Ancêtre des Révolutions de couleur ? Comment l’Allemagne a installé le bolchevisme en Russie


« Ce n’était pas une révolution. C’était un coup préparé par le Kaiser, qu’il brûle à jamais en enfer »


Par Volker Wagener – Le 9 mars 2019 – Source Russia Insider 

Zurich, le 9 avril 1917 : 32 émigrants russes sont à la gare et attendent de partir. Mais ils ne sont pas les seuls là-bas. Des cris de « traîtres, coquins, cochons » résonnent aux oreilles des voyageurs. Les partisans du groupe sont également présents et chantent « L’Internationale ». Les voies sont bloquées pendant un court instant, puis le train part.

Note du Saker Francophone

Cet article provocateur est à prendre avec des pincettes. Il ne cite aucune référence. L'essentiel des faits est repris d'un article de Wikipédia sur Gelfand.

Au lecteur de prendre éventuellement ses distances ... ou de creuser la question.

Le train affrété par les allemands a été fourni par l’empereur Guillaume II dans le but de favoriser la révolution russe. Dans l’un des wagons était assis nul autre que Vladimir Ilian Oulianov, plus connu sous le nom de Lénine. Avec l’aide de l’Allemagne, Lénine quitta son exil en Suisse et, une semaine plus tard, atteignit sa destination : Petrograd, qui allait plus tard s’appeler Leningrad, puis redevenir l’actuelle Saint-Pétersbourg.

En Russie, la Révolution de février venait juste de finir, le tsar Nicolas II avait été balayé du trône, un gouvernement provisoire était en place et la révolution d’octobre n’était pas encore en vue.

Alliance des baïonnettes prussiennes et des poings prolétariens russes

Le retour de Lénine dans son pays d’origine a été suivi avec beaucoup d’attention à Berlin.

« L’entrée de Lénine en Russie a été un succès. Il travaille selon vos souhaits », a été le message envoyé par le haut commandement de l’armée allemande à son ministère des Affaires étrangères.

« Il travaille selon nos souhaits »

Un paradoxe politique ? En tout cas cela y ressemble : l’empereur Guillaume II joignant ses forces au communiste Lénine. Le but de l’empereur allemand était de saper enfin l’empire tsariste avec lequel les soi-disant puissances centrales – l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie – étaient en guerre depuis 1914.

La stratégie de Berlin était claire : Lénine et ses bolcheviks étaient censés déstabiliser la Russie – au milieu de la Première guerre mondiale – en allégeant le fardeau des combats sur le front oriental. L’empire allemand s’appuyait sur un vieil adage diplomatique : l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Et le plan a fonctionné.

L’idée est née d’un homme qui a pris le nom de guerre communiste « Parvus »  : Israël Lazarevich Gelfand. C’était un Juif russe qui, à la fin de 1914, utilisait déjà son influence pour proposer à l’ambassadeur d’Allemagne à Constantinople une alliance des « baïonnettes prussiennes et des poings prolétariens russes ». Il a affirmé que les intérêts de l’Allemagne et des révolutionnaires russes étaient identiques. Après un scepticisme initial, il a été entendu à Berlin.

Les capitalistes et les bolcheviks en fauteuil

Israel Lazarevich Gelfand

Gelfand, qui aimait vivre largement et s’entourer de femmes, est arrivé pour la première fois en Allemagne en 1891. Il écrivait pour la presse de gauche sous divers pseudonymes et rencontrait tous les principaux communistes de l’époque : Rosa Luxemburg, Karl Kautsky, Lénine et Léon Trotsky. Cependant, les camarades se méfiaient de lui à cause de son style de vie anti-socialiste.

Après le dimanche sanglant du 22 janvier 1905, lorsque la Garde impériale du tsar a tiré sur des manifestants à Saint-Pétersbourg et tué plus de 200 personnes, Gelfand et Trotsky ont été parmi les premiers exilés russes à rentrer chez eux. Ils ont assumé des fonctions de chefs de conseil mais ont ensuite été arrêtés par la police.

Gelfand s’est retrouvé emprisonné en Sibérie. Il a réussi à s’échapper et, après avoir fondé un empire commercial à Constantinople, est devenu un homme riche. Il possédait même une banque, ce qui a amené ses anciens amis communistes à lui tourner le dos. Trotsky a même écrit « Avis de décès pour un ami vivant ».

Le déclenchement de la guerre en 1914 offrit cependant à Parvus l’occasion d’exercer son influence. Après une visite à l’ambassadeur d’Allemagne auprès de l’Empire ottoman, il fut reçu au Ministère des affaires étrangères à Berlin en février 1915.

La révolution russe en 23 pages

Le communiste russe, avec son passé journalistique en Allemagne et son succès commercial à Constantinople, a écrit le scénario d’une révolution pour le Ministère des affaires étrangères. C’était une feuille de route pour ce qui se passerait réellement quelques mois plus tard. Sur plus de 23 pages dactylographiées, Gelfand a expliqué comment un coup d’État soutenu par des étrangers pouvait être couronné de succès. Pour lui, il s’agissait d’une question d’argent, de sabotage et de renversement du gouvernement. Un mois plus tard, le trésor impérial allemand approuva 2 millions de marks « pour soutenir la propagande révolutionnaire en Russie ».

Gelfand était également actif à titre personnel. Il n’y avait guère de séparation entre ses intérêts commerciaux et ses objectifs politiques. Il était le grand profiteur de la guerre, s’occupant de tout et de tous : armes, métaux, cognac, caviar, vêtements. Les combats bloquaient la route qui menait à l’Est, ses collaborateurs ont fait passer des marchandises en contrebande via un village suédois situé à la frontière avec la Finlande, grand-duché de l’empire russe, en versant des pots-de-vin aux gardes-frontières.

La phrase « Je transmets les salutations d’Olga » indiquait que les révolutionnaires russes obtenaient plus qu’un simple soutien de propagande. Les armes et la dynamite ont également traversé la frontière. Avec l’aide de ces « cadeaux allemands », des navires ont été coulés à Archangelsk et les ports ont été incendiés.

Les actions de Parvus ont été coordonnées par l’ambassadeur allemand à Copenhague, le comte Ulrich von Brockdorff-Rantzau, qui estimait que soutenir les communistes était justifié s’il contribuait à saper la coalition de guerre.

Révolutionner l’Allemagne avec l’argent russe ?

Le plan rusé de Gelfand a finalement porté ses fruits. Le 7 novembre 1917, un coup d’État est entré dans l’histoire sous le nom de révolution d’Octobre. Le gouvernement intérimaire a été renversé, les soviétiques ont pris le pouvoir et la Russie a par la suite mis fin à la Triple entente, l’alliance militaire  avec la France et la Grande-Bretagne. Pour la Russie, c’était effectivement la fin de la guerre. L’empereur Guillaume II avait dépensé environ un demi-milliard d’euros (582 millions de dollars), en argent d’aujourd’hui, pour affaiblir son ennemi dans la guerre.

Parvus était directement impliqué en tant qu’intermédiaire pour le kaiser allemand. L’homme qui a aidé Lénine à réussir sa révolution a été décrit à titre posthume par la marxiste allemande Clara Zetkin comme un « impitoyable imposteur ». Gelfand est décédé des suites d’un accident cérébrovasculaire à Berlin en 1924, à l’âge de 57 ans à peine. Les Soviétiques et l’Empire allemand ont mis le voile du silence sur son rôle historique.

Lénine a été brièvement discrédité parmi les communistes russes en tant que bénéficiaire du soutien capitaliste, mais après les meurtres du tsar et de sa famille le 17 juillet 1918, il est passé à l’offensive. Lors d’une conférence du parti, il a été souvent accusé d’avoir réussi à faire la révolution avec l’aide de l’argent allemand. Ceci, a-t-il répondu, était quelque chose qu’il n’avait jamais nié. Au lieu de cela, il a insisté : « Je voudrais cependant ajouter que nous organiserons une révolution similaire en Allemagne avec de l’argent russe ».

Volker Wagener

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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