Par Eric Zuesse – Le 17 juin 2016 – Source Strategic-Culture
Lorsque le président démocratiquement élu de l’Ukraine a été violemment renversé en février 2014 et remplacé par un régime rageusement anti-russe, non seulement les habitants des régions de l’Ukraine qui ont voté massivement pour lui – la Crimée ayant voté à 75% pour lui, et le Donbass à 90% – ont été terrifiés par ce qu’ils considéraient être un nouveau régime sanguinaire, mais les Russes aussi, parce que les dictateurs qui ont été installés ont clairement revendiqué leur haine des Russes et même des russophones. L’une de leur premières initiatives législatives a été de proscrire la langue russe, mais la haine flagrante à l’origine de la proposition a provoqué son rejet au parlement de l’Ukraine, parce que ce nouveau régime avait besoin de soutien extérieur, et l’interdiction d’une langue parlée par près de la moitié de la population de la nation aurait suscité une condamnation internationale.
Peu après que les Criméens ont voté massivement, le 16 mars 2014, pour se séparer de l’Ukraine et rejoindre la Russie, dont la Crimée avait fait partie jusqu’à ce que le dictateur soviétique Nikita Khrouchtchev transfère arbitrairement celle-ci à l’Ukraine en 1954, le haut commandant militaire de l’OTAN, le général américain Philip Breedlove , a dit que, parce que la Russie avait protégé les Criméens de l’invasion du régime ukrainien nouvellement installé, qui menaçait ceux-ci s’ils tenaient un référendum pour se séparer de l’Ukraine, «maintenant, il est très clair que la Russie agit beaucoup plus en adversaire qu’en partenaire», et il a spéculé sarcastiquement au sujet du « prochain pays où les russophones auraient besoin d’être incorporés en Russie » – comme si les habitants de la Crimée n’avaient pas une bonne raison de craindre le nouveau régime, et comme si les russophones dans tous les pays étaient dans la même situation et avait besoin de la même protection ; et comme si l’OTAN elle-même avait le moindre droit à commenter sur ce sujet, puisque l’Ukraine n’est même pas un membre de l’OTAN. L’Ukraine est une nation qui partage une longue frontière avec la Russie, mais cela donne-t-il à l’OTAN le droit de défendre l’Ukraine de l’agression russe ? Est-ce que l’OTAN tente de provoquer une invasion russe, pour avoir un prétexte à lancer une guerre nucléaire à grande échelle ?
Pourquoi le haut commandant militaire de l’OTAN commentait-il là-dessus? Il représentait le président des États-Unis, non pas le peuple de l’Ukraine, et certainement pas les gens de Crimée. Ceux-ci avaient de bonnes raisons d’être terrifiés par le nouveau régime, mais le général d’Obama, qui dirigeait les opérations militaires de l’OTAN, ne s’en souciait pas du tout.
Et les risques que les États-Unis et leurs alliés faisaient courir aux populations russophones dans d’autres pays qui bordent la Russie ont également été ignorés.
Alexander Lukin a écrit à ce sujet dans les la revue Foreign Affairs du 17 juin 2014:
« Aujourd’hui, l’avance continue de l’Occident déchire les pays sur les frontières de la Russie. Elle a déjà conduit à des scissions territoriales en Moldavie, en Géorgie et maintenant l’Ukraine explose sous nos yeux. Des frontières culturelles divisent le cœur de ces pays, de telle sorte que leurs dirigeants ne peuvent maintenir l’unité qu’en respectant les intérêts des citoyens attirés par l’Europe et de ceux qui veulent maintenir leurs liens traditionnels avec la Russie. Le soutien déséquilibré de l’Occident pour les nationalistes pro-occidentaux dans les anciennes républiques soviétiques a encouragé ces états à opprimer leurs populations russophones – un problème auquel la Russie ne pouvait pas rester indifférent. Aujourd’hui encore, plus de deux décennies après l’effondrement de l’Union soviétique, plus de 6% de la population en Estonie et plus de 12% en Lettonie, pour la plupart des Russes de souche, ne possèdent pas les droits et privilèges de la pleine citoyenneté. Ils ne peuvent pas voter aux élections nationales, s’inscrire dans les écoles russes, et, pour la plupart, accéder aux médias russes. L’UE, en dépit de l’accent mis sur les droits de l’homme en dehors de ses frontières, a fermé les yeux sur cette violation flagrante des droits fondamentaux ».
Pourquoi le gouvernement des États-Unis ne se soucie-t-il pas des droits des Russes ethniques, dans les pays qui bordent la Russie où ils sont traités comme des moins que rien lorsqu’ils viennent de Russie ? Est-ce que le gouvernement américain cherche à inciter la Russie à apporter sa protection à ces personnes-là aussi ?
Pourquoi le général Breedlove – qui manifeste peu d’amour pour les peuples opprimés d’origine russe – se moque-t-il du président russe Vladimir Poutine au sujet du « prochain pays où les russophones auraient besoin d’être incorporés en Russie » ?
Est-ce que Obama tente de forcer Poutine à perdre la face chez lui, ou alors à provoquer une invasion de l’OTAN, afin de fournir à l’OTAN une excuse pour attaquer ?
Le 4 mai 2016, le général américain Curtis M. Scaparrotti a succédé à Breedlove, et il a condamné «une Russie agressive … une Russie renaissante essayant de se projeter en tant que puissance mondiale». Si le gouvernement américain a le droit de «se projeter lui-même en tant que puissance mondiale», alors pourquoi le gouvernement russe ne posséderait-il pas le même droit – en particulier dans le but de se défendre ? Le titre d’un rapport du ministère américain de la défense annonce : « La ‘Russie ressuscitée’ est une menace pour l’OTAN, selon son nouveau commandant », mais la nature précise de la menace que la Russie pose à l’OTAN n’a même pas été suggérée, autrement que par la vague charge d’une «résurgence russe cherchant à se projeter en tant que puissance mondiale».
Mais maintenant, l’OTAN met en scène l’opération Atlantic Resolve, leurs plus grandes manœuvres militaires jamais effectuées sur les frontières de la Russie. Cela inclut les armes nucléaires.
Lorsque le dictateur soviétique Nikita Khrouchtchev a essayé de planter des missiles soviétiques à 90 miles des États-Unis en 1962, le président américain, John Fitzgerald Kennedy, était prêt à aller jusqu’à une attaque nucléaire contre la dictature soviétique ; ce fut la crise des missiles cubains. Est-ce que le président russe Vladimir Poutine sera bientôt prêt à aller jusqu’à une attaque nucléaire contre la nouvelle dictature américaine, qui va beaucoup plus loin contre la démocratie russe maintenant, que la dictature soviétique ne l’a jamais fait contre la démocratie américaine à l’époque ?
Est-ce qu’Obama pense qu’il joue une sorte de jeu ici ? Khrouchtchev ne pensait pas qu’il s’agissait d’un jeu ; pas plus que Kennedy. Khrouchtchev a reculé, suite à un retrait par les américains des missiles installés en Turquie par Eisenhower contre l’Union soviétique. Poutine a pris soin de ne pas faire quoi que ce soit qui menace les États-Unis, sauf pour protéger la Russie de ce qui apparaît maintenant clairement comme une agression américaine. Mais le fait que la Russie démocratique n’a pas agressé des US maintenant dictatoriaux, ne constitue pas une excuse pour que les présidents américains poursuivent l’agression que le président américain George Herbert Walker Bush a commencé contre la Russie démocratique.
Pendant ce temps, nous voyons la flagrante propagande de l’OTAN à la télévision publique allemande, demandant : «L’expansion de l’OTAN est-elle à blâmer pour la crise en Crimée ?» Et répondant : non seulement ce n’est pas le cas, mais «il suffit de changer le nom de l’OTAN» et nous devrions tous ignorer les inquiétudes de la Russie au sujet d’une alliance militaire US hostile qui s’est propagée jusqu’aux frontières de la Russie et qui installe des missiles nucléaires qui peuvent atteindre Moscou en quelques minutes.
Est-ce que les dirigeants occidentaux pensent vraiment que les opinions publiques occidentales sont assez stupides et impitoyables pour croire ça ? Est-ce que la supposition des chefs, à ce sujet, est correcte ? Est-ce la raison pour laquelle la guerre nucléaire devient dangereusement proche, alors que les publics occidentaux sont si peu inquiets à ce sujet, si ce n’est pas du tout ?
Eric Zuesse
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone