… et commence à chercher un moyen de faire la paix.
Par Moon of Alabama – Le 29 aout 2019
Il y a deux semaines, nous écrivions que la guerre contre le Yémen prendrait bientôt fin. Les Saoudiens ont perdu leur allié, ils ont perdu la guerre et auront à faire la paix. C’est bien ce qu’ils font maintenant. Mais les combats au Yémen se poursuivront jusqu’à ce que ce pays trouve un nouvel équilibre.
Aujourd’hui, l’armée de l’air des Émirats arabes unis a bombardé les forces yéménites soutenues par son « allié » l’Arabie saoudite :
Le gouvernement yéménite, internationalement reconnu, a accusé l'armée de l'air émiratie d'attaquer ses troupes, jeudi, alors qu'elles se dirigeaient vers la ville portuaire d'Aden, au sud du pays, pour combattre les séparatistes soutenus par les Émirats arabes unis. Les frappes aériennes ont tué au moins 30 militaires des forces gouvernementales, a indiqué un commandant yéménite. ... Le colonel Mohamed al-Oban, commandant des forces spéciales du gouvernement de la province d'Abyan, a déclaré que les troupes étaient sur la route, se dirigeant d'Abyan vers Aden, jeudi, lorsque les frappes ont eu lieu, tuant au moins 30 personnes. ... Au moins six raids ont été effectués par des avions de guerre émiratis autour de la capitale temporaire, selon des sources militaires gouvernementales qui ont demandé à rester anonymes.
Les forces séparatistes du Sud, sous l’égide du Conseil de transition du Sud et soutenues par les Émirats arabes unis, détiennent Aden. Entre 1967 et 1990, le sud du Yémen, alors appelé République démocratique populaire du Yémen, a été séparé de la zone montagneuse du nord. Après avoir été réuni avec le nord du Yémen, le sud du pays a été négligé, même si son désert oriental renferme la majeure partie des ressources en hydrocarbures du pays.
Depuis 2015, la coalition entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, soutenue par les États-Unis et la Grande-Bretagne, a mené une guerre contre les houthis du nord du Yémen. La coalition est en train de s’effondrer. Les deux pays prétendaient lutter contre les houthis, qui contrôlent la capitale Sanaa, et soutenir le gouvernement « légitime » internationalement reconnu du « président » Hadi. Mais les deux pays avaient dès le début des objectifs de guerre plus égocentriques.
Les Saoudiens wahhabites veulent un gouvernement yéménite qui ne soit pas contrôlé par le Zaydi-Shia Houthi contre lequel ils ont mené des dizaines de guerres dans deux provinces que l’Arabie saoudite a annexées. Ils veulent également contrôler le pétrole du Yémen et un oléoduc reliant la région pétrolière saoudienne à un port du Yémen. Cela aiderait les exportations pétrolières saoudiennes à éviter le détroit d’Ormuz contrôlé par l’Iran.
Les Émirats arabes unis sont très actifs dans le secteur portuaire. Ils veulent contrôler le port stratégique d’Aden et d’autres ports yéménites situés sur la côte sud. N’ayant pas de frontière directe avec le Yémen, ils se moquent totalement de savoir qui contrôle le reste du pays.
Le dirigeant émirati, Mohammad bin Zayed (MbZ), n’est pas un monarque absolu. Il est le fils de l’émir d’Abu Dhabi, l’un des sept émirats qui forment les EAU. Sa politique étrangère agressive, avec des engagements militaires au Yémen, au Soudan, en Somalie et en Libye, a été critiquée par les dirigeants des autres émirats. Les guerres sont coûteuses et mauvaises pour les affaires courantes. L’alliance de MbZ avec le prince saoudien Mohammad bin Salman (MbS) était considérée comme dangereuse. Les Saoudiens veulent que les États-Unis fassent la guerre à l’Iran, mais les Émirats arabes unis, et en particulier Dubaï, seraient les victimes d’une telle guerre.
En juin, les émirs ont décidé de changer de cause. Les Émirats arabes unis se sont retirés de la guerre en cours au Yémen et ont commencé à faire amende honorable avec l’Iran. Ils espéraient que les séparatistes du sud qu’ils avaient formés garderaient Aden sous contrôle et continueraient à obéir à leurs ordres. Mais les saoudiens et le « gouvernement légitime » d’Hadi qu’ils contrôlent ne sont pas d’accord avec cela.
Les Saoudiens sont extrêmement fâchés que les EAU aient changé de cap :
Mais ce mois-ci, dans son palais de la Mecque, le roi saoudien Salman a pris la décision inhabituelle d'exprimer son "extrême irritation" envers les EAU, son partenaire arabe le plus proche, selon des sources familières avec le sujet. Ce commentaire semble être la preuve d'une fissure dans l'alliance, qui est dirigée dans la pratique par le fils du roi, le prince héritier Mohammed bin Salman (MbS), et le dirigeant de facto des EAU, Cheikh Mohammed bin Zayed al-Nahyan (MbZ). ... Selon deux sources yéménites, et une autre informée de la réunion, tenue le 11 août, le roi a exprimé son mécontentement lors d'une conversation avec le président Abd-Rabbu Mansour Hadi, chef du gouvernement yéménite soutenu par les Saoudiens. A Aden, les forces du gouvernement Hadi venaient d'être mises en déroute par des troupes soutenues par les EAU, alors que les alliés nominaux du sud du pays se sont retournés les uns contre les autres, dans la lutte pour le pouvoir.
Les Saoudiens doivent mettre fin à la guerre contre les houthis qui a été lancée à la demande de son prince héritier. La guerre a coûté aux Saoudiens une énorme somme d’argent, mais ils la perdent quand même. Pas plus tard qu’hier, 25 de leurs militaires ont été tuées dans une embuscade menée par les houthis. Avec l’aide de l’Iran, les houthis ont acquis des missiles et des drones à longue portée et ils les utilisent maintenant dans des tirs qui atteignent les terres saoudiennes en profondeur :
Dès le 24 août, les houthis ont déclaré que leurs forces avaient mené deux frappes de drones sur la base aérienne du roi Khaled, à Khamis Mushayt, et l'aéroport d'Abha, dans le sud de l'Arabie saoudite. Le lendemain, une autre série de frappes de drones était signalée sur les deux mêmes cibles. Le même jour, dix missiles balistiques Badr-1 auraient été tirés sur la ville saoudienne de Jizan. Cependant, les autorités saoudiennes ont rapporté que les systèmes de défense aérienne du pays avaient abattu six missiles balistiques. Le 26 août, un autre missile balistique, le tout nouveau missile Nakal, aurait été tiré sur des troupes saoudiennes près de Najran. Plus tard dans la journée, une autre série de drones aurait été interceptée près de la base aérienne du roi Khaled, à Khamis Mushayt. Pendant que les drones frappaient la base aérienne du roi Khaled, une autre attaque a peut-être eu lieu près de Riyadh, avec les nouveaux drones suicide Samad-3. Si cela se confirme, ce sera la deuxième fois que des drones houthis frappent la capitale saoudienne. La première a été une frappe signalée le mois dernier contre une usine d'Aramco, près de la capitale. Le 27 août, les houthis ont inauguré un autre nouveau missile balistique, le Qasem-1, en frappant les troupes saoudiennes positionnées près de la frontière yéménite à Najran. Un autre drone a également été intercepté et détruit par les forces saoudiennes au-dessus de Khamis Mushayt. Et hier, un nouveau missile de croisière, le Quds-1, a été lancé vers l'aéroport d'Abha. Cependant, les autorités saoudiennes ont déclaré que le missile avait été intercepté et détruit.
Le roi saoudien a dû reconnaître qu’il n’a plus aucune chance de gagner la guerre. Il semble qu’il ait demandé à l’administration de Trump d’élaborer un accord avec les houthis :
L'administration Trump s'apprête à entamer des négociations avec les rebelles houthis soutenus par l'Iran afin de mettre un terme à la guerre civile qui dure depuis quatre ans au Yémen, informait le Wall Street Journal de mercredi. Cet effort viserait à convaincre l'Arabie saoudite de prendre part à des pourparlers secrets avec les rebelles d'Oman pour aider à négocier un cessez-le-feu au conflit qui est apparu comme un élément frontal dans la guerre régionale par procuration entre Riyad et Téhéran.
Le frère du prince héritier est venu à Washington pour préparer les pourparlers :
Le prince Khalid rencontrait mercredi le secrétaire d'État, Michael Pompeo. Ils ont discuté du "soutien des États-Unis à un règlement négocié entre le gouvernement de la République du Yémen" et un groupe dissident connu sous le nom de Southern Transitional Council, selon une déclaration du porte-parole du département d'État, Morgan Ortagus.
Le gouvernement de Hadi compte pour rien. Le Conseil de transition du Sud exigera l’indépendance du Nord. Les houthis exigeront le contrôle du Nord et des réparations pour la guerre que les Saoudiens ont menée contre eux.
L’infrastructure du Nord Yémen est en grande partie détruite. Il en coûtera plusieurs dizaines de milliards de dollars pour reconstruire ce que la guerre aérienne saoudienne a détruit pendant cinq ans. Comme les houthis peuvent continuer à harceler les Saoudiens à volonté, jusque dans leur capitale, les Saoudiens n’auront d’autre choix que de payer ce que les houthis demandent.
C’est le prince Mohammad bin Salman qui a lancé la guerre contre le Yémen peu après son arrivée au pouvoir. Il était censé vaincre les houthis en quelques semaines. Cinq ans plus tard, et après avoir dépensé au moins 100 milliards de dollars, les Saoudiens ont perdu cette guerre.
Le Roi tiendra-t-il son fils pour responsable de l’importante perte d’argent et de prestige qu’il a causée ?
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone