Non à l’OTAN asiatique


Un éditorial du Jakarta Post – Le 5 octobre 2024

Même s’il résiste à l’épreuve du temps, comme son prédécesseur Fumio Kishida, Ishiba n’a pas grand-chose à offrir pour attirer les dirigeants de l’ASEAN dans un contexte de déclin de la puissance économique du Japon et de montée en puissance économique de l’ASEAN.

Lorsqu’il se présentera aux dirigeants de l’ASEAN lors de leur sommet annuel, qui se tiendra à Vientiane la semaine prochaine, le Premier ministre japonais nouvellement élu, Shigeru Ishiba, devrait s’abstenir de promouvoir sa grande idée d’établir une version asiatique de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) afin d’éviter l’auto-humiliation.

Comme les médias et les sondeurs japonais ont prédit que son gouvernement pourrait être de courte durée, il est probable que ses hôtes lui réserveront un accueil chaleureux par courtoisie sans attendre grand-chose de lui, car les dirigeants de l’ASEAN ne savent pas combien de temps il pourra survivre. Toutes les nations de la région considèrent toujours le Japon comme leur principale source d’investissement et leur principal partenaire commercial, mais l’ASEAN dispose désormais d’un plus grand pouvoir de négociation.

Le Japon, ainsi que d’autres grandes puissances, a assuré à plusieurs reprises que l’ASEAN resterait le centre de l’Indo-Pacifique. Mais les mots et les actions sont deux choses très différentes. Les pays occidentaux et leurs alliés, dont l’Australie et le Japon, souhaitent que l’ASEAN les rejoigne dans leur lutte contre la montée en puissance de la Chine.

L’idée d’une OTAN asiatique vise à unifier toutes les forces disponibles pour s’unir contre la Chine, ce qui serait considéré comme très offensif pour les 10 membres de l’ASEAN. Ishiba s’attend à ce qu’une nouvelle alliance militaire soit suffisamment forte pour dissuader la Chine, la Russie et la Corée du Nord, qui détiennent tous l’arme atomique.

Géographiquement, cela n’a aucun sens pour le Japon d’adhérer à l’OTAN, bien que ses dirigeants aient souvent envisagé l’idée. Le Japon est déjà membre de l’alliance militaire informelle Quad, qui comprend également les États-Unis, l’Inde et l’Australie. Tokyo a également envisagé de devenir le quatrième membre du pacte militaire dit AUKUS avec l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis.

L’ASEAN a plus de choix que ne le pensent les États-Unis et leurs alliés, y compris le Japon, et le Japon n’a actuellement pas d’offre trop lucrative à laquelle l’ASEAN ne puisse résister. L’ASEAN se classe au troisième rang des puissances économiques d’Asie après la Chine et le Japon, et est la cinquième économie mondiale après les États-Unis, la Chine, l’Allemagne et le Japon. Le Japon a perdu sa position de troisième économie mondiale au profit de l’Allemagne à la fin de l’année dernière et occupe désormais la quatrième position après les États-Unis, la Chine et l’Allemagne. Le Japon était la deuxième économie mondiale jusqu’en 2010, lorsque la Chine l’a devancé. Pour l’ASEAN, le Japon est le quatrième partenaire commercial en importance, ne représentant que 7% du total des exportations et des importations de la région. De plus, la part du Japon dans les investissements directs étrangers est tombée à seulement 6%. Pendant ce temps, la Chine, les États-Unis, l’Union européenne et le Japon sont les principaux partenaires commerciaux de l’ASEAN, et depuis le début de cette année, l’ASEAN a dépassé l’UE en tant que premier partenaire commercial de la Chine.

L’ASEAN n’adhérera pas à l’idée d’Ishiba d’une OTAN asiatique. En tant que groupe, l’ASEAN a besoin du Japon en tant que partenaire commercial et économique fiable, et non en tant qu’allié militaire qui ne ferait qu’exacerber les tensions dans la région.

Note du Saker Francophone

Dans leur volonté de contenir la Chine et de garder leur domination sur la zone Asie-Pacifique, les États-Unis plaident régulièrement pour la mise en place d’une OTAN asiatique qui regrouperait tous les pays de la région, en particulier l’ASEAN, contre la Chine, comme c’est le cas en Europe contre la Russie. Cet éditorial du journal indonésien en langue anglaise, The Jakarta Post, exprime la ferme opposition du plus grand pays de l’ASEAN à ce projet.

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

   Envoyer l'article en PDF