Par Alexandre Moumbaris – Le 2 février 2017
L’élection présidentielle étasunienne nous a interpellés avec une très grande intensité. Le risque d’une guerre nucléaire était notre première préoccupation. Nous ne pouvions pas assumer une pseudo-pureté idéologique et condamner les deux candidats de la même manière – attitude répandue parmi des « communisants » d’extrême gauche – ou, ce qui au fond revient quasiment au même, s’enfoncer la tête dans le sable et attendre que l’orage passe.
Notre principal raisonnement était le suivant : comment éviter le pire et choisir ce qui était le mieux pour le mouvement ouvrier. Ce qui nous est apparu comme étant primordial était que la candidate pro-guerre Hilary Clinton ne gagne pas. Il y eut aussi d’autres raisons pour nous rendre Trump plus « sympathique », tout capitaliste, milliardaire, sioniste, un peu bigot, souvent grossier, vulgaire, raciste, sexiste, même un peu fascisant… qu’il soit. Sa position visant à chercher à améliorer les relations des États-Unis avec la Russie, le renvoi de tous les ambassadeurs y compris de Victoria Nuland, « fuck the E.U », néoconservatrice très impliquée dans le coup d’État du Maïdan en Ukraine, annonçaient d’importants changements, un progrès dans l’apaisement au moins partiel des conflits. Malheureusement, ses positions vis-à-vis de la Chine, de la Corée du Nord, de l’Iran et de la Palestine restent hostiles. Quant au rapprochement avec la Russie, il pourrait être soit une diversion pour diviser l’alliance russo-chinoise, soit répondre à une autre stratégie malicieuse.
Il est à noter que depuis octobre 2016 un projet de Loi (Bill) a été introduit pour interdire au Président des États-Unis de déclencher une guerre préventive sans l’approbation du Congrès. Selon ses auteurs, son objet était d’éviter que Donald Trump, qui ostensiblement n’avait pas leur confiance, puisse avoir cette possibilité. Ce projet de Loi « H.R.669 » a été soumis au Congrès le 24 janvier 2017. Il n’a donc pas encore été adopté. Donald Trump a déclaré le soutenir. Ce qui est étrange c’est qu’en octobre, lorsque ce projet de loi a été introduit, il n’était pas possible de prévoir lequel des candidats serait élu. La conclusion à en tirer est que les divers conflits opposant essentiellement les États-Unis à la Russie et à la Chine ont atteint un tel niveau de dangerosité, qu’ils ont poussé le Congrès étasunien à – maladroitement et tardivement – mettre un frein – en dépit des néoconservateurs post-trotskistes – à leur politique d’agression permanente. Le bon sens aurait quelque peu prévalu et montré qu’aux États-Unis, il y a quand-même beaucoup de gens sensés qui tiennent à la vie.
Sur le plan intérieur, le positif réside dans la pénalisation par une taxe de 20% ou 30% les produits importés, moyen de décourager les importations et de favoriser la production interne. De telles mesures ne peuvent que faire du bien à la production nationale, à l’emploi, aux salaires avec pour conséquence une hausse du pouvoir d’achat des salariés. Des dispositions douanières identiques en France seraient les bienvenues.
Concernant les restrictions de l’immigration clandestine, par le fait même qu’elle soit clandestine elle est illégale. Or il faut tenir compte de la misère ouvrière aux États-Unis. Detroit entre autres, une ville où les plus démunis n’ont même pas d’eau potable à boire. Et, comme chacun sait c’est le propre du capitalisme de se délecter d’un grand réservoir de chômeurs (la France ne manque pas de misère non plus). Par ailleurs, cet arrêt brutal d’immigration de ressortissants provenant de Libye, de Somalie, du Yémen, d’Irak, de Syrie ne peut être considéré, dans des circonstances normales, que comme scandaleux. Toutefois les circonstances ici ne sont pas tout à fait normales. Nous sommes très dubitatifs quant aux motivations des personnes qui voudraient entrer aux États-Unis, considérant que leurs pays n’ont cessé d’être bombardés, tuant et handicapant des centaines de milliers de leurs compatriotes dans des guerres faites ou soutenues par les États-Unis eux-mêmes. Pour faire un parallèle, c’est comme si pendant l’occupation, des Français avaient voulu immigrer en Allemagne nazie.
Notre attitude n’est pas sans « danger », au sens où, dans l’avenir, des « camarades purs ou neutres » nous la reprocheront et nous tiendront pour responsables de tous les actes malfaisants de Trump. Mais notre analyse se fait sur la base d’un raisonnement établi à un moment donné. Nous ne prophétisons en rien le comportement ultérieur de Donald Trump.
Mais il y a deux choses qui sont très claires. La première est que Trump n’aurait pu être plébiscité sans l’appui du prolétariat pauvre, présumé blanc. La deuxième, qui est réjouissante, est d’entendre les médias à la solde du système, piquer des crises d’hystérie à propos de la défaite du camp Clinton/néoconservateurs soutenu par Obama.
L’avancée triomphale accélérée et avide, durant ces dernières décennies, du Nouvel ordre mondial, de la Mondialisation, de la Globalisation, des sociétés transnationales et surtout des banques prédatrices, des néoconservateurs, des néolibéraux et des sociétés multinationales quasiment apatrides, contre les entités nationales, semble s’être heurtée à des résistances de plus en plus fortes, telle une vague de fond mondiale qui augure de leur déclin. La défense de la souveraineté nationale est une notion qui prend de plus en plus d’ampleur, surtout quand elle a pour moteur les intérêts allant de ceux de la bourgeoisie nationale jusqu’à ceux du prolétariat pauvre. De ce courant ont su profiter Trump, Marine le Pen et quelques autres. Malheureusement les partis communistes européens sapés de l’intérieur, soumis au matraquage médiatique, bourgeois social-fasciste, manquant de clarté, de direction et de pragmatisme dans leur discours, ainsi que leur démoralisation, n’ont pas su se mettre à la portée, donner confiance à leurs prolétariats et les mobiliser pour défendre leurs intérêts. « Inspirés » par les médias et le discours ambiant, ils adoptent parfois les positions des adversaires de classe, même des agresseurs impérialistes, tel que l’exemple flagrant de la participation du PCF à un gouvernement social-démocrate pendant la guerre d’agression contre la Yougoslavie. Ils ont eu, dès lors, du sang sur les mains.
Essentiellement, deux camps se confrontent, ceux qui bénéficient de la globalisation et ceux qui en pâtissent. D’un côté il y a les transnationales étrangères et même des sociétés nationales plus ou moins délocalisées, qui fourguent sur le marché intérieur des produits fabriqués à l’étranger, faits dans des conditions de production plus profitables à cause du coût inférieur de la main-d’œuvre, de l’absence de réglementation… Et de l’autre la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie commerçante, les agriculteurs, les artisans et les travailleurs, qui respectivement ne peuvent concurrencer des prix aussi bas ; n’arrivent pas à vendre leur produits agricoles à un prix normal ; subissent la concurrence des produits importés à bon marché auxquels s’ajoute la baisse de revenus de leur clientèle, et les travailleurs qui ne récoltent que le chômage et qui, par voie de conséquence, voient leurs salaires tirés vers le bas. Des pans entiers de secteurs ont été happés par des entreprises internationales, comme dans la restauration rapide, pas chère et malsaine : McDonalds, KFC, Quick, etc… ; l’électroménager ou les marques françaises deviennent rares… sans parler des prises d’intérêt dans des sociétés par actions. Par ailleurs il est difficile de savoir si une société « française » l’est par son siège, son lieu de fabrication, son marché, la nationalité de ses propriétaires ou si la destination de ses profits n’est pas un paradis fiscal.
Notre place à nous communistes est d’assumer nos devoirs et de nous appliquer à agrandir cette brèche, et non pas d’abandonner nos positions sur le terrain de la lutte à d’autres. Mais rien ne peut s’accomplir sans la souveraineté nationale couplée à l’indépendance économique et militaire.
Évidement ici on ne parle pas des échanges nécessaires et mutuellement profitables entre pays, pas plus que de ceux qui s’y rattachent, bien qu’ils ont, strictement parlant, une fonction compradore. Cela étant dit nous réservons la qualification « compradore » à cette couche de la bourgeoisie qui fourgue des produits qui auraient pu être fabriqués en France si les conditions de production étaient comparables et qui découragent l’autosuffisance du pays. L’autre problème réside dans leur poids économique, couplé aux poids politique, médiatique, publicitaire avec lesquels ils tentent d’atténuer, de masquer le caractère inacceptable de la production étrangère facilitant de plus en plus leur incursion économique, politique, linguistique, culturelle dans la vie du pays. Cette aberration pourrait être atténuée par des droits de douane à l’importation qui prendraient en compte le coût du chômage causé et des avantages sociaux non payés. Mais cela ne règle en rien les effets psychologiques, sociaux et par-dessus tout provoque une pression vers le bas des salaires et du niveau de vie des travailleurs et par extension des agriculteurs et des artisans….
Nous sommes convaincus que nous vivons une période de lutte intense entre d’un côté l’alliance du pouvoir de la globalisation et de la couche compradore de la bourgeoisie et de l’autre l’alliance de la bourgeoisie nationale, des agriculteurs, des artisans et nécessairement du prolétariat national. Cette dernière alliance contient en son sein une contradiction entre classes, mais celle-ci dans les circonstances actuelles est une contradiction de moindre importance qui se résoudra ultérieurement.
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