Par Glenn Greenwald – Le 21 janvier 2016 – Source TheIntercept
Les élites politiques et médiatiques britanniques ont progressivement et collectivement perdu les pédales au cours du processus qui a abouti à l’élection de Jeremy Corbyn au poste de président du Parti travailliste. Cette déliquescence et l’implosion de l’élite politique et médiatique ne montre toujours aucun signe de convalescence.
Aux États-Unis, Bernie Sanders n’arrive pas à la cheville de Jeremy Corbin en terme de radicalité politique. Ils ne jouent même pas dans la même cour. Cependant, Sanders émet, surtout sur les questions économiques, des critiques beaucoup plus fondamentales et générales que les centres de pouvoir oligarchiques ne sont prêts à tolérer, et son rejet de la dominance du monde des affaires sur la politique, ainsi que son dédain pour les donations d’entreprises à sa campagne électorale, sont perçus comme particulièrement menaçants pour les élites.
Pour ceux qui ont observé l’enchaînement des réactions de l’élite britannique à la victoire de Corbyn, il est fascinant de constater à quel point l’élite démocrate de Washington a reproduit à l’identique cet enchaînement lors de l’émergence de Sanders, comme s’ils appliquaient à la lettre la même notice d’instructions.
Personnellement, je pense que la victoire d’Hillary Clinton aux primaires du Parti démocrate est fort possible, mais elle ne parvient pas à éclipser l’émergence d’une mouvance Sanders. A cause des courants sous-jacents qui portent ce mouvement, l’élite du Parti démocrate est fortement perturbée, et ce avec raison.
La semaine dernière, un sondage montrait que Sanders recueillait la majorité du vote des jeunes nés au tournant du millénaire, y compris les jeunes femmes. Comme le magazine Rolling Stone l’écrit, «L’électorat féminin jeune soutient Bernie Sanders dans une large proportion». Le New York Times claironnait hier que, dans le New Hampshire, Sanders avait pris la tête avec 27 points d’avance, ce qui est stupéfiant si l’on connait les habitudes électorales du New Hampshire.
Le Wall Street Journal d’hier, dans un éditorial intitulé Prendre Sanders au sérieux, déclarait qu’il n’est plus inconcevable d’avoir un socialiste de 74 ans vainqueur des primaires démocrates.
Tout comme dans le cas de Jeremy Corbyn, il y a une corrélation directe entre la force du mouvement de soutien à Sanders et l’intensité des attaques mesquines et vicieuses dont il fait l’objet de la part de l’élite politique et médiatique démocrate. En gros, on peut identifier sept étapes dans la contre-attaque de l’élite travailliste britannique, et la réaction à l’ascension de Sanders dans les sondages suit exactement le même scénario.
ÉTAPE 1 : Condescendance polie envers un mouvement encore considéré inoffensif. «C’est mignon que tes opinions puissent trouver un écho dans les médias.»
ÉTAPE 2 : Petites piques de sarcasme au fur et à mesure que la base électorale de l’outsider commence à croire à un possible succès. «Écoute chéri, il est impossible qu’un gauchiste remporte les primaires. Mais c’est sympa de te voir si enthousiaste.»
ÉTAPE 3 : Auto-victimisation et leçons sévères de bienséance aux électeurs de l’adversaire suite à leur manque de soumission, le tout assaisonné de fortes doses de trollage larmoyant. «Personne, mais vraiment personne n’est aussi impoli et maladroit sur internet envers les journalistes que ces petits soldats gauchistes, et c’est dommage, car cela dessert la cause du candidat qu’ils soutiennent!»
>ÉTAPE 4 : Diffamer le candidat adverse et son électorat avec des accusations teintées de sexisme et de racisme, en soutenant faussement que seul un électorat masculin blanc le soutient. «Tu soutiens ce candidat parce qu’il est un homme blanc comme toi, et non pas parce que tu es en accord avec lui idéologiquement ou avec sa ligne politique, ou parce que tu serais en désaccord avec le corporatisme et le soutien à la guerre prôné par l’élite du Parti.»
ÉTAPE 5 : Au fur et à mesure que les sondages indiquent que l’outsider est une menace crédible pour l’élite du Parti, utilisation éhontée d’attaques dignes d’une ligne dure de droite, pour marginaliser et diaboliser le candidat outsider. «Il n’a pas les épaules pour lutter contre le terrorisme, il est prêt à capituler face à État islamique, il est proche idéologiquement de parias politiques, et c’est un clone de Mao et de Staline.»
ÉTAPE 6 : A l’approche d’une défaite probable et imminente, déclarations hystériques et avertissements sentencieux sur l’imminence d’une Apocalypse si le candidat de l’élite était rejeté par l’électorat dans son ensemble. «Vous êtes en train de signer pour des décennies, peut-être même des générations de soumission docile si vous désobéissez à nos instructions de vote.»
ÉTAPE 7 : Effondrement total et incontrôlé, panique, attaques ad hominem , menaces, accusations, crises d’hystérie théâtrales, recherche de soutiens à l’opposé du spectre politique, tous les coups sont permis dans cette expression de furie. «En mon âme et conscience, je ne peux plus soutenir cette aile du Parti peuplée de marginaux, de complices du terrorisme, de communistes, de barbares.»
La Grande-Bretagne est au beau milieu de l’étape 7, et va peut-être même inventer une nouvelle étape (des haut-gradés de l’Armée britannique ont, sous couvert d’anonymat, menacé de se mutiner si Jeremy Corbyn était démocratiquement élu au poste de Premier ministre). Aux États-Unis, l’élite politique et médiatique du Parti démocrate est déjà au beau milieu de l’étape 5 depuis maintenant plusieurs semaines, et prépare son entrée dans l’étape 6. L’étape 7 sera déclenchée de façon certaine si Bernie Sanders remporte la nomination dans l’État de l’Iowa.
Glenn Greenwald
Traduit par Laurent Schiaparelli, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone
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