La Russie et la Chine connaissent-elles suffisamment d’« économie pour les nuls » pour échapper à l’apocalypse de la monnaie de singe de l’Occident ?
Elles ont montré une certaine affinité pour l’or, mais ne sont pas – encore – allées jusqu’à l’instituer comme monnaie
Préambule de Russia Insider
Cet article montre clairement que le retour à un étalon-or est la seule façon pour les pays de contenir le coût des intérêts du service de la dette, dans la mesure où une politique inflationniste ne peut que conduire à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et à la destruction de la monnaie. Le sujet est d'actualité, compte tenu des conséquences néfastes des politiques économiques et géopolitiques américaines, qui entraînent déjà l'Amérique dans un marasme cyclique. Dans le même temps, les États-Unis craignent une domination asiatique mondiale dans les domaines économique, monétaire et politique. La crise du crédit qui s'annonce risque de détruire le modèle d'État providence occidental en détruisant leur devise de papier alors que la Chine, la Russie et leurs alliés asiatiques ont les moyens de prospérer.
Par Alasdair Macleod – le 26 février 2019 – Source Russia Insider
La fragilité des finances de l’État
Dans mon dernier article sur Goldmoney, j’avais expliqué pourquoi les politiques monétaires d’économistes et de décideurs inflationnistes finiraient par détruire les monnaies fiduciaires. La destruction viendra des gens ordinaires, qui sont obligés par la loi d’utiliser les fonds de l’État pour régler leurs transactions quotidiennes.
Les gens ordinaires, chacun une trinité de production, de consommation et d’épargne, finiront par se rendre compte de la fraude de l’inflation monétaire et rejetteront le moyen d’échange de leur gouvernement comme intrinsèquement sans valeur. Ils le devront, finalement.
Cela a été prouvé par expérience et ne devrait pas être objet à controverse. Pour l’émetteur d’une monnaie, le risque que cela se produise augmente lorsque les marchés du crédit sont déstabilisés et que la confiance totale dans le crédit, qui est le seul soutien d’une monnaie fiduciaire, commence à être remise en question par ses utilisateurs, par les utilisateurs domestiques, les étrangers, ou par les deux. Et quand cela se produit, une monnaie commence à perdre rapidement son pouvoir d’achat et l’ensemble de la structure de taux d’intérêt monte.
Les finances de l’État sont alors ruinées, car à ce moment-là, l’État aura accumulé une combinaison mortelle de dette non remboursable et de dépenses sociales croissantes. Aujourd’hui, la plupart des gouvernements, y compris les États-Unis, sont déjà pris à ce piège de la dette. Seul le public doit encore en prendre conscience, mais les planificateurs ne sont pas sur le point de le leur dire. La difficulté pour presque tous les gouvernements est que la détérioration de leurs finances finira par effacer leur monnaie à moins qu’une solution ne soit trouvée.
Il existe une solution qui, si elle est mise en œuvre, permettra à l’État de survivre. On pourrait s’inspirer de la solution privilégiée de Steve Hanke (de l’Université John Hopkins) consistant à mettre en place un currency board [fond monétaire] : qui, strictement géré, interdit à l’État de créer de la monnaie à partir de rien. Il [Steve Hanke] recommande cette solution contre la dégradation des monnaies et les maux qui en découlent, pour le Venezuela et d’autres qui lient un marché émergent au dollar. Mais ici, nous envisageons de stabiliser le dollar et toutes les autres monnaies qui y sont liées. Dans ce cas, le currency board ne peut être lié qu’à de l’or, qui a toujours été l’argent du peuple, protégé des risques de l’émetteur. Autrefois, c’était la base de l’étalon-or.
Le currency board du professeur Hanke est un système à base de règles conçues pour atteindre le même objectif. Une fois le système en place, chaque unité monétaire mise ultérieurement en circulation par l’autorité monétaire doit être physiquement garantie par un nombre défini de lingots d’or. C’était la méthode de l’étalon de change or adoptée par la Banque d’Angleterre en vertu du Bank Charter Act de 1844. Un currency board moderne, composé de monnaie digitalisée, fonctionne de la même manière.
Mais ce mécanisme n’est pas le meilleur pour permettre de rendre la monnaie échangeable contre de l’or. Sa faiblesse est qu’il repose sur le respect par l’État de ses obligations. Il serait donc préférable d’utiliser l’or directement, sous forme physique ou sous forme numérisée. L’Amérique a renié son étalon-or en 1933/34, date à laquelle elle a interdit la possession de l’or puis dévalué le dollar. C’était simplement un vol commis par l’État contre ses citoyens. Par conséquent, d’autres garanties pour un standard d’échange d’or doivent être en place.
Un retour à un étalon-or crédible limitera alors les taux d’intérêt et donc les coûts d’emprunt de l’État. Au lieu de taux nominaux de 10% à 20% et au-delà, un étalon-or plafonnera probablement les taux d’emprunt des gouvernements à long terme dans une fourchette de 2 à 5%. Cela permet également aux entreprises disposant de plans d’investissement viables de progresser. Non seulement c’est une solution évidente, mais c’est similaire à celle adoptée au Royaume-Uni après les guerres napoléoniennes.
En 1815, la dette publique britannique était supérieure à celle de tous les pays avancés aujourd’hui par rapport à la taille de son économie, à la seule exception du Japon. Elle a introduit la pièce du souverain d’or en 1816, composée de 0,2354 onces d’or, en tant que monnaie en circulation avec une valeur nominale d’une livre.
Au cours des neuf décennies suivantes, non seulement elle a réduit la dette de son gouvernement, qui est passée de plus de 200% du PIB à environ 30%, mais son économie est devenue la plus avancée et la plus riche du monde. Cet objectif a été atteint avec une monnaie saine, dont le pouvoir d’achat a augmenté de manière significative au cours de ces neuf décennies, tandis que la qualité de vie de tous s’est améliorée. Un souverain valait toujours une livre, seulement il achetait beaucoup plus.
Les gens ordinaires ont été encouragés à travailler, dépenser et épargner. Ils aspiraient à améliorer leur famille. La grande majorité a réussi et, pour les quelques malheureux qui sont tombés à l’eau, des institutions caritatives ont été créées par des philanthropes riches, dans le but de fournir un logement et un emploi. Ce n’a jamais été le rôle de l’État de les soutenir. Ce serait trop de prétendre que le monde était parfait ou que tout le monde se comportait comme un gentleman, avec les meilleures valeurs de l’époque victorienne, mais la comparaison est cruelle, entre une économie de laissez-faire prospère en Grande-Bretagne, avec ses défauts relativement mineurs, et le socialisme bureaucratique qui lui a succédé [Ben voyons ! Et le million d’irlandais morts pendant la grande famine entre 1845 et 1851 ?, NdT].
La clé réside dans la création et la préservation de la richesse personnelle, contrastant avec la redistribution socialiste et la destruction de la richesse, qui ont progressivement miné les économies autrefois prospères. L’avenir est en train de se transformer en un effondrement inflationniste pour tous les gouvernements occidentaux, dont les détails sont rapportés dans le chapitre suivant. Pour les politiciens prescients, cela crée une opportunité de renverser le socialisme, car la majorité silencieuse, qui veut juste une stabilité commerciale de préférence à des aides de l’État, si elle est correctement dirigée, soutiendra l’abandon du socialisme destructeur. Ce n’est pas une tâche facile, car tous les conseils que reçoit un politicien aujourd’hui sont fondés sur le credo de l’inflationnisme et des impératifs socialistes.
Pourquoi, et comment, se produit un effondrement inflationniste
Les monétaristes sont pleinement conscients que si un gouvernement augmente la quantité de monnaie en circulation, son pouvoir d’achat diminue. Leur théorie est basée sur l’époque où l’or était la monnaie et décrivait l’effet des importations et des exportations d’or monétaire sur le niveau général des prix.
Les monétaristes purs semblent présumer qu’il en va de même pour les monnaies fiduciaires, non adossées à l’or. Mais il y a une différence fondamentale. Lorsque l’or est utilisé comme monnaie pour régler un commerce transfrontalier, un arbitrage a lieu, corrigeant les écarts de prix. Lorsque les prix sont généralement bas dans un pays, ce pays vendra des produits de base et des biens à d’autres pays où les prix sont plus élevés. L’or se dirige vers le pays de prix inférieur, augmentant ses prix par rapport à ceux d’autres pays. Avec les monnaies nationales non adossées à l’or, cela ne se produit pas.
Au lieu de cela, les monnaies nationales gagnées grâce au commerce transfrontalier sont généralement vendues sur les marchés des changes et le déterminant des flux commerciaux n’est plus un arbitrage basé sur une forme commune de monnaie. Le lien pur entre l’argent et le commerce a disparu et le fait que les étrangers conservent ou vendent la monnaie gagnée par leurs exportations dépend principalement de la confiance qu’ils ont en elle. C’est un sujet de spéculation, pas de commerce.
Les utilisateurs nationaux de monnaies d’État ne sont pas concernés par ces problèmes, car les monnaies étrangères ne circulent pas dans le pays en tant que moyen d’échange. Au lieu d’être une monnaie acceptée au-delà des frontières nationales, comme le fut jadis l’or, il n’existe plus aucun ancrage de valeur pour un usage domestique. C’est pour cette raison que le pouvoir d’achat d’une monnaie nationale devient une question de confiance, et c’est cette confiance qui risque d’être minée par une crise du crédit. Moins un gouvernement est digne de confiance, plus une devise risque de décliner rapidement.
C’est pourquoi le monétarisme, qui était basé sur l’or en tant que monnaie omniprésente, n’est plus le seul facteur déterminant de la valeur d’une devise. Il est vrai qu’une augmentation de la quantité de monnaie en circulation dévalue le stock existant, mais si la population dans son ensemble est disposée à augmenter sa préférence pour la monnaie, généralement exprimée en tant que ratio d’épargne, il ne doit pas y avoir d’effet négatif sur son pouvoir d’achat.
Avec les monnaies fiduciaires, nous entrons dans un monde où les statistiques reflètent la quantité d’argent et non la confiance des gens. De plus, nous devrions observer que les statistiques peuvent tout dire ou rien du tout, mais jamais la vérité. Il est possible qu’une économie s’effondre, mais elle semble statistiquement saine, comme l’illustre l’exemple suivant.
Imaginons un instant que les statisticiens modernes et leurs méthodes existaient à l’époque de la République de Weimar. Les finances publiques étaient couvertes pour environ 10% par les impôts, et pour 90% par l’inflation monétaire. C’était un gouvernement dont les finances étaient conformes aux recommandations des théoriciens modernes de la monnaie. 1
Il ne fait aucun doute que le faible niveau d’imposition constituait un encouragement pour les entreprises et permettait le redéploiement des bénéfices pour l’investissement. Un taux de change en baisse procure également des bénéfices excédentaires aux entreprises exportatrices. Les taux d’intérêt étaient intéressants par rapport au taux d’inflation, et l’économie, statistiquement, se développait rapidement, quoi qu’il arrive.
Cela était certainement vrai, mesuré en PIB nominal, mesure de base de l’activité économique aujourd’hui. Les prix officiels, qui sont toujours les derniers rassemblés et indexés, sont décalés d’au moins un mois, voire deux ou trois par rapport à la dégradation de la monnaie. Il faut également mentionner à cet égard que les gouvernements ont toujours sous-estimé l’inflation des prix, conséquence naturelle d’une dégradation précédente. Par conséquent, même après l’application d’un déflateur officiel des prix au PIB nominal, les économistes du gouvernement d’aujourd’hui estimaient que la croissance « réelle » du PIB en Allemagne entre 1918 et le début de 1923 était en plein essor.
Fait intéressant, Joseph Stiglitz et un groupe d’économistes et de politiciens de gauche croyaient que la politique socialiste d’Hugo Chavez avait porté ses fruits en 2007, lorsque les statistiques révélaient une interprétation similaire de l’économie vénézuélienne sous inflation. Cependant, au lieu que l’Allemagne soit considérée comme étant en plein essor économique, en 1920, des économistes de tradition classique et autrichienne la voyaient telle qu’elle était. Même Keynes en a parlé dans son ouvrage Tract on Monetary Reform, publié par hasard à la fin de 1923, au moment de l’effondrement du papier monnaie.
L’inflation allemande a peut-être été un succès statistique, mais elle dissimulait la destruction écrasante des richesses par le transfert de la richesse et des salaires des particuliers à l’État par le biais d’une dégradation monétaire. Comme Lénine est réputé l’avoir dit, « le moyen d’écraser la bourgeoisie est de la broyer dans les mâchoires de l’étau, fiscalité et inflation ».
En Allemagne, le financement inflationniste a commencé avant la Première guerre mondiale pour payer les armements. Au début de la guerre, la convertibilité en or était suspendue et le papier-monnaie non lié commençait sa dérive inflationniste. L’exploitation de la possibilité d’émettre des morceaux de papier sans valeur en guise de monnaie et de les faire circuler sous forme de monnaie légale est devenue la principale source de fonds publics.
Cette astuce a fonctionné jusque vers mai 1923 environ. À ce moment-là, le pouvoir d’achat du mark avait constamment diminué à un rythme relativement continu. Il ne fallut alors que sept mois pour que tout son pouvoir d’achat disparaisse, lorsque le public se rendit compte collectivement de ce qui se passait et qu’il se débarrassait systématiquement de ses marks. C’était la katastrophenhausse, ou le crash du boom économique, la fin de vie pour la monnaie non garantie d’un État.
C’est le schéma qui a été fermement établi dans tous les effondrements de la monnaie fiduciaire, comme des monnaies existantes aujourd’hui, dans tous les cas au cours de l’histoire du commerce post-troc, sans exception connue. C’est l’itinéraire habituel emprunté par le dollar et d’autres monnaies papier. Maintenant que nous entrons dans un ralentissement statistique dans la plupart des grandes économies, le financement à la Weimar devrait revenir sur le devant de la scène. Le sort des monnaies d’État non garanties – à moins d’être conjuré d’une manière ou d’une autre – sera le même.
La leçon tirée de l’inflation monétaire de Weimar et d’aujourd’hui est qu’il est possible de prolonger la période, avant que le public ne pige l’embrouille. En Allemagne, c’était entre 1914 et 1923, suivi d’un effondrement rapide de sept mois. Aujourd’hui, c’est à partir de 1971 et ça court toujours. Mais l’effondrement final pourrait être aussi rapide que celui de l’Allemagne entre mai et novembre 1923.
Sans aucun doute, nous assisterons à une hausse des prix plus tard cette année, mais cette statistique continuera à être dissimulée. Avec l’écart entre l’effet de l’accélération de la fabrication monétaire et l’augmentation du taux officiel d’inflation, nous avons pu constater pendant une brève période la reprise statistique du PIB qui avait tellement induit en erreur le professeur Stiglitz et d’autres observateurs de l’économie du Venezuela il y a douze ans.
L’étalon-or, à lui seul, ne suffit pas
La valeur nominale de l’emprunt pose un problème majeur aux gouvernements lorsque l’inflation des prix commence à augmenter, car les marchés sensibles au déclin du pouvoir d’achat de la monnaie provoqueront une hausse des taux d’intérêt, malgré les tentatives officielles de les supprimer. Jusqu’à présent, le problème a été dissimulé avec succès par les banques centrales manipulant les marchés de la dette publique et par les statisticiens gouvernementaux masquant le taux réel de l’inflation des prix par des ruses statistiques. À l’avenir, les efforts pour garder le voile sur la réalité vont probablement s’intensifier en tant que caractéristique essentielle de la politique monétaire et économique. À la lumière d’une autre vague de dépréciation monétaire, la question se pose alors de savoir si les marchés permettront à ce trucage de se poursuivre. Sinon, le pouvoir d’achat des monnaies non-adossées sera visiblement miné par l’érosion de la confiance du public dans celles-ci.
Nous ne pouvons pas connaître ce résultat avec certitude tant que le processus ne sera pas terminé. La crise du crédit de Lehman a entraîné une explosion mondiale de la quantité de monnaie, les banques centrales travaillant de concert pour sauver les banques et le monde financier dans son ensemble. Cette injection circule toujours dans le circuit monétaire mondial. Une deuxième dégradation monétaire coordonnée à l’échelle mondiale vient tout juste de commencer, notamment avec la Chine en tête. Une hypothèse réaliste doit être que cette fois le pouvoir d’achat des monnaies d’État sera victime d’une grave surdose monétaire.
Ceci étant le cas, les taux d’intérêt nominaux imposés aux banques centrales par les marchés ne peuvent qu’être ajustés à la hausse. Le financement gouvernemental devient ouvertement inflationniste et s’engage sur un équivalent moderne de la voie du mark-papier. Comment décrivez-vous autrement l’assouplissement quantitatif accéléré ?
Une perte de confiance dans les monnaies se reflète toujours dans les prix de l’or et de l’argent, qui devraient alors considérablement augmenter. Les crypto-monnaies pourraient aggraver le problème en devenant une alternative pour les personnes qui ne se contentent plus de conserver des dépôts bancaires.
Les gouvernements et leurs banques centrales seront à la croisée des chemins. La voie vers la stabilité monétaire est rude, dure, elle casse les amortisseurs de la crise, mais conduit vers un meilleur endroit. L’autre voie vers l’accélération de la dégradation monétaire est plus fluide, plus familière, mais, à l’abri des regards, nous nous retrouverons face à une destruction massive.
Quelle route votre gouvernement prendra-t-il ?
Les gouvernements occidentaux sont mal équipés pour prendre cette décision. Il y a quelques personnes dans l’establishment politique qui pourraient comprendre le choix, mais elles devront délibérément revenir en arrière et inverser la politique gouvernementale en s’éloignant du socialisme et de la réglementation de l’État en faveur de marchés libres et d’une monnaie saine. Ils lutteront contre l’establishment économique néo-keynésien, les inflationnistes qui forment l’écrasante majorité des experts et des conseillers. Ces néo-keynésiens peuplent les banques centrales et les départements du Trésor des gouvernements du monde entier, presque à l’exclusion de tous les autres théoriciens de l’économie. Les ministres dépensiers et les secrétaires d’État devront être priés de réduire leurs bases de pouvoir, ce qui va à l’encontre de leurs ambitions personnelles et de leurs instincts politiques.
Il faudra un exploit extraordinaire de leadership pour réussir
Les instincts du marché libre de la majorité silencieuse seront favorables à un homme d’État courageux. Ce n’est qu’en temps de crise qu’un homme d’État peut mobiliser ce soutien. Churchill en 1940 vient à l’esprit dans un contexte différent. Le public ne connaîtra pas la solution, mais avec le bon leadership, il peut être guidé vers le salut économique et monétaire. La monnaie devra être stabilisée en la rendant convertible en or et les dépenses publiques devront être réduites d’un quart ou d’un tiers dans la plupart des économies avancées. Cela signifie adopter une législation dépouillant le gouvernements de ses responsabilités, ce qui pourrait nécessiter un état d’urgence. Le message aux électeurs doit être que le gouvernement ne vous doit rien. Et pour que vous puissiez vous occuper de vous-même, le gouvernement doit encourager les particuliers à accumuler des richesses personnelles en supprimant les impôts sur l’épargne.
De toute évidence, les États-providence les plus socialistes seront confrontés au plus grand défi. Il y aura une tension extrême entre la réalité financière et les intérêts enracinés. Il ne fait aucun doute que leurs monnaies sont les plus susceptibles d’échouer.
La zone euro pose un défi particulier, une monnaie unique circulant entre dix-neuf États membres. L’opinion traditionnelle est que tous les problèmes rencontrés chez les PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) sont dus à une monnaie inflexible. Ici, il y aura probablement une scission, l’Allemagne et peut-être une faction de pays du nord cherchant à protéger un étalon-or, tandis que les PIGS vont faire pression pour que les taux d’intérêt soient réduits et que la BCE fournisse une quantité infinie d’argent facile.
Les États-Unis sont le pivot du désastre
Les États-Unis ont un problème différent mais plus inquiétant. Ils refusent d’accepter leur déclin en tant que superpuissance dominante et se recroquevillent sur la protection du commerce et l’autarcie. En conséquence, le gouvernement américain prend des décisions destructrices. Depuis que le président Trump a été élu, il a accéléré le financement inflationniste [planche à billets], tardivement dans le cycle du crédit, persuadé que cela entraînerait une augmentation des recettes fiscales en temps voulu. Il a également rejoué le Smoot-Hawley Tariff Act de 1930, persuadé que le protectionnisme commercial rendrait l’Amérique plus grande encore (MAGA). Au contraire, il a, de fait, brisé le commerce mondial, tout comme dans les années 1930. MAGA est une combinaison fatidique de réductions d’impôts et de protectionnisme commercial. C’est une curieuse forme d’automutilation, qui se retourne contre les consommateurs et les entreprises américaines. Et cela n’aide pas à entretenir de bonnes relations avec les créanciers des américains qui ont permis à leur pays de vivre au-dessus de ses moyens pendant des décennies.
Les étrangers possèdent maintenant des dollars en quantités énormes, pour lesquelles ils se posent comme les banquiers réticents des États-Unis. Ils commencent maintenant à être des vendeurs nets en raison de la surabondance du dollar, combinée aux manœuvres géopolitiques maladroites de l’Amérique. Les données de la balance des paiements pour décembre montrent que les étrangers ont vendu, net, pour 91,4 milliards de dollars 2, la plus importante sortie mensuelle de la présidence de Trump, quelques mois seulement après que tout le monde a pensé que les étrangers achèteraient encore plus de dollars pour rembourser leurs dettes.
Tout en ignorant leur dépendance vis-à-vis des financements extérieurs, les États-Unis tentent d’arrêter le développement économique et technique de la Chine, mais ce cheval s’est déjà emballé. Washington sait sûrement que la fête est finie, et que les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne sont simplement devenus des îles à la périphérie d’une vigoureuse puissance eurasienne. Halford Mackinder nous a tous avertis, il y a plus de cent ans 3, que cela se produirait sous une forme ou une autre. L’Amérique, semble-t-il, est prête à se détruire elle-même plutôt que de voir la prophétie de Mackinder se réaliser.
En conséquence, le monde entier est plongé dans un marasme du commerce imputable au gouvernement américain, qui est au centre du problème. Nous pouvons nous attendre à ce que son économie, ainsi que toutes les autres, connaissent un net recul au cours des prochains mois. Ce sera un encouragement pour encore plus d’inflation. L’expansion monétaire, qui suivra assurément, entraînera une accélération du déclin du pouvoir d’achat du dollar, alors que les étrangers passent de la thésaurisation des dollars à vendeurs nets en dollars. Cela entraînera une augmentation de la valeur de la préférence temporelle fixée par les marchés et, à moins que la Fed ne réponde suffisamment à cette augmentation d’inflation en augmentant ses taux, le dollar baissera tout simplement.
Dans les circonstances actuelles, la solution proposée par Volcker en 1980-1981 consistant à relever les taux d’intérêt à 20% pour stabiliser la monnaie ne semble pas être viable. En outre, inverser le choc de Nixon de 1971, et rétablir le soutien de l’or au dollar en tant que moyen de limiter la hausse des taux d’intérêt n’est tout simplement pas dans l’ADN de l’establishment. L’Amérique, qui est vraiment la coupable en détruisant ses propres arrangements monétaires de Bretton Woods, aura beaucoup de mal à changer de cap avec une telle désinvolture économique au sommet.
Le bloc OCS 4
Les choses sont très différentes en Asie. Les huit membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), ainsi que ceux qui souhaitent y adhérer, représentent environ la moitié de la population mondiale. Elle est dirigée par la Chine et la Russie, deux pays amis avec l’or. On peut dire que deux milliards de personnes supplémentaires sont directement touchées par le développement de l’OCS, y compris les nations peuplées d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et d’Afrique subsaharienne. Cela laisse la sphère d’influence douteuse des États-Unis réduite à environ un milliard et demi d’habitants sur une population mondiale de sept milliards. C’est la preuve de la clairvoyance de Halford Mackinder.
La Chine et la Russie ont toujours d’importants projets d’infrastructure, ce qui stimulera l’activité économique eurasienne au moins pour les deux décennies à venir. Si les économies nationales autrefois avancées s’effondrent, l’Asie sera bien sûr touchée, mais pas autant que ne le craignent même les observateurs chinois. La prochaine crise du crédit devrait toucher principalement les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Europe occidentale et leurs alliés militaires et économiques. Le bloc de l’OCS pourrait s’en sortir relativement facilement s’il prend les mesures qui s’imposent.
La menace qui pèse sur l’avenir de l’OCS provient principalement de sa politique monétaire actuelle, la Chine ayant notamment recours à l’expansion du crédit pour gérer son économie. Elle a cherché à maîtriser les conséquences de la politique monétaire nationale au moyen de contrôles stricts des changes, stratégie qui a jusqu’ici largement réussi.
La possibilité croissante d’un effondrement du dollar appellera un changement radical de la politique monétaire de la Chine. Nous savons quelle direction cette nouvelle politique donnera aux actions de la Russie, de la Chine et, de plus en plus, à celles d’autres membres de l’OCS, c’est-à-dire adosser l’or à leur-monnaie-papier, d’une façon ou d’une autre. De plus, ils sont capables de le réaliser et de le faire fonctionner.
Pour nous, il est clair que la Chine et la Russie comprennent l’importance de l’or en tant que monnaie véritable, mais on ignore si elles ont un plan crédible pour l’introduire dans leurs systèmes monétaires. Les Russes semblent avoir une bonne compréhension des problèmes. La Chine avait une bonne compréhension, mais bon nombre de ses conseillers économiques sont maintenant formés de manière occidentale aux croyances inflationnistes néo-keynésiennes. La Chine n’est donc pas totalement à l’abri des fautes susceptibles de détruire le dollar et d’autres monnaies occidentales. Mais le message central à comprendre, dans le succès remporté par la Chine sur le marché de l’or physique, est qu’un virage sera pris vers la bonne monnaie quand ce sera stratégiquement raisonnable, malgré les néo-keynésiens dans ses rangs.
Presque aucun des pays de l’OCS n’a d’engagement significatif en matière de bien-être auprès de sa population. Il leur est donc possible de contenir les dépenses du gouvernement en période de ralentissement économique. La Russie et la Chine peuvent, non seulement introduire un étalon d’échange en or et le faire tenir, mais leurs collègues membres l’OCS, et les pays qui leur sont liés, peuvent soit introduire leurs propres étalons d’échange en or, soit utiliser des roubles adossés à l’or ou au yuan pour ancrer leur monnaie.
L’orientation économique et monétaire prise par l’OCS dans les années à venir pourrait s’avérer relativement fructueuse, du moins par rapport aux difficultés rencontrées par les États-providence. Un tel résultat serait extrêmement positif pour l’humanité dans son ensemble et constituerait une bouée de sauvetage pour ceux d’entre nous qui sont bernés par le socialisme fondé sur l’inflation. On ne sait jamais, cela pourrait même forcer les gouvernements occidentaux dépensiers à se réformer et à adopter de nouvelles politiques monétaires.
L’effet sur le prix de l’or devrait être évident. On dit que les étudiants étrangers à Berlin en 1923 ont pu acheter des maisons avec la monnaie de l’allocation envoyée par leurs parents, généralement en dollars ou en livres sterling. Les dollars à cette époque valaient de l’or. Aujourd’hui, un standard monétaire ou un standard d’échange en or devrait être fixé à un taux nettement supérieur aux prix actuels de la monnaie fiduciaire. L’or est la protection ultime contre le vol par la dégradation de la monnaie.
Alasdair Macleod
Alasdair a été un courtier en valeurs mobilières réputé et membre de la Bourse de Londres depuis plus de quatre décennies. Son expérience englobe les marchés boursiers et obligataires, la gestion de fonds, le financement des entreprises et la stratégie d’investissement.
Note du Saker Francophone Cet article présente un point de vue assez libéral sur la monnaie. Il soulève d'intéressantes questions, tente d'y apporter des réponses mais l'auteur est aussi . Pour compléter cet article, on vous propose d'écouter Norman Palma qui revient notamment sur la démonétisation de l'or par Roosevelt et la création de facto de l'étalon-dollar. Il revient aussi sur l'idée de monnaie au sens philosophique au travers des pensées d'Aristote. Le seconde partie de l'article démontre s'il en est que la monnaie est aussi un outil géopolitique. Une partie des élites anglo-saxonne a bien compris les risques mais ne semble pas en mesure de peser sur le débat.
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
Notes
- Le MMT reproduit la théorie de l’état de l’argent Chartaliste, qui est devenue le point final du socialisme allemand du XIXe siècle. ↩
- Voir tableau, ligne 3, à l’adresse https://home.treasury.gov/news/press-releases/sm613 ↩
- Le pivot géographique de l’histoire, un article publié par Mackinder en 1904 ↩
- Chine, Inde, Kazakhstan. Kirghizistan, Pakistan, Russie et Ouzbékistan. Le statut d’observateur est accordé à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan, au Bangladesh, au Népal, à Sri Lanka, à l’Égypte et à la Syrie, ou en attente de l’obtenir. Le statut de dialogue est accordé ou en attente pour Israël, les Maldives, l’Ukraine, l’Irak, Bahreïn et le Qatar (Wikipédia). ↩
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