La guerre hybride par la tromperie


Des actes terroristes sous fausse bannière pour pousser l’Europe à sanctionner l’Iran


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 1 novembre 2018

Le Mossad, les services secrets israéliens, avec le soutien de la CIA, accusent l’Iran de comploter des assassinats en Europe.

En septembre, un attentat terroriste a tué une trentaine de personnes en Iran. Deux entités, un mouvement séparatiste arabe et le groupe terroriste d’État islamique ISIS, ont déclaré en être les instigateurs. Après enquête, l’Iran a découvert que c’était ISIS qui en était responsable. Le pays s’est rapidement vengé contre les coupables identifiés.

Six semaines plus tard, le Danemark affirmait, sans fournir de preuves, que l’Iran avait tenté d’assassiner un dirigeant du mouvement séparatiste arabe en représailles pour cette attaque terroriste. L’Iran a nié cette tentative d’assassinat. Le gouvernement danois, de droite, s’est servi de cette accusation pour exhorter les autres pays européens à sanctionner l’Iran.

Il est peu probable que l’Iran planifie de telles actions en Europe, dont il a un urgent besoin pour contrebalancer les dommages dus aux sanctions américaines, alors qu’il a déjà puni État islamique.

Les allégations danoises seraient fondées sur des informations fournies par le Mossad. Cela ne fait qu’accroître le soupçon que ce projet d’assassinat est une opération sous fausse bannière similaire à une opération récente menée en Belgique. Mais il est plus probable que ce soit la CIA qui est à l’origine de telles opérations sous fausse bannière.

Les détails :

Le 22 septembre, des hommes armés ont tué 29 personnes et blessé plus de 70 participants et spectateurs pendant un défilé d’anciens combattants à Ahvaz, en Iran :

Trois des agresseurs ont été abattus lors d’affrontements avec les forces de sécurité et un autre a été arrêté, selon les agences de presse.

 » Pendant le défilé, des terroristes déguisés en membres du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) et en Basiji (volontaires) ont ouvert le feu sur les autorités et le peuple depuis l’arrière de la tribune « , a déclaré le gouverneur du Khuzestan, Gholam-Reza Shariati, selon l’IRNA.

La porte-parole du département d’État des États-Unis, Heather Nauert, a également qualifié cette attaque de terrorisme. Nauert déclarait samedi : « Nous sommes aux côtés du peuple iranien contre le fléau du terrorisme islamique radical et nous lui exprimons notre sympathie en ce moment terrible ».

État islamique, ainsi qu’un mouvement séparatiste arabe, en ont revendiqué la responsabilité :

Le 22 septembre 2018, Yaqoob Al-Ahvaz revendiquait l’attaque contre le défilé militaire d’Ahvaz dans des commentaires à l’Iran International TV, basée au Royaume-Uni. Il a déclaré que son groupe, l’Ahvaz National Resistance, qui fait partie du Mouvement de lutte arabe pour la libération de la province d’Ahvaz, n’a « pas d’autre choix que de résister ». Le 23 septembre, une déclaration faite à La Haye, aux Pays-Bas, sur le site web de l’ASMLA, niait la responsabilité de l’attaque, affirmant que la revendication avait été faite par un  » groupe qui a été expulsé de l’organisation depuis 2015 « .

Après que Yaqoob Al-Ahvaz en a revendiqué la responsabilité, l’Iran a accusé l’Arabie saoudite d’avoir participé à l’attaque :

Le porte-parole de l’IRGC, Ramezan Sharif, a déclaré que les agresseurs étaient affiliés à un groupe terroriste soutenu par l’Arabie saoudite, a déclaré la chaîne de télévision publique iranienne Press TV.

« Les individus qui ont tiré sur le peuple et les forces armées pendant le défilé sont liés au groupe Al-Ahvaziya qui est subventionné par l’Arabie saoudite », a déclaré Sharif. L’Arabie saoudite n’a pas encore répondu à ces accusations.

La chaîne britannique Iran International TV, où Yaqoob Al-Ahvaz a revendiqué la responsabilité de l’attaque, est financée par une société liée au Prince Mohammed bin Salman.

Il y a plusieurs années, l’ASMLA, c’est à dire Al-Ahvaziya, a commis plusieurs attentats terroristes en Iran. Ses dirigeants vivent aux Pays-Bas et au Danemark.

L’Iran a immédiatement rappelé ces pays à leurs devoirs :

Le ministère iranien des Affaires étrangères a convoqué les ambassadeurs des Pays-Bas et du Danemark, ainsi qu’un diplomate britannique de haut rang, samedi, pour protester vigoureusement contre l’attaque, selon les médias publics iraniens.

Bahram Ghasemi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a déclaré que l’Iran avait  » de nouveau insisté «  auprès des diplomates sur la présence dans leurs pays respectifs de membres d’un groupe que l’Iran considère comme un groupe terroriste dont il veut arrêter les activités et poursuivre les membres.

Selon l’IRNA, M. Ghasemi a déclaré qu’il était  » inacceptable «  que des membres d’un groupe terroriste soient autorisés à résider dans ces pays et ne soient pas inscrits sur la liste des terroristes de l’Union européenne uniquement parce qu’ils n’ont pas commis de crimes sur le sol européen.

Cependant, quelques jours plus tard l’Iran concluait que l’attaque n’avait pas été commise par le mouvement Ahvaz, mais par État islamique. Le 1er octobre, il a réagi en lançant une salve de missiles qui a frappé des installations d’État islamique en Syrie :

Le Corps des Gardiens de la Révolution iranienne vient d’annoncer qu’il avait bombardé un site dans l’est de la Syrie en représailles à l’attaque terroriste contre un défilé militaire à Ahvaz, en Iran, il y a 10 jours.

L’IRGC a confirmé que le groupe terroriste visé était à l’origine de l’attentat terroriste qui a fait plus d’une douzaine de morts et de nombreux blessés dans la ville d’Ahvaz.

Une opération supplémentaire contre les planificateurs de l’attaque a eu lieu le 15 octobre en Irak :

Les Gardiens de la révolution iranienne ont déclaré mardi qu’ils avaient tué le « cerveau » de l’attaque d’un défilé militaire dans la ville iranienne d’Ahvaz le mois dernier, qui a fait 25 morts, dont près de la moitié étaient des membres de la Garde.

Les Gardiens ont déclaré dans une déclaration publiée dans les médias d’État que leurs forces avaient tué un homme nommé Abu Zaha et quatre autres militants dans la province de Diyala en Irak. Un site Web d’information de la télévision publique iranienne a déclaré qu’Abou Zaha était membre d’État islamique.

Cela cloturait l’affaire pour l’Iran.

Le 30 octobre, le Danemark a soudainement accusé l’Iran de planifier un assassinat contre un dirigeant du groupe ASMLA :

Le Premier ministre danois, Lars Lokke Rasmussen, a qualifié ce prétendu assassinat planifié par l’Iran d’un dirigeant séparatiste en exil au Danemark de « totalement inacceptable ».

L’ambassadeur iranien à Copenhague a été convoqué au ministère des Affaires étrangères au sujet de ces accusations.

Un citoyen norvégien d’origine iranienne a été arrêté en Suède le 21 octobre dans le cadre du plan présumé. L’homme nie les accusations.

Le 28 septembre, les autorités ont mené une chasse à l’homme massive qui a entraîné la fermeture de routes, l’annulation de trains et de ferries et la fermeture de ponts dans tout le Danemark.

Mardi, le chef des renseignements danois, Finn Borch Andersen, confirmait que des mesures avaient été prises pour empêcher le présumé complot.

Les services de renseignements danois ont accusé le citoyen norvégien de prendre des photos d’une maison où vit l’un des dirigeants de l’ASMLA. Ils n’ont fourni aucune preuve à l’appui de leurs accusations.

L’Iran a rejeté ces accusations :

Un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que ces  » rapports et allégations biaisés «  sont en réalité  » un complot et une conspiration de l’ennemi «  pour nuire aux relations entre l’Iran et l’Europe, selon l’agence de presse Tasnim.

Il semble en effet que le gouvernement danois, dirigé par le parti de droite Venstre, collabore avec les États-Unis et la Grande-Bretagne pour saboter la position européenne contre les sanctions américaines contre l’Iran :

Rasmussen a déclaré, après une réunion avec son homologue britannique Theresa May à Oslo, qu’il appréciait son soutien.

« En étroite collaboration avec le Royaume-Uni et d’autres pays, nous nous opposerons à l’Iran « , a-t-il déclaré sur Twitter.

Le ministre des Affaires étrangères, Anders Samuelsen, a déclaré que le Danemark discuterait de nouvelles actions avec ses partenaires européens dans les prochains jours.

Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a félicité le Danemark d’avoir arrêté « un assassin du régime iranien ».

L’ancien secrétaire général de l’OTAN et marionette des États Unis, Anders Fogh Rasmussen, est le prédécesseur de l’actuel chef du parti Venstre et premier ministre danois, Lars Løkke Rasmussen. Les deux sont des faucons.

Hier, un journaliste israélien révélait que les informations sur lesquelles le Danemark s’était appuyé provenaient d’Israël :

Barak Ravid @BarakRavid – 10:12 utc- 31 oct 2018

SPECIALE : Le Mossad israélien a donné au Service danois de sécurité et de renseignement (PET) des informations sur la tentative d’assassinat prévue par le service de renseignement iranien contre le dirigeant de l’organisation d’opposition iranienne ASMLA, m’a appris un responsable israélien

Eh bien, si les autorités israéliennes disent que l’Iran a fait quelque chose de mal, cela ne peut être que la vérité. (Et bien non.)

Le ministre iranien des Affaires étrangères a accusé Israël de mener des opérations sous fausse bannière pour piéger l’Iran :

Javad Zarif @JZarif – 20:15 utc – 31 Oct 2018

L’utilisation perverse et obstinée d’opérations sous fausse bannière par le Mossad (nous y reviendrons plus tard) ne fait que renforcer notre détermination à nous engager de manière constructive avec le monde. […]

Le Times of Israel notait :

Les accusations du Danemark contre l’Iran font suite au dévoilement d’un autre complot iranien présumé visant un rassemblement à Paris par un groupe d’opposition, en juin dernier. Selon des informations israéliennes, le Mossad a également contribué à contrecarrer cette attaque, qui a conduit à l’arrestation de plusieurs Iraniens en Europe, dont un diplomate.

Le premier complot impliquait deux membres de la secte terroriste anti-iranienne, MEK, implantée en Belgique, qui ont été pris avec des explosifs qu’ils voulaient utiliser pour attaquer une conférence de la MEK à Paris :

L’allégation selon laquelle un agent iranien aurait comploté une attaque sur le sol français compromet le soutien de l’Europe à cet accord. Alors que les responsables américains et israéliens intensifient leurs pressions sur l’Europe pour qu’elle rompe ses liens avec Téhéran, ils ont cité ce complot comme raison pour laquelle M. Macron et d’autres dirigeants devraient mettre fin à leur soutien à l’accord iranien.

Mardi, le Danemark a annoncé qu’il avait déjoué une opération iranienne visant à tuer un dissident, faisant pression sur l’Europe pour qu’elle durcisse sa position envers Téhéran. Un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que l’Iran n’était pas impliqué dans cette affaire.

La question la plus intéressante sur ces complots est toujours Cui bono ? A qui profitent ces incidents ?

L’Iran n’a aucun intérêt à provoquer des problèmes avec l’Europe peu de temps avant que la deuxième série de sanctions américaines, qui menacent son économie, n’entre en vigueur au début du mois. L’Iran s’est déjà vengé de l’attentat d’Ahvaz. Il n’a pas besoin de s’attaquer à un séparatiste non impliqué dans cet attentat et qui réside au Danemark. L’Iran a besoin de l’Europe pour contourner les sanctions américaines. Toute opération de ce type est contraire à cet objectif.

Le complot contre la MEK et le cas du Danemark puent l’opération sous fausse bannière. Dans les deux cas, personne n’a été blessé. Dans les deux cas, des dindons de la farce sans relation actuelle avec l’Iran ont été arrêtés. Les deux cas sont apparus après que des informations aient été fournies par le Mossad.

Mais est-ce vraiment Israël qui a organisé ces incidents ? Ils servent tout autant les intérêts des États-Unis. Ce n’est un secret pour personne que les États-Unis veulent empêcher que l’Europe entrave la vigueur des sanctions américaines contre l’Iran.

En juin 2017, l’administration Trump a mis en place un nouveau groupe de la CIA pour préparer et lancer des opérations d’infiltration contre l’Iran. Il est dirigé par son opérateur le plus impitoyable :

Il est connu sous le surnom de Prince noir ou Ayatollah Mike, surnoms qu’il a mérités en tant qu’officier de la Central Intelligence Agency quand il supervisait la chasse contre Oussama ben Laden et la campagne américaine de drones qui a tué des milliers de militants islamistes et des centaines de civils.

Maintenant ce fonctionnaire, Michael D’Andrea, a un nouveau travail. Il dirige les opérations de la C.I.A. en Iran, selon des responsables du renseignement, une nomination qui est le premier signe majeur que l’administration Trump adopte l’attitude dure contre l’Iran que le président a promis pendant sa campagne.

Le nouveau rôle de D’Andrea s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures prises au sein de l’agence d’espionnage qui témoignent que ses opérations secrètes vont prendre une tournure plus musclée sous la direction de Mike Pompeo, le conservateur républicain et ancien membre du Congrès, ont déclaré des fonctionnaires.

Un an plus tard, le même Mike Pompeo, aujourd’hui secrétaire d’État, créait le Groupe d’action contre l’Iran au département d’État. C’est une entité complémentaire du groupe de la CIA. Peu de choses ont été publiées sur les mesures prises jusqu’à présent par les deux groupes. Qu’a fait l’ayatollah Mike depuis qu’il s’est installé à son poste il y a 18 mois ?

Il est probable que les opérations sous fausse bannière menées en Europe, comme celles en Belgique et au Danemark, sont dirigées par la CIA, avec le Mossad uniquement dans un rôle auxiliaire. Les États-Unis peuvent difficilement admettre qu’ils planifient de faux incidents terroristes en Europe alors que le Mossad, souvent surestimé, aime s’attribuer le mérite de tout ce qui se passe dans ce monde.

L’Europe n’a aucun intérêt à soutenir ou à intensifier la guerre de Trump contre l’Iran. Les pays de l’UE devraient exiger des preuves tangibles de la part du Danemark et des autres accusateurs de l’Iran et ne devraient pas agir uniquement sur la base de vagues accusations.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

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