Par Moon of Alabama – Le 22 juillet 2019
L’Ukraine, littéralement « les terres frontalières », se situe entre la Russie centrale et les États occidentaux de l’Europe. C’est un pays divisé. La moitié de la population a le russe comme langue maternelle. Le centre industrialisé, l’est et le sud, ont une culture Russe orthodoxe. Certaines de régions rurales occidentales n’ont été rattachées à l’Ukraine qu’après la Seconde Guerre mondiale. Elles ont historiquement une culture différente.
Les États-Unis, soutenus par l’UE, ont profité de cette scission, à deux reprises, pour provoquer des « révolutions » qui devaient amener l’Ukraine sur la voie « occidentale ». Les deux tentatives ont été repoussées lorsque les Ukrainiens ont eu la chance de voter librement.
Le second tour de l’élection présidentielle de 2004 a été remporté par Viktor Ianoukovitch. Les États-Unis n’ont pas aimé le résultat. Ses mandataires en Ukraine ont utilisé des allégations de fraude et ont été à l’origine d’une révolution de couleur. À la suite de la « révolution orange », le vote a été recommencé et l’autre candidat, Viktor Iouchtchenko, a été déclaré vainqueur. Mais cinq ans plus tard, un autre vote a défait le camp américain. Ianoukovitch a de nouveau été déclaré vainqueur et il est devenu président.
En 2014, l’Union européenne a tenté de s’attacher l’Ukraine par un accord d’association. Mais ce que l’UE a offert à l’Ukraine était dérisoire et la Russie a fait une contre-offre. Contrairement à l’Ukraine, qui continuait d’être pillée par ses oligarques depuis son indépendance en 1991, la Russie était économiquement de retour et en bien meilleure situation. Elle a offert des milliards de dollars en investissements et en prêts à long terme. Une grande partie de l’industrie ukrainienne dépend de la Russie et le gaz russe a été offert à l’Ukraine à un prix inférieur à celui du marché international. Ianoukovitch, qui voulait à l’origine signer l’accord d’association avec l’Union européenne, n’a pas eu d’autre choix que de la refuser et d’accepter l’offre bien meilleure de la Russie.
Les États-Unis et l’UE sont intervenus. Ils ont de nouveau provoqué une révolution de couleur, mais cette fois-ci, c’était une révolution qui allait utiliser la force. Des jeunes venant de Galicie, à l’ouest de l’Ukraine, qui avaient reçu une formation militaire, ont été transportés par autobus à Kiev pour occuper la place centrale de Maidan et pour affronter violemment la police. Des tireurs d’élite géorgiens ont été amenés pour tirer sur les deux bords. Il a ensuite été faussement allégué que les forces gouvernementales tuaient des « manifestants pacifiques ».
Ianoukovitch s’est affolé et s’est enfui en Russie. Après quelques manœuvres politiques illégales, de nouvelles élections ont été convoquées et l’oligarque Petro Poroshenko, vendu à l’Ouest, a été déclaré vainqueur. Les fascistes de Galicie ont pris le pouvoir. La population du centre industriel de l’Ukraine orientale, près de la frontière russe, s’est révoltée contre les nouveaux dirigeants. Il s’en est suivi une guerre civile, et non une « invasion russe« , que le gouvernement ukrainien a largement perdue. Les provinces de Lugansk et du Donbass sont devenus des États contrôlés par les rebelles, dépendants de la Russie. La Russie a repris la Crimée qui, en 1954, avait été illégalement offerte à l’Ukraine par le dirigeant soviétique de l’époque, Nikita Khrouchtchev, lui-même Ukrainien.
Pour mettre fin à la guerre dans l’est de l’Ukraine, les dirigeants français, allemands et russes ont pressé Porochenko de signer, à Minsk, un accord de paix avec les dirigeants est-ukrainiens. Mais l’accord de Minsk a été considéré comme une défaite politique et Porochenko ne l’a jamais appliqué. Depuis, la guerre civile n’a pas cessé. Les politiciens d’extrême droite, qui ont acquis de la notoriété après le coup d’État de Maidan, ont interdit l’usage de la langue russe, parlée par plus de 50% des Ukrainiens. Toute opposition a été durement réprimée.
Les oligarques continuent leur pillage. Tout ce qui a de la valeur est vendu aux pays de l’UE. Les États-Unis ont le droit de construire des bases. La corruption, déjà endémique, a encore augmenté. Le peuple en est venu à mépriser Porochenko.
Pour tenter de regagner un soutien populaire, Porochenko a lancé une provocation militaire dans le détroit de Kertch, qui est sous contrôle russe. Le coup était trop évident. La Russie a arrêté les marins que Porochenko avait envoyés et a confisqué leurs bateaux. Personne n’est venu en aide à Poroshenko.
On peut voir l’histoire complète de ce qui précède dans «UKRAINE ON FIRE – The Real Story» (vidéo), un documentaire de 90 minutes d’Oliver Stone, qui vient de sortir. Une version du documentaire devait être diffusée sur la chaîne de télévision ukrainienne de l’oligarque pro-russe Viktor Medvedchuk. La chaîne de télévision a été obligée de l’annuler après que des groupes de droite aient tiré au mortier sur son bâtiment à Kiev.
Le 31 mars dernier, de nouvelles élections ont eu lieu. Volodymyr Zelensky, un comédien de série télévisée qui a joué le rôle d’un enseignant accidentellement devenu président, a remporté le premier tour. Zelensky est d’origine juive et vient de l’est de l’Ukraine. Il parle russe, pas ukrainien.
Volodymyr Zelensky
Le second tour du scrutin d’avril entre Zelensky et Porochenko a été un désastre pour ce dernier. Zelensky a obtenu 73 % des voix. Les seuls districts où Porochenko a gagné ont été en Galicie, où les descendants des fascistes qui ont combattu dans la Seconde Guerre mondiale du côté nazi suivent encore l’idéologie de leurs ancêtres.
Zelensky veut mettre fin à la guerre civile. Il prévoit d’œuvrer pour de meilleures relations avec la Russie. Sa principale promesse intérieure est de mettre fin à la corruption dans l’ensemble du gouvernement. Mais le parlement, toujours sous le contrôle des fascistes du Maidan, s’y est opposé. Zelensky a dissout le parlement et appelé à des élections anticipées. Elles ont eu lieu hier et les résultats sont maintenant connus.
Le parti de Zelensky, du nom de son ancienne émission de télévision « Le serviteur du peuple », a présenté, pour la plupart, des candidats neufs et intacts. Ils l’ont emporté de très loin. Ils obtiendront plus de 50% des 450 sièges parlementaires. Les fascistes ont perdu.
La Révolution Orange de 2004 a été vaincue par les élections de 2009. Le coup d’État de Maidan en 2014 a été battu par les élections de 2019. De toute évidence, les conspirateurs de la révolution et du coup d’État ne représentaient pas le peuple. Mais l’Ukraine reste l’Ukraine, et à moins que quelqu’un ne défasse les oligarques, d’autres intrigues sont susceptibles de se produire.
Certains prétendent que Zelensky est sous l’influence de l’oligarque Igor Kolomoisky. Mais jusqu’à présent, il y a peu de preuves à l’appui.
Le parti qui s’est classé deuxième est pro-russe et a obtenu la majorité des voix dans l’Est. Il est contrôlée par Viktor Medvedchuk. Oliver Stone, dans son récent entretien avec Vladimir Poutine, parle de la position de Medvedchuk sur la nationalité. Poutine rejette la position de Medvedchuk qui prétend que les Russes en Ukraine appartiennent à la nation ukrainienne. Il [Poutine] voit tous les Russes comme faisant partie d’une même nationalité.
Les partis de Peter Porosheko et Yulia Tymoshenko se sont placés en troisième et quatrième place. Ils sont eux-mêmes oligarques. Le populiste Vakarchuk en cinquième position est soutenu par le milliardaire Viktor Pinchuk, le gendre de l’ancien président Leonid Kuchma.
L’Ukraine ne peut pas survivre économiquement sans de bonnes relations avec la Russie. Le pays dépend en grande partie des sources d’énergie russes, mais n’a pas d’argent pour les payer. Lorsque le nouveau gazoduc Nord Stream II entre la Russie et l’Allemagne sera mis en service, l’ancien gazoduc actuel traversant l’Ukraine ne sera plus nécessaire. L’Ukraine aura perdu un point de pression qu’elle a souvent utilisé pour faire chanter la Russie pour obtenir du gaz bon marché. Zelensky devra faire des concessions à la Russie, ou l’Ukraine devra accepter de payer le prix du marché, ce qu’elle ne peut pas se permettre.
Zelensky tentera probablement de ramener le pays à des positions équilibrées entre l’« Occident » et la Russie. Avec le vaste mandat qu’il a obtenu et une majorité confortable au Parlement, il devrait disposer de tous les moyens nécessaires pour y parvenir.
Mais il est peu probable que l’Occident le laisse faire. Les États-Unis veulent désigner l’Ukraine comme un « allié majeur non membre de l’OTAN » et l’utiliser contre la Russie.
Peu après l’élection de Zelensky à la présidence, des groupes « occidentaux » rémunérés venant de la « société civile » ont publié une déclaration commuune menaçant d’un « troisième Maidan » :
En tant que militants de la société civile, nous présentons une liste de "lignes rouges à ne pas franchir". Si le Président franchit ces lignes rouges, de telles actions conduiront inévitablement à l'instabilité politique dans notre pays et à la détérioration des relations internationales : ... Questions de politique étrangère : 1 - Retarder, saboter ou rejeter la voie stratégique de l'adhésion à l'UE et à l'OTAN ; réduire le dialogue politique et détruire les mécanismes institutionnels bilatéraux de coopération avec les partenaires européens et euro-atlantiques 2 - Engager toute action susceptible de contribuer à la réduction ou à la levée des sanctions à l'encontre de l'État agresseur par les partenaires internationaux de l'Ukraine 3 - Tenter de remettre en question toute action visant à soutenir la solidarité internationale en faveur de l'Ukraine, à rétablir notre intégrité territoriale, à garantir la sécurité et à protéger les droits de toutes les personnes qui ont souffert de l'agression russe ... Identité nationale : Langue, éducation, culture 1 - Tenter de réviser le droit linguistique 2 - Tenter de réviser la loi sur l'éducation 3 - Tenter de réviser la loi sur la décommunisation et la condamnation des crimes totalitaires du passé 4 - Mettre en œuvre toute action visant à saper ou à discréditer l'Église orthodoxe d'Ukraine ou à soutenir l'Église orthodoxe russe en Ukraine ...
La déclaration est signée par des dizaines d’organisations financées par Soros, Omidyar, la CIA et l’OTAN.
Mark Ames @MarkAmesExiled - 17:05 UTC 24 mai 2019 Bien sûr, l'un des signataires est l'ONG "CentreUA", la même ONG, financée par Omidyar, Soros, USAID, qui a organisé la révolution Maidan. C'est comme une arme pointée sur la tête de Zelensky. C'est scandaleux. Zelensky a été élu par 75% des Ukrainiens. Qui a élu Pierre Omidyar, George Soros, USAID, National Endowment for Democracy - et leur soit disant "société civile" - pour remplacer la démocratie en Ukraine ?
Ces organisations « occidentales » rémunérées soutiennent les fascistes :
Comment l'Ukraine peut-elle empêcher la politique pro-russe si les électeurs la préfèrent ? Par une autre révolution, alors. Ce mouvement est surnommé "Les 25%", après leur soutien à la réélection ratée de Porochenko. Parmi les partisans, on trouve des alliés de son parti : le président sortant du parlement Andriy Parubiy et l'historien d'État Volodymyr Vyatrovych - des nationalistes controversés qui vénèrent comme des héros des personnages impliqués dans l'Holocauste en tant que combattants de la liberté pour leur indépendance de l'Union soviétique. Parubiy s'attribue le mérite de mener d'autres Maidans. Lui et Vyatrovych sont des évangélistes de la "libération nationale" et de la "révolution nationale" contre l'impérialisme russe. S'il y a un troisième Maidan, l'extrême droite ukrainienne le mènera. Il serait encore plus difficile de contredire la propagande du Kremlin disant que l'Ukraine est envahie par une junte fasciste. Cela réjouira Moscou et déstabilisera davantage Kiev, ce qui est le contraire de ce que l'Occident est censé faire là-bas.
On espère que Zelensky est assez intelligent pour anticiper un « troisième Maidan ». Il devrait tous les expulser de la police et des autres forces de l’ordre. Il devrait aussi augmenter le salaire de la police. Il aura besoin de leur loyauté plus tôt qu’il ne le pense.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone
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