Trump veut éviter une vraie guerre…


…Mais l’Iran va utiliser d’autres moyens pour faire pression sur lui.


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 22 juin 2019

L’Iran va continuer à mettre Trump sous pression. Comme ce dernier veut éviter une guerre qui nuirait à ses chances de réélection, l’Iran va utiliser d’autres moyens pour faire pression sur lui.

La décision de Trump de ne pas « riposter » à la destruction en vol d’un drone américain par l’Iran continue de faire la une des médias américains. Les différentes « sources » se contredisent. Il est fort probable que Trump a vu le piège d’un conflit militaire qui ne cessait de s’intensifier et qu’il ne s’y est pas laissé prendre. Le Pentagone a préparé un plan de frappe, comme il le fait toujours, mais Trump n’a jamais approuvé son exécution.

Un nouveau détail sur les discussions en cours à la Maison-Blanche est apparu dans un article du New York Times. Le Pentagone et la Maison Blanche ne savent pas exactement où est tombé le drone Global Hawk. Ils pensent que le US Central Command ne leur a pas dit toute la vérité :

Vendredi soir, le Pentagone a confirmé la présence d'un deuxième avion de surveillance, un P-8A Poseidon de la Marine, qui, selon les responsables, a pris des photos du drone abattu. Mais un haut responsable de l'administration Trump a déclaré que le gouvernement des États-Unis s'inquiétait de savoir si le drone, ou un autre avion de surveillance américain, ou même l'avion P-8A piloté par un équipage militaire, aurait effectivement violé l'espace aérien iranien à un moment donné. Le fonctionnaire a dit que ce doute était l'une des raisons pour lesquelles Trump avait annulé la frappe.

Une version antérieure de la même histoire du NYT, citée ici, inclut ceci :

Le retard pris par le Commandement central des États-Unis dans la publication des coordonnées GPS du drone lorsqu'il a été abattu - des heures après l'Iran - et les erreurs dans le dessin de la trajectoire de vol du drone lorsque les images ont été diffusées, ont contribué à ce doute, ont ajouté des responsables.

L'absence de preuves tangibles sur l'emplacement du drone lorsqu'il a été touché, a déclaré un responsable de la défense, a placé l'administration dans une position isolée pour ce qui pourrait facilement aboutir au début d'une guerre contre un nouvel adversaire au Moyen-Orient - mais celui-ci a une capacité avérée à riposter.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a ajouté au doute lorsqu’il a indiqué l’endroit exact où le drone a été touché :

Javad Zarif @JZarif - 18:20 utc - 20 Jun 2019

A 00h14, un drone américain a décollé des EAU en mode furtif [sans transpondeur] et a violé l'espace aérien iranien. Il a été visé à 4h05 quand il se trouvait aux coordonnées (25°59'43" N 57°02'25" E), près de Kouh-e Mobarak.

Nous avons récupéré des éléments du drone militaire américain dans nos eaux territoriales, où il a été abattu.

Peu de temps avant que Zarif n’affiche ce qui précède, l’agence de presse Iranian Fars distribuait une vidéo de la destruction du drone et, une heure plus tard, une vidéo montrant la trajectoire de vol de celui-ci. Hier, l’Iran a récupéré les débris du drone et en a distribué des photos. Des experts ont confirmé que le matériel est authentique.

Aujourd’hui, Javiad Zarif a présenté une trajectoire de vol encore plus détaillée du drone :

Javad Zarif @JZarif - 14:01 utc - 22 juin 2019

Pour plus de détails visuels sur le trajet, l'emplacement et le point d'impact du drone militaire américain que l'Iran a abattu jeudi et sur les eaux qu'il survolait, consultez ces cartes et coordonnées.

Il n'y a aucun doute sur l'endroit où se trouvait le drone lorsqu'il a été abattu.

LÉGENDE : bleu = drone ; ligne jaune = RIF [Région d'information de vol] iranienne ; ligne rouge = eaux territoriales iraniennes ; ligne verte = ligne côtière intérieure ; carrés jaunes = messages radio envoyés par l’Iran ; carré rouge = point d’impact.

Il a joint sept photos :


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Les données de ces cartes concordent avec la vidéo d’il y a deux jours, celle sur les trajectoires de vol.

Zarif a ajouté une autre carte intéressante.

Javad Zarif @JZarif - 2:18 utc - 22 Juin 2019

Un dernier visuel : Le point rouge est le point d'intrusion du drone à la frontière iranienne ; et la frontière des États-Unis.


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La distance entre Palmdale en Californie, où le drone Global Hawk a été construit, et le port de Bandar Abbas dans le détroit d’Ormuz est de 13 134 kilomètres ou 8 161 miles. Sachant cela, il semble un peu ridicule de discuter de la question de savoir si le drone américain se trouvait à un mille à l’extérieur ou à un mille à l’intérieur de l’espace aérien iranien.

Les États-Unis mènent une guerre économique totale contre l’Iran. Ils ont bloqué les exportations iraniennes de pétrole, d’acier, d’aluminium, de cuivre et de dérivés du pétrole. Ils entravent les importations iraniennes en bloquant ses connexions bancaires. Tout cela a des effets extrêmement sévères sur la population iranienne :

J'habite au 30 Tir Street dans le sud de Téhéran, le cœur battant de la ville. Le bazar labyrinthique de Téhéran est à deux pas. Il y a des ministères, des bibliothèques, des églises, une synagogue en activité et une école secondaire zoroastrienne à proximité.

C'est le Téhéran qui attire les visiteurs, mais il y en a peu. L'impact dévastateur des sanctions américaines se fait sentir partout : Les magasins sont souvent vides ; les restaurants, pour la plupart désertés. Sur l'avenue Hafez adjacente, un silence assourdissant règne dans le complexe commercial spécialisé dans la vente de téléphones portables.

L'un des rares magasins du 30, rue Tir qui attire encore des clients est dirigé par Abbasi, un officier de l'armée à la retraite qui répare les appareils ménagers ; les gens n'ont plus les moyens d'acheter de nouveaux appareils. "N'est-ce pas déjà la guerre ?" demande-t-il, sans trop de rancœur. C'est une question que beaucoup d'Iraniens se posent de nos jours.

L’absence de réaction de Trump à l’attaque contre le drone américain montre que son administration ne veut pas faire une guerre militaire contre l’Iran. Du moins, pas encore. Elle se satisfait du fait que l’Iran soit puni par une économie en chute libre. Elle pense qu’avec le temps les sanctions rendront l’Iran beaucoup plus faible. Cela facilitera grandement une future tentative de changement de régime, par la guerre ou par d’autres moyens.

Pendant plusieurs années, l’Irak, voisin de l’Iran, a été soumis à un régime de sanctions aussi sévères. 500 000 enfants irakiens sont morts et la secrétaire d’État américaine de l’époque, Madeleine Albright, a déclaré que cela en valait la peine (vidéo). L’Iran l’a vu et sait ce que les sanctions peuvent faire au fil du temps et il est conscient qu’il doit les combattre rapidement et par tous les moyens possibles.
L’Iran mènera cette guerre contre son étouffement économique du mieux qu’il pourra. Les États-Unis dépensent cent fois plus que l’Iran pour son budget militaire. L’Iran ne peut pas attaquer les États-Unis. Il doit mener cette guerre par des moyens asymétriques.

Un tiers de la production mondiale de pétrole doit passer par le détroit d’Ormuz pour atteindre ses clients. L’Iran peut facilement mettre en péril l’économie mondiale. Il peut fermer le détroit ou entraver sa circulation. Il peut saboter ou détruire les capacités de production pétrolière des producteurs arabes hostiles, qui se trouvent à proximité.

L’Iran utilise maintenant ces moyens pour faire pression sur Trump. Il n’est pas prêt à faire la guerre ? Que pense-t-il d’un prix du pétrole au-dessus de 100$ le baril ?

La semaine prochaine, nous assisterons probablement à d’autres attaques clandestines contre des pétroliers, des ports de chargement dans les pays du Golfe ou leurs champs pétroliers côtiers. L’Iran niera les avoir causés. Mais le message est clair : si l’Iran ne peut pas exporter son pétrole, aucun autre pays de la région du Golfe ne pourra en exporter.

Trump doit : soit lever les sanctions contre l’Iran, soit mener une guerre militaire contre ce pays et en supporter les conséquences. Il n’a pas d’autre choix.
Trump propose des pourparlers et des négociations. Mais l’Iran ne tombera pas – encore – dans ce piège. Les États-Unis ont montré qu’ils sont, comme le disent les Russes, « incapables de passer des accords ».

L’Iran augmentera régulièrement sa pression sur Trump en s’en prenant à des cibles de plus en plus importantes. Il y aura de plus en plus d’incidents et ils seront moins espacés dans le temps.

Les sanctions frappent l’Iran. Se coucher et faire le mort n’est pas une option. L’Iran n’a pas d’autre choix que de riposter. Rapidement et par tous les moyens possibles.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

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