Avec des amis comme la Turquie, qui a besoin d’ennemis ?


Par Richard Miniter – Le 9 juin 2019 – Source Human Events

La Turquie, ancien allié de l’OTAN et des américain, arme maintenant les ennemis des américains en Libye, en violation flagrante de l’embargo des Nations Unies sur les armes de 2011.

La preuve la plus évidente de la violation des embargos de l’ONU par la Turquie est venue de la cale d’un cargo turc nommé Amazon. Il en est sorti une vingtaine de véhicules blindés turcs, connus sous le nom de MRAP, selon le site d’information militaire South Front. Un blogueur local a photographié les véhicules blindés sur le quai.

La Turquie appuie le gouvernement libyen d’Union nationale qui se cache à Tripoli. C’est aussi le cas du Qatar et, semble-t-il, de l’Iran. S’il l’emporte, ce gouvernement imposera la charia, corrompra la presse, collectivisera l’économie et abritera les terroristes.

Les États-Unis soutiennent l’Armée nationale libyenne du général Khalifa Haftar, qui commande à une grande partie de la Libye orientale. Le général Haftar promet un gouvernement de style égyptien, s’il gagne. Cela signifie des droits humains fondamentaux, la primauté du droit, une presse semi-libre et des élections régulières qui sont généralement remportées par le parti au pouvoir. Et un allié supplémentaire dans la guerre contre le terrorisme. La sécurité de l’Amérique sort souvent renforcée par de tels compromis avec ses principes, ce qui met de nombreux Américains mal à l’aise. Cette alliance a du sens, notamment parce que les alternatives réalistes sont pires, et de loin.

Sirte, Libye, 23/01/12. Photo: ECHO Janvier 2012, Flickr

Le général Haftar était déjà un haut fonctionnaire du régime de Mouammar Kadhafi. Il a fait défection, a travaillé avec la CIA, et a passé la majeure partie de deux décennies à vivre dans les banlieues du nord de la Virginie avant de retourner dans son pays d’origine il y a quelques années. Ses forces sont importantes, très disciplinées, bien équipées.

Jusqu’à présent, l’armée de Haftar a facilement balayé tous les opposants sur son chemin.

Mais Tripoli est peut-être hors de sa portée : la guerre urbaine est le contraire des campagnes-éclair dans le désert. Il s’agit habituellement d’un combat incertain de maison à maison dans lequel, pour chaque mètre gagné, les défenseurs font payer les assaillants… en pertes humaines. Les civils sont souvent assassinés, mutilés ou violés de part et d’autre. Certains rejoignent la résistance, deviennent des bombes humaines ou des francs-tireurs. Même les cadavres sont piégés avec des explosifs. Potentiellement, Tripoli est un Stalingrad humide.

Les forces de Haftar sont arrivées en avril. Presque deux mois plus tard, elles contrôlent moins de la moitié de la ville.

Dans ce champ de bataille urbain, les véhicules blindés turcs ont un impact important. L’Amérique avait utilisé des véhicules similaires pour débarrasser des insurgés embusqués sur la route de l’aéroport de Bagdad en 2005. Les MRAP turcs prolongeront la guerre et augmenteront le nombre de morts ou, pire, empêcheront la fin de la guerre en installant un massacre sans issue. Sans force aérienne ni blindés, les soldats de Haftar ne peuvent presque rien faire.

Kaboul, Afghanistan : deux soldats turcs au garde-à-vous (photo de l’U.S. Navy par MC2)

Ignorer la Libye ou s’en retirer n’est pas une option réaliste. Un État défaillant sur la Méditerranée deviendrait bientôt un point de transit de millions de réfugiés vers l’Europe. Comme nous l’a appris la vague de réfugiés syriens, l’Europe peut rapidement être déstabilisée par les migrants, tant économiquement que politiquement.

Les nouveaux partis « nationalistes » et nativistes exploseraient, au moment où que la criminalité et la pauvreté augmenteraient. L’arrivée d’un million de Nord-africains supplémentaires augmenterait également le taux de chômage en Europe, qui est à deux chiffres dans certains pays. Le gouffre culturel entre Européens laïques et musulmans pratiquants provoquerait des émeutes, comme on l’a déjà vu en Allemagne. Même si les États-Unis voulaient ignorer la Libye, les Européens ne seraient pas d’accord.

Quel est l’avenir de la Turquie dans le cadre de l’alliance militaire américaine la plus importante, l’OTAN ? Longtemps gouvernée par l’AKP islamiste, la Turquie a rompu son alliance de longue date avec Israël, a aidé l’Iran à échapper aux sanctions américaines en commerçant avec elle, et maintenant, en Syrie et en Libye, aide dorénavant les ennemis des champs de bataille américains.

Il n’y a pas de mécanisme de traité pour expulser sans douleur la Turquie de l’OTAN. Elle constitue le deuxième plus grand contingent de troupes terrestres de l’alliance, plus que la Grande-Bretagne et la France réunies. Il n’est donc peut-être pas sage de demander aux Turcs de partir.

Le Président Trump and le Président Erdoğan à l’Assemblée générale des Nations-Unies (Photo officielle de la Maison-Blanche par Shealah Craighead)

Mais personne ne peut plus ignorer l’antagonisme turc.

La volonté du président Trump d’utiliser les barrières douanières pourrait jouer un rôle utile. Il avait déjà imposé des droits de douane élevés à la Turquie pour faire sortir un pasteur américain des prisons turques. Brandir à nouveau cet outil pourrait dissuader les Turcs d’armer les ennemis des États-Unis… avant que ce comportement ne devienne une habitude.

Richard Miniter

Traduit par Stünzi pour le Saker francophone

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