Il laisse surtout entrevoir un soutien à al-Qaïda.
Par Moon of Alabama – Le 12 avril 2017.
La Maison Blanche de Trump a publié trois pages et demie d’accusations contre les gouvernements syrien et russe. Ce sont de simples pages sans en-tête ou bas de page, pas de date, pas de traces de classement ni de déclassification, ni agence émettrice, ni signature. Impossible de savoir qui les a écrits.
Les médias américains étasuniens appellent cela un rapport déclassifié américain concernant l’attaque aux armes chimiques. Mais ce n’en est pas un.
Il commence en disant que « Les États-Unis sont convaincus que le gouvernement syrien a mené une attaque à l’arme chimique […] »
Les États-Unis (qui est-ce exactement ?) « sont convaincus », ils ne « savent » pas, il n’ont pas de « preuve » – ils sont juste « convaincus ».
L’ensemble du document ne contient que sept paragraphes qui sont censés être un « résumé de l’évaluation de la communauté du renseignement des États-Unis » sur la question. Les sept paragraphes sont suivis de huit (!) paragraphes qui tentent de réfuter les déclarations russes et syriennes sur la question. Un peu de remplissage politique constitue ce qui reste.
Le titre de ce chapitre « évaluation de la communauté du renseignement » est probablement déjà une fausse déclaration. Une évaluation du renseignement nationale, même préliminaire et rapide, pour laquelle les dix-sept agences de renseignement américaines doivent être entendues, prend au moins deux à trois semaines à réaliser. Une évaluation complète peut prendre deux mois ou plus. Ce sont des documents officiels, émis par le directeur du renseignement national. L’évaluation sommaire publiée par la Maison Blanche n’a pas suivi cette procédure. Il est probable qu’elle ait été fabriquée et écrite vite fait bien fait par le National Security Council.
Cette prétendue évaluation commence par une affirmation définitivement fausse : « Nous pensons que Damas a lancé cette attaque chimique en réponse à une offensive de l’opposition dans la province de Hama, offensive qui menaçait une infrastructure clé. »
L’attaque de Hama avait échoué il y a déjà deux semaines de cela. Depuis lors, l’armée syrienne a regagné tout le terrain que l’« opposition » al-Qaïda avait capturé au cours des premiers jours. Aucune infrastructure clé n’a jamais été sérieusement menacée. Plus de 2 000 combattants d’al-Qaïda ont été tués dans la lutte.
Peto Lucem, une source médiatique bien connue et fiable pour ses cartes précises de la guerre en Syrie, a publié, le 31 mars, quatre jours avant l’accident chimique :
Peto Lucem @PetoLucem
NOUVELLE CARTE : La ligne de front « Rebelle » à #Hama s’effondre, #SAA [L’armée syrienne, NdT] reprend la plupart des avancées d’#AlQaïda réalisées dans les premiers jours de leur offensive ratée. #Syrie
L’attaque de Hama avait déjà échoué quelques jours avant l’accident chimique de Khan Shaykhun. Khan Shaykhun n’est pas en première ligne. Cet accident et l’échec de la tentative d’al-Qaïda dans Hama ne peuvent être liés. Il n’est pas logique de lancer un incident militairement inutile dans un endroit lointain « en réponse » à une défaite de l’ennemi ailleurs – en plus à un moment où la situation politique et militaire mondiale s’avère favorable au gouvernement syrien. (L’Agence de renseignement du Pentagone n’a certainement jamais soutenue une telle revendication illogique.)
Les paragraphes suivants du document publié révèlent que l’évaluation repose en grande partie sur un « un nombre important » de « rapports open source » qui « indique » ceci ou cela. Cela signifie que la Maison-Blanche s’appuie sur des images et des vidéos postées par des personnes autorisées à opérer librement dans la capitale Khan Shaykhun, alors qu’elle est tenue par al-Qaïda. Sous la direction de qui et dans quelles conditions les images et les vidéos ont-elles été prises et publiées ? (Khan Shaikhun était entre les mains d’un groupe islamique associé, Liwa al-Aqsa, jusqu’à la mi-février. Le groupe s’est déplacé après avoir combattu al-Qaïda et avoir abattu quelque 150 de ses combattants. Depuis, al-Qaida est entré dans la ville et la dirige.)
Plusieurs des vidéos publiées ont été présentées et commentées par le « Dr. Shajul Islam » qui a été évincé du registre médical britannique et inculpé au Royaume-Uni pour son rôle dans l’enlèvement de journalistes « occidentaux » en Syrie. Il s’était enfui en Syrie. Les vidéos qu’il a distribuées du « sauvetage » des victimes des différents accidents chimiques n’étaient pas des situations d’urgence réelles mais des mises en scène. L’un des journalistes kidnappés avec l’aide du Dr Shajul Islam, James Foley, a ensuite été assassiné, devant une caméra, par État islamique.
Les autres vidéos et photos ont été réalisées par les « sauveteurs » appelés Casques blancs, un support de propagande financé par les États-Unis et le Royaume-Uni, qui est tellement « neutre » qu’ils travaillent avec EI (vidéo) et al-Qaïda, mais jamais dans les régions gouvernementales où se trouve la population syrienne.
L’offensive contre Hama menée par l’« opposition » a été personnellement planifiée et dirigée par le chef d’al-Qaïda en Syrie, Al-Joliani. Les photos des séances de planification de la campagne ont été publiées par des agences d’« opposition » et largement diffusées.
Le document de la Maison Blanche parle seulement de l’« opposition ». Comment peut-il y avoir une « évaluation du renseignement » (et en plus en parler publiquement) qui ne note pas que l’incident en question a eu lieu dans une zone qu’AL-QAIDA dirige et que l’offensive prétendument liée a l’attaque chimique (mais qui a échoué) a été lancée par AL-QAIDA. AL-QAIDA est-il maintenant officiellement devenu l’opposition syrienne pour les États-Unis ? L’ancien général néoconservateur Petraeus fait pression pour une alliance américaine avec al-Qaïda depuis 2015. Le nouveau conseiller en sécurité nationale de Trump, le général McMaster, est un protégé de Petraeus. Lui et Petraeus ont explosé l’Irak. La doctrine Petraeus est-elle maintenant en place ?
La prochaine étape serait alors que les États-Unis s’unissent de manière informelle avec État islamique. Le chroniqueur Thomas Friedman, du New York Times, préconise déjà cela :
« Nous pourrions simplement arrêter de lutter contre EI en Syrie et en faire un problème pour l’Iran, la Russie, le Hezbollah et Assad. Après tout, ce sont eux qui sont trop impliqués en Syrie, pas nous. Faisons en sorte qu’ils combattent une guerre sur deux fronts – les rebelles modérés d’un côté et EI de l’autre. Si nous vainquons EI en Syrie maintenant, nous ne ferons que réduire la pression sur Assad, l’Iran, la Russie et le Hezbollah et cela leur permettra de consacrer toutes leurs ressources à écraser les derniers rebelles modérés dans Idlib, sans partager leur pouvoir avec eux. »
Les États-Unis, dit clairement Friedman, devraient laisser EI fonctionner librement afin qu’il puisse aider al-Qaïda qui règne sur Idlib. Friedman parle des « rebelles modérés d’Idlib », mais ils sont comme les licornes. Ils n’existent pas. Il y a al-Qaïda et il y a un plus petit groupe nommé Ahrar al Sham qui se compare aux talibans. Tous les autres combattants de l’opposition d’Idlib ont rejoint l’un de ces deux groupes ou sont morts.
Mais pourquoi ne pas utiliser ces bandes de meurtriers de masse sectaires contre le gouvernement syrien et d’autres ? Hé, c’est exactement ce qu’Israël veut que nous fassions. Et pourquoi ne pas leur distribuer des missiles anti-aériens, comme le demande Friedman, et leur fournir un soutien aérien. Tout en même temps. Sur que cela marcherait bien.
Donc, en Syrie, Trump devrait laisser EI devenir le mal de tête d’Assad, de l’Iran, du Hezbollah et de la Russie – de la même manière que nous avons encouragé les combattants moudjahidines à saigner la Russie en Afghanistan.
Eh bien, vous savez que le truc des moudjahidines a si bien marché que près de quarante ans plus tard, les États-Unis réfléchissent encore à envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan pour les vaincre. Est-ce que nous voulons vraiment répéter cela aux frontières de l’Europe ?
La Maison Blanche est vraiment en plein délire, mais encore plus les médias américains. Comment la santé mentale peut-elle être ramenée à la maison ?
Mise à jour :
Le professeur émérite au MIT, Theodor Postol, ancien conseiller scientifique de la marine militaire américaine, expert sur les missiles, a analysé la « preuve » que la Maison Blanche a présenté. Le court rapport préliminaire est disponible ici. (J’ai vérifié et c’est bien l’original.) [Traduction française du rapport faite par Les Crises.fr, NdT].
Postol n’a rien trouvé dans l’évaluation de la Maison Blanche qui lui permette de croire que l’accident chimique provient d’une attaque aérienne. Il trouve plutôt des signes que l’explosion a été lancée depuis le sol, en faisant intentionnellement exploser des munitions de 122 mm avec d’autres explosifs.
Il trouve que l’évaluation de la Maison Blanche est du travail d’amateur et n’a pas été correctement vérifié par des analystes des renseignements compétents qui, selon Postol, ne l’auraient pas signé dans sa forme actuelle (comme je l’ai dit plus haut).
Postol présume que l’accident était du au Sarin. Il n’analyse pas cette revendication de la Maison Blanche (ce n’est pas son domaine). Je ne suis pas d’accord avec l’histoire du Sarin. Beaucoup d’autres substances organo-phosphatés (pesticides) seraient « compatibles avec » les symptômes affichés ou joués dans les vidéos et les images. Certains symptômes attendus avec le sarin, par exemple de fortes convulsions, une défécation spontanée, ne sont visibles dans aucune des vidéos ou des images.
Je ne suis pas non plus d’accord avec Postol concernant la photo du prétendu cratère d’impact de l’attaque. J’ai vu plusieurs « versions » du cratère d’impact sur les réseaux sociaux avec différentes pièces métalliques, ou aucune, répandues à l’intérieur. Postol semble n’avoir vu qu’une seule version. Ses conclusions sur cette version semblent correctes. Mais la « preuve » du cratère est faible et il n’est pas facile d’en tirer des conclusions générales. Je suis d’accord cependant pour dire que le cratère ne provient pas d’un impact aérien mais d’un événement au sol. Je ne suis toutefois pas sûr du fait qu’il soit lié à l’accident.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par M pour le Saker Francophone
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