Accord US-Russie en Syrie :
Tu veux ou tu veux pas ?


De toute évidence, le Pentagone renâcle, il n’y a pas d’unité entre les hauts responsables américains sur le pacte, à peine conclu, avec la Russie sur la Syrie 


Pentagon Leads Opposition to Russia-US Deal on Syria


Andrei AKULOVPar Andrei Akulov – Le 17 septembre 2016 – Source Strategic-Culture

En fait, l’accord des États-Unis reconnaît implicitement l’acceptation du rôle de la Russie comme acteur politique et militaire clé en Syrie, ainsi qu’allié du champ de bataille. Le projet de création d’un centre de mise en œuvre conjoint avec la participation des représentants de l’armée et des forces spéciales des deux pays sera comme une reconnaissance de facto que les États-Unis sont prêts à coopérer en dépit de la rivalité entre les deux pays en Europe et ailleurs. Il y a des raisons de croire que l’administration d’Obama a été influencée par les bons sondages de Donald Trump, qui a promis aux électeurs d’arriver rapidement à un accord avec la Russie sur la Syrie.

La communauté du renseignement et de la sécurité menée par le Département de la Défense [le Pentagone], est ouvertement opposée à l’accord, et soulève des questions quant à savoir si les boss militaires américains sont prêts à s’y conformer. Même la Maison Blanche a exprimé des réserves.

La seule agence qui est solidement derrière la proposition est le Conseil national de sécurité, un organisme regroupant les agences de renseignement US à la Maison Blanche, qui a ses propres problèmes avec les ministères de la Défense et le département d’État.

Le New York Times a rapporté : «L’accord que le secrétaire d’État John Kerry a annoncé avec la Russie pour réduire le nombre des victimes en Syrie a élargi un fossé de plus en plus public entre M. Kerry et le secrétaire à la Défense Ashton B. Carter, qui a de profondes réserves au sujet du plan de jonction des forces américaines et russes pour cibler les groupes terroristes.»

«Je ne vais pas vous dire que je leur fais confiance», a déclaré aux journalistes le lieutenant général Jeffrey Harrington, le chef du Commandement central de l’USAF [Armée de l’air US].

«Il y a un déficit de confiance avec les Russes», a déclaré de son côté le général Joseph Votel, chef du Commandement central des États-Unis − qui gère les opérations américaines en Syrie − lors d’une conférence à Washington organisée par l’Institut pour l’étude de la guerre.

Josh Earnest, le porte-parole de la Maison Blanche, a dit lors d’une conférence de presse : «Je pense que nous avons des raisons d’être sceptiques sur le fait que les Russes soient en mesure ou soient prêts à mettre en œuvre le dispositif compatible avec la façon dont il a été décrit.»

Dans une réponse plutôt apaisante, le secrétaire d’État John Kerry a défendu l’accord dans son entretien avec la National Public Radio le 14 septembre, insistant sur le fait que l’administration est inflexible dans sa volonté de le mettre en œuvre.

Il «pense» que le Pentagone est prêt à se conformer à un accord approuvé par le président des États-Unis ! Il y a évidemment quelque chose de problématique avec la façon dont les organismes gouvernementaux américains fonctionnent si le secrétaire d’État n’est pas sûr − il «pense» − que la décision du président sera respectée par les patrons militaires.

Les divisions sont vraiment inquiétantes car elles dressent les commandants militaires américains en service actif contre la direction politique du pays pour contester le contrôle civil de l’armée. Il remet en question la crédibilité même du gouvernement des États-Unis.

Il ne s’agit pas seulement de l’armée. En juin, cinquante-et-un diplomates du Département d’État ont signé une note interne très critique de la politique de l’administration Obama en Syrie, exhortant les États-Unis à mener des frappes militaires contre le gouvernement du président Bachar al-Assad.

Ce fut un défi ouvert pour mettre en doute l’autorité et la compétence de l’administration.

Donald Trump a de bonnes raisons de faire appel à la coopération entre la Russie et les États-Unis en Syrie. Les États-Unis n’ont guère d’autre choix. La synchronisation des efforts entre les deux principaux acteurs unis par la nécessité de lutter contre un ennemi commun est le seul moyen de sortir de la situation. Seuls la Russie et les États-Unis ont suffisamment de poids pour influencer les acteurs pertinents.

La Russie est un participant actif au processus de paix de Genève. Elle coopère avec l’Iran et les factions qu’elle soutient, la Jordanie et le gouvernement syrien dirigé par le président Assad, qui dirige une armée qui contient l’expansion des éléments djihadistes à Damas, Homs, Hama et sur la côte. La médiation de Moscou est une façon d’intégrer l’Iran, qui est activement impliqué dans le conflit, au processus de consolidation de la paix. Moscou jouit d’une bonne relation de travail avec la Turquie et les Kurdes. Elle a eu des entretiens constants avec les États-Unis qui menaient leur propre coalition. Le problème de la Syrie ne peut être résolu sans elle. Les efforts américains pour lutter contre le problème sans la Russie n’ont donné lieu à aucun progrès. La coordination des efforts − sinon la coopération − est la seule façon d’avancer, il n’y a pas d’alternative.

L’approche du Pentagone est un réflexe de l’époque de la Guerre froide. Les perspectives d’une percée diplomatique l’emportent sur les préoccupations de l’armée américaine liées à la nécessité d’échanger des renseignements avec la Russie. Après tout, les deux pays ont déjà une histoire de coopération contre les terroristes et de partage des données. Même en poursuivant des objectifs différents, ils ont réussi à développer sans confrontation leurs activités militaires en Syrie.

Avec tous les problèmes qui divisent les deux grandes puissances mondiales, l’accord Russie-US sur la Syrie marque un tournant majeur dans la politique étrangère russe en 2015. Si l’accord réussit, la Russie et les États-Unis formeront une nouvelle alliance militaire dirigée contre État islamique et les groupes terroristes d’al-Qaïda, une coopération apparemment impensable au milieu des tensions récentes. La mise en œuvre de l’accord deviendra un héritage diplomatique du président Obama et du secrétaire d’État John Kerry − quelque chose dont les deux seront fiers et dont on se souviendra.

Andrei Akulov est colonel en retraite, il vit à Moscou, il est expert sur les questions de sécurité internationale

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone - au raz des pâquerettes

La sécurité nationale US c'est Al-Capone avec des porte-avions.

Lorsque l'on connaît le niveau de corruption de l'armée US et l'importance de ses collusions mafieuses au Moyen-Orient, entre activités illégales : détournement de fonds, trafic d'arme, de drogue, d'êtres humains [réfugiés], de pétrole, et profits légaux des sociétés militaires privées, Academi [ex-Blackwater], ou fournisseurs d'intendance militaire à des prix fabuleux comme Halliburton, etc. il n'est guère étonnant de voir les réticences des bénéficiaires devant le fait de devoir cesser des pratiques aussi juteuses.
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