons, ils constituaient les piliers de la sûreté de l’État : c’étaient des gens cultivés, honnêtes, peu tentés par la pitié. Pour qu’une révolution triomphe (ou n’importe quelle entreprise de longue haleine) on a besoin de gens dévoués, loyaux et impitoyables. Les juifs étaient également de bons organisateurs. Ils ne sont jamais devenus la force directrice de la Révolution. Est-il vrai (comme l’a dit Poutine et comme l’a cité Ron Unz) que les juifs aient constitué de 80% à 85% du premier gouvernement soviétique ? Non, ce n’est pas vrai. Voyez la photo du premier gouvernement soviétique. Il y a quinze ministres, leur origine ethnique est clairement indiquée. Il n’y a qu’un juif, et c’est Léon Trotzki.
En 1918, se forma un gouvernement de coalition avec les bolcheviks et la gauche socialiste-révolutionnaire. On en trouve la liste complète en russe ici , et il y figure deux juifs, tous les deux membres du parti SR. Si vous voulez devenir expert, vous pouvez apprendre les noms de tous les ministres soviétiques depuis octobre 1917 jusqu’à la fin des années 1920, chaque nom comporte les dates de son activité dans le bureau, et son origine ethnique. Il y a les 62 noms des bolcheviks les plus puissants, et parmi eux on trouvait sept juifs.
Pourquoi donc est-ce que Poutine a dit ce qu’il a dit ? C’était pour se débarrasser de certains juifs lorsqu’ils ont demandé qu’une bibliothèque juive, qui se trouve actuellement à Moscou, soit transférée à Brooklyn. Poutine voulait dire que les juifs dans le premier gouvernement soviétique avaient eu leurs raisons pour nationaliser la bibliothèque, et qu’il ne cherchait pas à revenir sur leur décision et à la brader au profit des juifs américains. Une réponse élégante, erronée dans les faits, mais tout à fait convaincante et flatteuse pour les juifs, digne du Poutine avocat (par ses origines). Et voilà pour ce qui concerne les « rapports sur la surreprésentation des juifs à la tête des bolcheviks russes », selon les termes de Ron Unz. Peut-être que ces rapports ne relevaient pas de « la bigoterie et de la paranoïa », mais ils avaient été grossièrement exagérés dans le but de porter atteinte à la légitimité des bolcheviks. Certains voient les juifs avec suspicion ; les manipulateurs politiques en ont bien conscience, et ils vont prétendre que s’ils combattent quelqu’un, c’est qu’il est juif. Un rapide survol d’internet suffira à vous « prouver » que Staline et Hitler, Eltsine et Poutine, Clinton et Trump, sont autant de juifs. C’est vrai en ce qui concerne les forces politiques. Clamer qu’un parti est sous contrôle juif est le plus sûr coupe-feu pour limiter l’attirance qu’il exerce, jusqu’à un certain point. Les anticommunistes ont inventé le ZOG1 bien avant que le terme soit appliqué (de façon bien plus justifiée) aux États-Unis. Ce sont les Mencheviks, l’opposition aux Bolcheviks, qui attiraient de nombreux juifs ; et le rude Staline avait suggéré en blaguant qu’un bon pogrom chasserait les mencheviks du Parti une fois pour toutes. Lors des mois décisifs, entre avril et novembre 1917, il y avait très peu de juifs à la tête du Parti, et aucun d’entre eux n’avait le moindre accès aux questions financières.
« Le lourd soutien financier des bolcheviks par les banquiers juifs internationaux » est également un mythe. Ron Unz a découvert un vieux chiffon rouge, à propos de Schiff, un banquier juif, comme pourvoyeur de fonds pour la cause bolchevique.
Unz a lu et cité le livre de Kenneth D. Ackerman, Trotsky à New York, de 2016. Effectivement, Ackerman y mentionne un rapport des services du renseignement militaire US, sur la période en question, qui avait fuité ; cela s’appelait Judaïsme et bolchevisme, et l’auteur « assénait cette affirmation stupéfiante », mais lui-même démantèle ladite affirmation.
Le rapport en question avait pour auteur Boris Brasol, l’ex-officier russe qui avait exercé les poursuites autour de l’affaire de meurtre rituel à Kiev en 1913. Aux États-Unis, il était devenu le promoteur en chef des Protocoles des Sages de Sion, pas exactement un observateur impartial. Pour être plus précis, son rapport ne se basait sur aucune espèce de recherche relevant de services secrets. Cet émigré russe n’avait pas d’accès aux bolcheviks ni à Schiff, et lorsqu’il prétend que Schiff avait payé dix mille dollars (et non pas vingt millions) à Trotski, il n’en fournissait pas la moindre preuve. Ackerman poursuit : « Quand Lénine et Trotski s’emparèrent du pouvoir à leur seul profit en novembre 1917, Schiff les avait rejetés immédiatement, leur avait coupé l’accès à tout futur emprunt, et commença à financer des groupes anti-bolcheviques ; il réclama même aux bolcheviks le remboursement d’une partie de l’argent qu’il avait prêté à Kerensky. »
Ainsi donc Schiff n’avait pas financé Trotski, et le futur commissaire à la guerre (autrement dit ministre de la Défense) comptait sur certains soutiens occidentaux. Non pas du côté des juifs, mais des Britanniques, qui se servirent de Trotski pour saboter les plans bolcheviques en vue d’une paix séparée avec l’Allemagne. On considérait que Lénine et son entourage avaient été autorisés par le haut commandement allemand à rentrer en Russie en avril 1917 parce qu’ils constituaient une faction pro-allemande, au sein des socio-démocrates russes. Trotski et les siens, de l’autre côté, furent autorisés par les Canadiens, les Anglais et les Américains, à réintégrer la Russie, parce qu’ils constituaient une faction pro-britannique et pro-américaine. De fait, Lénine appela à un cessez-le-feu immédiat et à un traité de paix séparée avec l’Allemagne, tandis que Trotski proposait une formule « ni paix ni guerre » en tentant de casser toute négociation avec l’Allemagne, et cela avec un certain succès.
La pesante histoire du financement allemand circulait, et donna lieu à des débats et à des argumentations pour et contre pendant longtemps. La version du soutien financier juif aux bolcheviks était restée marginale durant les années qui suivirent la révolution russe, à l’époque où les contemporains avaient quelques informations de première main sur les faits. Aujourd’hui, une fois disparue cette génération, le temps est venu pour les vieux bobards de retrouver une nouvelle vie.
Ron Unz n’est pas seul sur ce terrain. En 2017, les médias russes anti-communistes ont également joué avec l’idée d’un soutien financier juif pour les Rouges, comme la force capitale qui s’était tenue derrière la Révolution. Ils ne pouvaient trouver la moindre preuve genre Schiff, et ont préféré personnifier cette influence juive corrompue dans le personnage d’Alexandre Parvus, alias Israël Gelfand. Parvus est le protagoniste principal du livre de Soljenitsyne Lénine à Zurich, où il apparaît comme le Méphistophélès de Faust-Lénine.
Parvus, un aventurier et un révolutionnaire qui ne perdait jamais de vue son profit éventuel, avait bien cherché à rester en contact avec Lénine qu’il considérait à juste titre comme le stratège le plus solide du mouvement révolutionnaire. Lénine n’avait pas envie de s’acoquiner avec lui, et refusa de le rencontrer lorsque Parvus arriva dans la Russie révolutionnaire.
L’argent juif dirige le monde : voilà une idée très populaire parmi les juifs. Theodor Herzl, et avant lui, Benjamin Disraeli, écrivit sur le « terrible pouvoir de l’argent juif ». De nos jours, des juifs riches comme George Soros et Sheldon Adelson sont fiers de leur influence sur la politique US. Ils ont certainement de l’influence, mais je doute que quiconque considère que cette influence soit quelque chose de décisif et de définitoire. Tous deux ont raté ce qu’ils avaient entrepris, Soros s’est fait chasser de chaque État d’Europe de l’Est comme un malpropre, y compris de Russie, Adelson préférait Marco Rubio, mais c’est Trump qui a gagné. Bref, l’argent juif peut influer sur les évènements, peut faire monter nombre d’hommes politiques, scribes, et patrons des médias, mais ne saurait définir notre avenir. Autrement, nous vivrions déjà dans une sorte de Bande de Gaza élargie aux dimensions du monde. Les juifs sont puissants, mais nullement omnipotents. La Révolution russe, c’est le peuple russe qui l’avait faite, ce qui incluait les juifs russes, les Lettons russes, les Polonais russes, les Ukrainiens russes, les Géorgiens russes et d’autres groupes ethniques. Ce fut un évènement tellement énorme que cela terrifie encore les gens riches, et ils essaient encore et toujours de vous expliquer et de vous convaincre, et de s’en persuader eux-mêmes, que Lénine ne reviendra pas.
Ron Unz est en train d’accomplir un travail important et bénéfique pour le public américain, car il révèle la fraude au cœur du récit dominant. Certaines escroqueries gisent à un niveau trop profond pour qu’on arrive à les faire émerger comme telles d’un coup. Les duperies entourant le socialisme sont plus profondes que les histoires d’Holocauste ou sur l’assassinat de JFK. Ce qui ne m’empêche pas d’espérer que cet homme sincère continuera à creuser jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour.
Israel Adam Shamir
Traduction Maria Poumier
- « Zionist Occupation Government », Gouvernement d’occupation sioniste. ↩