Par Dmitry Minin – Le 5 mai 2015 – Source strategic-culture
Le sommet Europe-Ukraine a été une source de frustration pour le régime de Kiev. La conférence des donateurs qui a suivi le 28 avril s’est terminée sur un échec total. Qu’il suffise de dire que le mot même de donateurs a perdu toute signification, et peu importe que le régime ait placé de grands espoirs dans l’événement puisqu’il était à la recherche de moyens pour sortir de la situation économique désastreuse du pays. Peu sont prêts à donner un nouvel élan à l’économie de l’Ukraine, qui est en plein marasme. Ceux qui ont participé à la réunion ont parlé d’une conférence sur les réformes de l’Ukraine, en modifiant l’objet de la réunion, ils signifiaient verbalement qu’il ne s’agissait plus de dons mais de réformes, donc aucun engagement financier n’en est résulté.
Les participants étaient essentiellement des responsables d’organisations internationales et d’États occidentaux dépensant des indemnités de voyage, ainsi que des députés et des parlementaires ukrainiens. Aucun bailleur de fonds sérieux ne s’est manifesté. Le gouvernement ukrainien avait assuré que la Chine, l’Inde et l’Arabie saoudite étaient prêtes à investir. Mais elles ont ignoré l’événement. Certes, Pékin avait vraiment dit auparavant qu’il voyait de grandes possibilités d’investissement en Ukraine, mais aujourd’hui il réagit à la loi sur la décommunisation récemment adoptée.
Au début de la rencontre, Petro Porochenko a fait des remarques désinvoltes affirmant qu’il ne fallait pas exagérer les risques pour les investissements dans l’économie ukrainienne. Parlant de la stratégie, il a présenté le programme des Cinq D préparé par son ami Mikhail Saakachvili, qui comprend la desoligarchisation (se débarrasser des magnats), la démonopolisation, la déréglementation, la décentralisation et la débureaucratisation. Arseni Iatseniouk a dit quelque chose qui a provoqué la confusion chez les participants. En plaisantant, il a offert un échange. Selon lui, Jean-Claude Juncker pourrait devenir président de l’Ukraine dans dix ans et Porochenko lui succéder dans sa fonction de président de la Commission européenne. Personne n’a trouvé ça vraiment drôle.
Comme d’habitude, le premier ministre a tenté de gagner les faveurs de l’Occident. En même temps, il s’est senti insulté par le manque de réciprocité et même le chantage et les tergiversations. Il a affiché son hostilité envers Athènes. Le Premier ministre ukrainien a comparé le montant de l’aide financière internationale accordée à la Grèce, membre de l’UE, à ce que l’Ukraine, qui n’est pas membre, a reçu lorsqu’elle a demandé davantage de soutien financier. «La Grèce a déjà reçu 300 milliards de dollars alors qu’elle est sans guerre, sans chars russes, sans lutte contre un État nucléaire», tandis que l’Ukraine a «reçu environ 30 milliards de dollars pour tout soutien financier de la part du FMI et des États membres du G7», malgré une population «quatre fois plus importante», a déclaré Iatseniouk. Il a ajouté que l’Ukraine compte sur un soutien financier important du bloc, affirmant que la meilleure façon de «gagner la guerre contre l’agression dirigée par la Russie est de faire de l’Ukraine une histoire réussie». Les Grecs avaient probablement hésité à soutenir le régime de sanctions anti-russes, mais maintenant la goujaterie du Premier ministre ukrainien va les inciter à prendre une position plus claire pour empêcher l’introduction de nouvelles mesures restrictives contre la Russie et lever celles qui sont actuellement en vigueur.
Iatseniouk a fait le fanfaron et déclaré que les investisseurs russes et tous ceux qui ont des liens avec la Russie seront écartés du processus de privatisation. C’est ridicule. Premièrement, discriminer certains groupes d’investisseurs potentiels en aliène d’autres. Quoiqu’il en soit, cela ne correspond en aucune manière au prétendu plan des Cinq D. Les créanciers savent pertinemment que certaines branches de l’économie ukrainienne sont sans intérêt pour qui que ce soit, sauf pour la Russie, à cause des liens historiques. L’interdiction de ceux qui ont des liens avec la Russie inclut des géants internationaux de l’énergie qui, d’une façon ou d’une autre, participent à des activités économiques en Russie. Et qui a besoin d’actions ukrainiennes ?
Pour comprendre les dirigeants ukrainiens, il est important de savoir qui donne le la. C’est assez bizarre ! Kiev demande principalement de l’aide à l’Europe. Mais répète comme un perroquet les mots de quelqu’un d’autre. C’est devenu évident lorsque le vice-président américain Joe Biden a envoyé un message en vidéo. Il s’est souvent rendu en personne à Kiev lorsqu’il fallait y installer un gouvernement plus favorable aux États-Unis. Maintenant, quand il s’agit de soutenir financièrement le régime fantoche, il préfère communiquer à distance.
Son discours a donné l’impression qu’il était pas au courant de ce qu’il se passait. Il n’a qu’indirectement abordé la question de l’aide économique. Le vice-président a démontré que l’administration américaine s’intéressait à faire durer la crise et affaiblir les parties impliquées. Il a souligné la nécessité de maintenir les sanctions contre la Russie jusqu’à ce que, comme il l’a dit, la Russie applique pleinement les accords de Minsk. Il n’a rien demandé à l’Ukraine. Il a déclaré : «C’est pourquoi nous continuons à fournir à l’Ukraine de l’aide en matière de sécurité, afin que les Ukrainiens et votre armée puissent protéger leur territoire et leurs frontières et se défendre contre l’agression russe.» Ce type de division du travail, où l’Europe doit payer pour les intérêts géopolitiques des Etats-Unis, suscite un mécontentement croissant sur le vieux continent. Selon des sources allemandes, les participants à la conférence ont déclaré que les réformes mises en œuvre jusqu’à présent ne suffisaient pas.
Johannes Hahn, commissaire européen à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage, a déclaré que Kiev en est tout juste aux premières étapes de la réforme du système judiciaire. Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargée de l’euro et du dialogue social, a critiqué la lenteur de la réforme constitutionnelle. Elisabeth Maria Ploumen, ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, a déclaré que la corruption massive était le principal obstacle aux réformes en Ukraine. Un des responsables de l’UE a confié de façon anonyme à la Deutsche Welle, en marge de la conférence, que Kiev n’obtiendrait jamais de Bruxelles le même montant d’aide que la Grèce. Selon lui, des douzaines de milliards d’euros ont été investis en Ukraine, sans résultat. Un des représentants des entrepreneurs européens a expliqué que les conditions défavorables aux affaires et le conflit militaire dans le Donbass font obstacle aux investissements dans le pays. La nécessité d’une loi anti-trust a été soulignée lors de la conférence. C’est une façon de critiquer le système oligarchique de l’Ukraine, qui effraie les investisseurs.
En résumé, la conférence n’a pas déversé de pluie d’or sur l’économie de l’Ukraine. Ce n’est qu’une misérable aumône déposée à une main tendue. En fait, les sommes sont significatives – 1,8 milliard d’euros de l’Union européenne, 1,4 milliard d’euros de l’Allemagne, 2 milliards de dollars des États-Unis. Mais c’est ce qui avait été promis avant la conférence. Par ailleurs, comme le vice-président Biden l’a noté, ces sommes ne seront versées que dans le cas d’une réforme économique réussie. Voilà qui suscite un grand doute.
Les sommes nouvellement annoncées lors de la conférence comprennent 35 millions de dollars de la Norvège, 66 millions de dollars du Canada, et même 100 millions de dollars de la Serbie pour aider les réfugiés. Cela ne suffira pas à sauver les pères fondateurs de la démocratie ukrainienne.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone